Déjà considérée par beaucoup comme la meilleure série Netflix depuis Squid Game (collectant même un 99 % sur Rotten Tomatoes), la comédie noire Acharnés (Beef, en anglais) de Lee Sung Jin fait parler d’elle. Et c’est compréhensible : la production A24 offre une histoire de vengeance haletante, un humour mordant et un duo de personnages aussi détestable qu’attachant, Danny et Amy, brillamment portés à l’écran par Steven Yeun (Minari, Nope) et l’humoriste Ali Wong. Le seul élément qui leur vole la vedette : l’art, omniprésent.
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L’histoire d’Acharnés est celle d’un couple d’inconnu·e·s qui se fritent sur un parking pour une priorité de route coupée. Un incident désuet et anodin, qui va pourtant déboucher sur des péripéties pour le moins explosives. L’art, sous sa forme picturale, architecturale ou sculpturale, y sert aussi bien de décor que de métaphore sociétale et économique. Sur la base d’une interview de la cheffe décoratrice Grace Yun (Hérédité, Ramy) pour la plateforme de décryptage Netflix Tudum, on a listé les références artistiques de la série et leur signification — quand elles en ont une.
Les sculptures cheloues
Ces drôles d’objets difformes sont les œuvres du personnage de George, le mari de la protagoniste Amy. Des sculptures qui ne vont pas sans rappeler les œuvres de Jeff Koons ou de Dan Lam. Fabriquées par les plasticien·ne·s du département artistique de la série, elles sont en partie inspirées de postures de yoga, et se sont vues attribuer des surnoms tout mimis comme Le Dinosaure ou Le Chien.
Leur forme assez libre et indéfinie reflète le caractère très laxiste de George, et sa tendance à laisser flotter les choses autour de lui. L’acteur qui interprète George, Joseph Lee, étant lui-même un artiste peintre, a pu construire son personnage et les traits qui le composent à partir de ces sculptures.
© Andrew Cooper/Netflix
L’exposition de chaises
Une scène iconique de la série est celle qui a lieu au milieu d’une impressionnante exposition de chaises, 65 chaises exactement ! Grace Yun confie qu’initialement, 100 chaises avaient été rassemblées pour le décor, mais que réduire leur nombre à 65 leur a permis d’avoir plus d’espace sur le plateau. Chaque chaise a été soigneusement sélectionnée, recouvrant “une grande variété de chaises de différentes époques et d’approches que l’on pouvait adopter pour les concevoir”.
La chaise Tamago, avec son design de boule de bowling verte, est une pièce centrale de la série : c’est la pièce transmise par le père de George. Les “chaises-œuvres” sont devenues des classiques de l’art contemporain, popularisées par des œuvres ready-made comme l’emblématique tabouret Roue de bicyclette (1913) de Marcel Duchamp, ou La Chaise de graisse (1964) de Joseph Beuys.
© Netflix
Le manoir cylindrique et la collection de couronnes
Un autre personnage iconique de la série : Jordan Forster, interprétée par Maria Bello, riche milliardaire et boss d’Amy. Les scènes dans son manoir gargantuesque offrent un aperçu de la vie des ultra-riches niché·e·s dans le désert montagneux de Californie. Tout déborde dans cet endroit, grandement inspiré des clichés de décoration d’intérieur de la plupart des magazines d’art branchés.
Cette maison californienne est en réalité un endroit bien réel du nom de “House of Book”, faisant partie du campus de l’American Jewish University dans la ville de Brandeis. Ce lieu à l’architecture cylindrique et brutaliste a été pensé par l’architecte états-unien Sidney Eisenshtat en 1973 et a, depuis, servi de lieu de tournage pour Star Trek 6 ou la série Power Rangers: Mighty Morphin des années 1990.
Finalement, la collection de couronnes précieusement gardées reflète la tendance de réappropriation culturelle problématique du personnage de Jordan Forster. Car au-delà des couronnes anglo-saxonnes, on retrouve énormément de pièces asiatiques ou sud-américaines. La plupart des couronnes ont été trouvées dans des ressourceries et une parure a été fabriquée pour la série, à savoir la coiffe dorée à l’influence péruvienne.
© Netflix
Une peinture par titre d’épisode
Si les noms d’épisodes d’Acharnés vous semblent alambiqués et abstraits, c’est exactement ce que voulait le showrunner sud-coréen Lee Sung Jin, qui a référencé des œuvres littéraires et cinématographiques pour nommer les dix chapitres de la série. Le but était de laisser le public interpréter à sa sauce les différents titres, en les liant aux agissements des protagonistes.
On retrouve ainsi une référence à un poème de Sylvia Plath pour le troisième épisode “Le cri qui m’habite”, ou encore à un passage de Simone Veil pour le neuvième épisode “Le fabricateur d’illusions”. Mais le réalisateur ne s’arrête pas là, et a décidé d’accompagner chacun de ces écrans-titre de début d’épisode d’une peinture.
Les œuvres vont d’une nature morte d’étalage de viande à des œuvres abstraites de silhouettes qui dégobent un arc-en-ciel. Selon la cheffe décoratrice Grace Yun, les choix de peintures ont été spontanés, guidés par “un sentiment viscéral de la façon dont elle reflétait ou non le thème de l’épisode en question”.
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La série Acharnés (ou Beef) est disponible sur Netflix.