Depuis son apparition sur l’album de Dr. Dre l’été dernier, Anderson .Paak est devenu l’un des grands espoirs de la scène hip-hop américaine. Attendu au tournant, le chanteur, rappeur et producteur vient de dévoiler Malibu, un album qui va bien au-delà de nos espérances.
À voir aussi sur Konbini
Si son nom ne vous évoque pas grand-chose, mis à part peut-être l’image d’un sombre producteur égaré dans les méandres de SoundCloud, n’ayez crainte : Anderson .Paak fut l’un des plus grands mystères de l’année 2015. Un mystère que j’ai tenté de percer à jour vendredi dernier, alors qu’il était en promo à Paris et s’apprêtait à donner son tout premier live mondial sur le plateau du Grand Journal (un show très dansant à la fin duquel il a rendu hommage à David Bowie).
Mais voilà : j’étais en retard et, planning de promo millimétré oblige, je n’ai pu m’entretenir que dix petites minutes avec le mystère en question. Le temps qu’il me complimente sur mon manteau de fourrure “qui a l’air tellement chaud” (il cherchait désespérément à augmenter le chauffage depuis cinq bonnes minutes), et qu’il m’énonce ses préférences entre le chant et la production, le dab ou le nae nae, Venice et Malibu.
J’écris ces mots en italique car, bien qu’ils symbolisent deux coins fantasmatiques des États-Unis, ils désignent surtout ici les deux derniers albums d’Anderson .Paak : Venice donc, sorti en octobre 2014, et Malibu, dévoilé le 15 janvier dernier. Si près de deux ans sépare ces deux longs formats, un mur impénétrable semble cependant s’être dressé entre eux.
Bien que Venice porte en son sein quelques morceaux résolument soul, c’est majoritairement un disque électronique et hip-hop, dérivant même parfois légèrement vers la trap (“Drugs”) ; Malibu est acoustique, réconfortant, et nous rappelle, à l’instar des derniers albums de The Internet ou de Charles X, que la soul a encore de beaux jours devant elle aux États-Unis.
En outre, on y retrouve un panel de producteurs et rappeurs talentueux tels que Kaytranada, The Game ou encore Schoolboy Q, que l’on découvre plongé dans un univers très jazzy sur “Am I Wrong” (le titre interprété au “Grand Journal”, ci-dessus). Une surprenante petite claque, en somme.
Mais revenons-en au mystère.
Six morceaux sur l’album de Dr. Dre
Le 7 août 2015, Dr. Dre signe son grand retour avec Compton: A Soundtrack by Dr. Dre. Un troisième disque inespéré pour les fans du producteur, puisque dévoilé seize ans après le mythique 2001 (1999), et vingt-trois après le premier et culte The Chronic (1992). Un disque sur lequel on retrouve des monstres du hip-hop US tels que Xzibit, Snoop Dogg, Kendrick Lamar, Ice Cube, Eminem… et un certain Anderson .Paak.
Ce natif d’Oxnard (Californie), jusqu’ici quasi inconnu au bataillon du hip-hop, figure sur pas moins de six titres de Compton, dont les très bons “All in a Day’s Work”, “Deep Water”, et “Animals”. Un chiffre élevé, quand on sait qu’à l’époque de l’enregistrement, l’artiste ne possédait aucun tube au compteur et n’était pas encore signé sur une major.
Pas étonnant que les médias, de Mass Appeal à Complex en passant par Hypetrak se soient élevés d’une seule et même voix pour répondre à cette intrigante question : who the hell is Anderson .Paak?
Un air de Kendrick Lamar ?
Surtout que sous ses airs de crooner charismatique, Anderson .Paak (de son vrai nom Brandon Paak Anderson) nous fait parfois penser à l’un des rappeurs les plus doués de sa génération : Kendrick Lamar. Surtout sur Malibu.
En effet, les sonorités funk, jazz et surtout soul qui émanent des 16 morceaux de cet album, entremêlés au grin de voix légèrement esquinté d’Anderson .Paak et à son flow syncopé, rappellent sans équivoque le géniteur de To Pimp A Butterfly. Il n’y a qu’à écouter les titres “Heart Dont Stand A Chance”, “The Waters” ou encore “Come Down” (ci-dessous), actuellement qualifié de best new track par Pitchfork, pour s’en convaincre. Et comme Kendrick, Anderson .Paak délivre un album sincère et authentique dans lequel il nous conte sa vie, ses espoirs, ses craintes aussi.
Des projets à la pelle
Il se pourrait d’ailleurs que les deux artistes collaborent sur un titre commun. Dans un entretien accordé à Mass Appeal, Anderson .Paak expliquait :
“[On n’a pas encore travaillé ensemble], mais c’est fou, j’ai reçu un texto de lui ce matin dans lequel il disait : ‘Bro, t’as fait un travail incroyable sur l’album [de Dr Dre] – le ton de ta voix est incroyable!'”
S’il est encore trop tôt pour mettre les deux Californiens sur un pied d’égalité – Kendrick Lamar ayant depuis good kid, m.A.A.d city (2012) été élevé au statut de génie – on peut toutefois voir dans le talent d’Anderson .Paak un atout de taille pour la scène hip-hop californienne. Et Malibu n’est pas le seul indice qui nous le laisse penser.
Car, en parallèle d’ériger sa carrière solo, celui qui se faisait autrefois appeler Breezy Lovejoy ne cesse de multiplier les projets. En plus de redonner des couleurs à la soul, de collaborer avec les plus grands, et de créer sa propre web-série, il constitue également la moitié de NxWorries (à prononcer “No Worries”), un duo créé avec le producteur Knxwledge (qui se cache d’ailleurs derrière “Momma” de Kendrick Lamar). C’est leur morceau “Suede”, sorti au printemps 2015, qui a encouragé Dr. Dre à convier .Paak sur Compton.
Il ne serait donc pas étonnant qu’Anderson .Paak, aussi talentueux que prolifique, nous ravisse à nouveau de sa chaude et réconfortante musique cette année. En attendant, Malibu s’offre à nous, paré à réchauffer nos longues soirées d’hiver.