Vendredi 29 mars dernier, la sculpture installée à Saint-Denis “en hommage aux victimes de l’esclavage colonial” disparaissait des jardins fréquentés de l’Hôtel-Dieu. Quelque temps auparavant, la mairie avait annoncé qu’elle déplacerait l’œuvre, mais c’est finalement un retrait en catimini qui a eu lieu. À la place de la sculpture s’élevaient ainsi fin mars un promontoire vide et un gros point d’interrogation pour les Dionysien·ne·s, l’association Sonjé, le collectif Marche 98 et l’artiste Nicolas Cesbron.
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Les associations en question avaient commandé l’œuvre puis l’avaient inaugurée le 23 mai 2013, à l’occasion de la Journée de la commémoration des victimes de l’esclavage colonial. Ses membres ainsi que Nicolas Cesbron avaient insisté auprès de la mairie de Saint-Denis afin d’être tenu·e·s informé·e·s des mouvements de la sculpture fragile. “Vous nous aviez confirmé de nous associer à chaque étape du déplacement de la Stèle“, dénonce l’association Sonjé, qui “promeut l’histoire et la culture ultra-marine”, dans un communiqué adressé au maire : “Faut-il rappeler ici que cette Stèle est plus qu’une simple sculpture, elle représente symboliquement, pour nous, la dernière demeure de nos ancêtres, où nous nous recueillons. Nous souhaitions être présents pour immortaliser ce moment historique, et certains avaient formulé le vœu d’accompagner spirituellement ce déplacement.”
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L’imposante sphère en métal était “incrustée de médaillons sur lesquels sont inscrits les noms des 213 esclaves, chiffre symbolique représentant les 213 ans de cet esclavage”, décrit le site Mémoire Esclavage. L’endroit était devenu un “lieu de mémoire et de recueillement”, indique l’artiste Nicolas Cesbron, l’œuvre se retrouvant ainsi au centre de marches et rassemblements. Ces “temps de recueillement et de paix” étaient notamment organisés avec les descendant·e·s des personnes aux noms inscrits sur La Stèle et les habitant·e·s de la ville, rapporte Sonjé.
Une petite semaine après le retrait surprise de l’œuvre, des habitant·e·s ont tenu, jeudi 4 avril, un rassemblement. “Il y avait deux cars de gendarmerie non loin, qui ont quitté les lieux quand nous sommes partis”, relate une manifestante. “L’adjoint aux questions mémorielles a été hué quand il a donné pour motif au déplacement de cette stèle mémorielle la nécessité de la protéger par des caméras. La directrice de cabinet du maire a donné une autre version et expliqué le déplacement de cette stèle mémorielle par la nécessité d’implanter à sa place le manège pour enfants qui fait pour l’instant face à la basilique”, ajoute la Dionysienne, qui précise que le nouvel emplacement prévu par la mairie est “très en retrait par rapport à là où elle se trouvait jusqu’ici”.
La nouvelle a suscité “beaucoup d’émotion et d’intérêt” de la part “des riverains du centre de Saint-Denis”, souligne la présidente de l’association Sonjé. Tandis que nous n’avons pu entrer en contact avec la mairie de Saint-Denis, ses habitant·e·s continuent de questionner une potentielle invisibilisation d’une œuvre à la symbolique si forte. “C’est un lieu commémoratif, Christiane Taubira y est venue et là, on n’a eu aucune explication, rien. C’est fait de manière brutale et maladroite, c’est un blasphème. La mairie a refusé de nous laisser voir les images du déplacement ou de nous laisser voir le lieu où elle a déplacé la sculpture”, se désole Nicolas Cesbron.