En 1984, Arlene Gottfried s’était déjà taillé sa place dans le paysage artistique et médiatique new-yorkais. Commissionnée par le New York Times, Fortune, ou encore Life, elle écumait la nuit venue ses invitations pour les soirées de la Grosse Pomme. C’est dans une boîte du Lower East Side, un soir d’été, qu’elle rencontre Midnight.
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Arlene Gottfried et Midnight nouent tout de suite une grande complicité, naviguant entre amour, sexe et amitié. Ensemble, les deux courent les soirées et passent des journées à discuter. Arlene photographie Midnight tandis qu’il lui raconte ses nombreuses frasques et histoires. Ismael, de son vrai prénom, a fugué du foyer de sa mère adoptive à 13 ans, a vécu dans la rue, dansé dans un club gay alors qu’il n’était pas encore majeur, voyagé à travers le pays et est passé par la case prison.
Midnight. (© Arlene Gottfried)
La photographe connaît le passé de Midnight mais, très vite, elle se rend compte de la difficulté à saisir son présent. Parfois, son ami disparaît plusieurs jours de suite ou apparaît à sa porte, l’air dépenaillé. “Il était dans une boucle sans fin où il devenait malade, se faisait hospitaliser ou emprisonner, prenait un traitement, voyait des conseillers et adhérait à un nouveau programme thérapeutique”, relatait la photographe avant de mourir, en 2017.
Arlene Gottfried n’apprend que plusieurs mois après leur rencontre que son ami souffre d’une “schizophrénie paranoïaque, d’un déséquilibre chimique accompagné de crises psychotiques aiguës”, tel qu’il le rapportait lui-même récemment dans un article du Time.
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Une amitié exigeante
Malgré “l’engagement épuisant” que représentait le fait d’aider Midnight à survivre, l’artiste est restée proche de son ami, continuant d’immortaliser leur relation en dents de scie et leur quotidien. Les images de Midnight datent de 1984 à 2002 et sont toujours présentées chronologiquement dans les livres photo ou les expositions dédiées – comme celle visible actuellement à New York, au sein de la galerie Daniel Cooney.
On voit Midnight sous toutes ses coutures, à l’enterrement de sa mère adoptive ou en pleine soirée, amaigri, en forme, les cheveux courts ou longs. Il apparaît souvent seul. Les situations sont intimistes et le cadrage, la composition et la lumière attestent du lien fort qui unissait la photographe et son modèle.
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Une photographe engagée auprès de ses sujets
Réalisée sur vingt ans, la série dédiée à Midnight résonne avec les thèmes qui émaillent la longue carrière d’Arlene Gottfried. Née et ayant vécu à New York toute sa vie, la photographe s’intéressait notamment aux communautés marginalisées, subissant les effets de la gentrification.
Amatrice de projets sur le temps long, l’artiste a suivi une partie de la communauté portoricaine new-yorkaise dans les années 1970 et 1980. Dans le cadre de Mommie: Three Generations of Women, elle a également documenté trois générations de femmes de sa famille sur 35 ans, “sa grand-mère immigrée, sa mère fragile et sa sœur récalcitrante”.
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Arlene Gottfried a commencé à photographier Midnight pour son charisme et sa personnalité, bien avant de connaître les troubles qui l’habitaient. C’est sans doute la raison pour laquelle ses images sont tout à fait dénuées de voyeurisme ou de curiosité mal placée. Sa série nous entraîne davantage dans les méandres de la vie d’un homme troublé, balloté autant par les aléas de la vie que ceux de sa santé mentale.
Près de trente ans après leur première rencontre, Midnight regarde avec toujours autant d’affection et de fierté ces images, témoignages d’une amitié passée et d’une existence riche et preuves d’une véritable “collaboration”, s’émeut-il.
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
Midnight. (© Arlene Gottfried)
L’exposition “Midnight” est visible à la galerie Daniel Cooney jusqu’au 5 mars 2022. Vous pouvez retrouver le travail d’Arlene Gottfried sur son site.