3 autrices féministes à lire de toute urgence pour faire front au patriarcat et au racisme

3 autrices féministes à lire de toute urgence pour faire front au patriarcat et au racisme

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le , modifié le

Lumière sur bell hooks, Kimberlé Crenshaw et Audre Lorde, trois grandes figures de l’afroféminisme.

En ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, on s’est dit qu’il serait pas mal de mettre à jour votre bibliothèque féministe. Audre Lorde, Kimberlé Crenshaw et bell hooks : voici trois autrices incontournables à lire absolument pour accompagner la lutte féministe intersectionnelle.

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bell hooks

bell hooks était une essayiste et militante états-unienne. Elle a théorisé le féminisme noir, un mouvement qui lie sexisme et racisme, né dans les années 1960-1970 aux États-Unis, en plein mouvement des droits civiques. bell hooks étendait sa réflexion autour du genre, de la sexualité, de la masculinité noire et d’une véritable sororité intersectionnelle.

Dans ses écrits, l’autrice partait du principe que le féminisme, jusque-là, excluait la question raciale, les doubles discriminations subies par les personnes racisées venant de milieux défavorisés, et que ce féminisme était principalement théorisé par et pour les femmes blanches et bourgeoises.

Autrice de plus d’une trentaine d’essais et de publications, elle a marqué l’histoire du féminisme intersectionnel grâce à trois ouvrages en particulier. D’abord, Ne suis-je pas une femme ?, publié en 1981, et dont le titre rend hommage à un discours éponyme de Sojourner Truth, abolitionniste et militante féministe.

Portrait de bell hooks. (© Karjean Levine/Getty Images)

L’essai relate l’histoire du sexisme et du racisme, la place des femmes noires face à un pays bâti autour de la suprématie blanche. Selon elle, seul un féminisme de masse, alliant personnes privilégiées et oppressées, pourra profondément changer la société. Elle dénonçait l’opportunisme, à l’époque, de certaines féministes blanches radicales qui abandonnaient totalement les femmes noires.

Ensuite, De la marge au centre : Théorie féministe, est un texte fondateur, sorti en 1984, sur la pensée afroféministe. L’essai développe la marginalisation des femmes noires dans la société états-unienne où la blanchité a été construite comme la norme, même au sein du combat féministe. bell hooks déplorait l’échec du féminisme contemporain à inclure toutes les femmes.

Ne suis-je pas une femme ?, de bell hooks.

Et pour finir, À propos d’amour, un récit qui érige l’amour, la compassion et l’empathie en valeurs indispensables pour évoluer en tant que société. Sans ces qualités, les dominations systémiques ne pourront disparaître. L’amour doit remplacer la rage, même au sein même de la communauté africaine-américaine.

Selon la penseuse, les rivalités entre femmes noires ajoutent de la souffrance à leur oppression. En 1980, bell hooks a d’ailleurs fondé Sisters of the Yam: Black women and self-recovery, un groupe de soutien consacré aux femmes noires, en non-mixité.

À propos d’amour, de bell hooks.

Deux dernières choses à savoir sur ses textes et son nom d’autrice, avant de passer à la suite. Les ouvrages de bell hooks ont été écrits en grande partie au passé car la plupart des luttes antiracistes et féministes n’ont pas abouti, selon l’autrice. Gardant un certain optimisme, elle atteste que le combat n’est jamais perdu mais que ces premières tentatives n’ont tout simplement pas obtenu gain de cause dans l’immédiat.

Née Gloria Jean Watkins, bell hooks se faisait appeler ainsi en hommage aux noms de sa mère et de sa grand-mère. La suppression atypique des majuscules a pour but de faire passer “la substance” de ses livres avant son identité.

Audre Lorde

Audre Lorde se définissait elle-même comme “noire, lesbienne, féministe, poétesse, mère et guerrière”, tout ça à la fois. Dès le collège, l’autrice états-unienne dédie sa vie aux mots, en écrivant ses premiers poèmes. C’est à ce moment-là qu’elle décide aussi de supprimer le “y” final de son prénom.

Outre la poésie, Lorde était diplômée en arts, éditrice et bibliothécaire : elle croyait fermement pouvoir changer de l’intérieur l’accès au savoir. Elle était l’une des rares bibliothécaires noires travaillant dans une bibliothèque publique, aux États-Unis, et subissait au quotidien le racisme dans le milieu littéraire et universitaire.

Sister Outsider, d’Audre Lorde.

Elle profitait de sa fonction pour amener dans les salles de lecture des ados noir·e·s, et leur prêtait des livres qui parlaient de grandes figures historiques africaines-américaines. En 1980, elle fonda Kitchen Table: Women of Color Press, sa propre maison d’édition ouverte exclusivement aux autrices racisées.

Toute sa vie, Audre Lorde côtoya la communauté lesbienne (et blanche) de l’East Village et du West Village. Elle y trouva sa place en tant que lesbienne, moins en tant que femme noire : l’exclusion raciale y était très présente. Comme bell hooks, elle a participé à théoriser le féminisme intersectionnel. Elle a aussi tenu un rôle important au sein du mouvement des droits civiques et du Black Arts Movement.

Zami, une nouvelle façon d’écrire mon nom, d’Audre Lorde.

Dans ses poèmes, elle abordait l’identité noire et dénonçait les discriminations raciales et sociales. Parmi ses ouvrages, on retient Sister Outsider, Journal du cancer, sur son cancer du sein (puis du foie), et Zami : une nouvelle façon d’écrire mon nom, un classique de la littérature lesbienne qui célèbre les femmes noires qui ont marqué sa vie.

Kimberlé Crenshaw

Dans le sillage d’Audre Lorde, la juriste et professeure de droit Kimberlé Crenshaw a repris le flambeau en théorisant et popularisant davantage le féminisme intersectionnel, à notre époque. Son domaine ? Les questions de race, de genre et de droit constitutionnel.

Dans sa réflexion, elle rapproche le féminisme intersectionnel de l’exemple d’un accident survenu à une intersection routière : pour les femmes noires, le danger et le choc peuvent venir de partout. Tout le monde doit se sentir concerné et peut en être responsable – même les féministes blanches censées être alliées à la cause, par exemple.

On Intersectionality, de Kimberlé Crenshaw.

Crenshaw est aussi l’une des grandes figures de la “théorie critique de la race”, un courant de recherche qui se concentre sur les liens entre race, loi et pouvoir. En 1996, elle fonde et dirige le Forum Politique Africain-Américain, qui a pour mission de lutter contre les inégalités systémiques et les discriminations liées au genre, notamment au sein de la lutte antiraciste.

Héritière du féminisme noir et du mouvement des droits civiques, elle milite également au sein du mouvement Say Her Name, qui veut rendre justice aux femmes noires victimes de violences policières. Un bon nombre de ses recherches a été réuni dans l’ouvrage On Intersectionality: Essential Writings.

Rendez-vous en librairies pour acheter tous ces beaux ouvrages. Sur Paris, vous en trouverez une bonne partie à La Pharmacie des âmes, à La Régulière et à Un livre et une tasse de thé.