Ennio Morricone était un compositeur rock star, auteur de plus de 500 bandes originales de films en quasiment 60 ans de carrière. Son style est très difficile à définir, il a toujours oscillé entre musique concrète et classique, expérimentale et pop. Véritable orfèvre du cinéma en Italie dans les années 1960 et 1970, il a ensuite travaillé sur les plus grosses productions de la planète.
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Voici quelques-unes de ses œuvres les plus progressistes et cultes.
Le Bon, la Brute et le Truand – “Thème”
de Sergio Leone (1966)
Dans le cinéma de son ami Sergio, la musique d’Ennio est beaucoup plus qu’un accompagnement. Dès Pour une poignée de dollars, les deux amis Romains inventent ensemble un western italien, plus sombre, cynique et violent. La partition d’Ennio est un personnage à part entière, un élément du scénario.
Ainsi, pendant le tournage du film Le Bon, la Brute et le Truand, dernier de la trilogie du dollar, Sergio Leone diffusait la musique de Morricone via des haut-parleurs sur le plateau pour que tous les acteurs s’imprègnent de l’ambiance si particulière de cette composition. Car Ennio signe là l’une des bandes-son les plus fouillées, entre bruitages de fouet, de chevaux, voix fantomatiques et instruments étranges, mélangeant musique classique, expérimentale et concrète, renouvelant ainsi la vision et le son du western. Une œuvre charnière qui lancera une légende. Ou deux.
Il était une fois dans l’Ouest – “L’Homme à l’harmonica”
de Sergio Leone (1968)
Deuxième trilogie pour le duo Leone-Morricone et encore un énorme succès visuel et sonore. Parfois, les partitions d’Ennio ressemblent à Pierre et le Loup : chaque personnage a sa sonorité propre, son instrument. “L’Homme à l’harmonica”, dans Il était une fois dans l’Ouest, est un parfait exemple de cette force, avec un thème entêtant. Charles Bronson ne parle pas, il joue juste de l’harmonica.
Et quand on entend ces quelques notes, ça sonne souvent le glas pour l’adversaire. La vengeance et la mélancolie qui portent ce personnage sont superbement retranscrites dans cette composition si reconnaissable et limpide. Ennio Morricone détourne l’utilisation classique de l’harmonica et en fait une véritable arme de dissuasion pour Charles Bronson, le futur justicier dans la ville. En dehors de ces thèmes angoissants et reconnaissables entre mille, Ennio sort aussi l’une de ses plus belles partitions sur cette bande originale : “Jill’s America”. Le meilleur des deux mondes sur un même disque, dans un même film.
Le Clan des Siciliens – “Thème”
d’Henri Verneuil (1969)
Impressionné par son travail en Italie, le réalisateur français Henri Verneuil demande à Ennio Morricone de réaliser la musique de plusieurs de ses films, notamment ce thème mythique du Clan des Siciliens, grosse production mafieuse qui voyait se croiser pour la première fois Gabin, Delon et Ventura.
Ennio utilise ses ficelles ultimes pour transposer sa vision du western dans un climat de gangster moderne. Ainsi, la guimbarde et le sifflement se croisent avec des batteries plus modernes, presque jazz, pour offrir une parfaite version western à la française. Ce travail de Morricone avec des produits purement français se consolide dans les années 1970 et 1980.
Il prend corps surtout avec Belmondo pour Le Casse (encore de Verneuil), puis l’électrique Peur sur la ville, (toujours de Verneuil, encore des sifflements), puis Le Professionnel, de Georges Lautner qui termine la boucle. D’ailleurs, “Chi mai”, le fameux thème qui finira en course de chien au ralenti pour Royal Canin, n’était pas prévu pour Le Professionnel à la base, il a été repris du film Maddalena, sorti en 1971 en Italie avec une histoire très différente.
L’Exorciste II – “Magic and Ecstasy”
de John Boorman (1977)
Ennio Morricone a aussi beaucoup expérimenté pour le cinéma de genre. Son œuvre la plus étrange est peut-être celle pour la suite de L’Exorciste, réalisée par l’excellent John Boorman. Sur le morceau “Magic and Ecstasy”, les batteries sont galopantes, les basses sont agressives et les cuivres stridents, tout porte à la crispation. Ennio se rapproche du rock progressif de Goblin. À l’époque, ces derniers faisaient fureur dans les films d’horreur d’exploitation italienne, surtout chez Dario Argento et seront repris plus tard par Justice.
En creusant un peu, on découvre un nouveau monde dans l’univers musical d’Ennio Morricone, parfois horrifique, d’autres fois très pop et surtout, souvent très éloigné de ses classiques westerns qui l’ont rendu célèbre dans le monde entier. Ce morceau quasi dissonant pour L’Exorciste en est l’une des preuves les plus criantes.
The Thing – “Humanity Part. 2”
de John Carpenter (1982)
La composition d’Ennio Morricone sur le classique de John Carpenter est très intéressante, car elle croise plusieurs de ses styles – expérimental, lyrique et angoissant. Surtout, c’est une des premières fois qu’Ennio intègre du synthétiseur dans ses arrangements pour coller avec l’univers de John Carpenter et ses westerns futuristes.
C’est un juste retour des choses tellement la composition habituelle de John Carpenter était influencée par Morricone dans les années 1970. Autodidacte, Carpenter se calait souvent sur ses westerns préférés, mais en utilisant le son synthétique. Il rejouait l’ambiance de Leone dans un synthétiseur.
Quand Ennio Morricone adapte sa musique au style de Carpenter, finalement, il retravaille ses propres influences. Au final, très peu des compositions d’Ennio apparaissent réellement dans le film, mais ce thème mélangeant les univers Morricone et Carpenter dans le son reste l’une des plus belles collaborations du Maestro Morricone, présentant son adaptation évolutive et virtuose.