Pour ses 25 ans, le Sziget Festival était en feu

Pour ses 25 ans, le Sziget Festival était en feu

Avec près de 542 000 festivaliers venus de plus 100 pays différents, le Sziget aura dignement fêté son quart de siècle. Du 9 au 16 août, près de 300 artistes sur 50 scènes ont rythmé sept jours d’un festival hors norme à Budapest. Du concert de Pink aux spectacles de cirque, de la plage sur le Danube aux barres de traction de la Sport Zone, il était vraiment possible de tout faire sur “l’île de la liberté”.

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C’est le plus gros festival d’Europe. Si le Sziget s’accroche à cette première place et brasse autant de nationalités différentes, ce n’est décidément pas pour rien. Chaque année depuis 25 ans, en plein mois d’août, le thermomètre de Budapest augmente de plusieurs degrés. Si l’attractivité de la capitale hongroise n’est plus à prouver, cette dernière voit débarquer une véritable déferlante de jeunes venus du monde entier dans une quête éperdue de liberté.

Le huit millionième visiteur a d’ailleurs franchi les portes cette année, accueilli par le directeur du festival avec un cadeau très spécial : un pass à vie pour le Sziget. N’en déplaise à son premier ministre ultraconservateur Viktor Orban, le cœur de l’Europe n’a jamais battu aussi fort dans son pays que lors du Sziget, où la jeunesse européenne se retrouve pour communier dans une allégresse collective. Une véritable leçon d’ouverture. Cette année encore, l’île (“sziget” en hongrois) d’Obuda aura été l’épicentre d’un moment hors du temps et unique en son genre.

La programmation, l’arme fatale du Sziget

C’est avant tout pour ça que le Sziget est connu : une programmation impressionnante. Près de 300 artistes venus des quatre coins du globe s’y côtoient, allant de la tête d’affiche internationale au petit groupe hongrois totalement inconnu. De quoi créer de belles surprises si l’on délaisse les grosses scènes pour se perdre dans les méandres du festival avec pour seule boussole son instinct et un air de musique entraînant. Car oui, avec ses 75 hectares, l’île de la liberté est un petit labyrinthe des plaisirs. Il suffit de s’armer de bonnes chaussures et d’un peu de volonté pour découvrir au détour d’un bosquet l’une des cinquante scènes que compte le festival.

Le cœur de l’île : la Main Stage

Si tous les chemins mènent à Rome, ceux du Sziget mènent inlassablement à la Main Stage. Aux couleurs des spirales du festival et armée de deux écrans géants, cette dernière peut accueillir plus de 40 000 personnes grâce à un son surpuissant. Ce dernier couvre même celui des petites scènes voisines. Arboré et entouré de nombreux bars à thème, le fond de la scène est l’endroit idéal pour faire une pause tout en profitant du concert et d’une pinte à 2,50 euros (oui, oui c’est la Hongrie). Si le festival fêtait son 25e anniversaire cette année avec notamment deux jours sold-out, beaucoup de “Szitizens” furent déçus par une programmation un peu molle. Quoi qu’il en soit, avec quatre concerts par jour, la Main Stage aura vu défiler un beau paquet de stars comme PJ Harvey, Wiz Khalifa, The Kills, Glass Animals, Birdy, Billy Talent, Rudimental Live, etc.

On oubliera facilement la soirée d’ouverture de la chanteuse Pink, métamorphosée en une sorte de Rihanna dont la prestation en laissera plus d’un de marbre. Il faudra attendre l’énorme show du groupe anglais Kasabian pour enflammer une foule gonflée à bloc et qui n’attendait que ça. Si lui aussi a fait le spectacle, Macklemore aura bien fait rire son public lorsqu’il s’est saisi de la poupée gonflable de l’un des spectateurs et a entamé une chaude conversation avec elle. Les Anglais étaient bien représentés avec Metronomy, le trio Alt-J venu présenter son dernier album et le groupe Two Doors Cinema Club.

Qui dit Main Stage dit aussi mainstream. S’ils sont connus pour leur énergie débordante sur scène et pour ne pas laisser un morceau plus de 30 secondes, les Major Lazer ont tout de même entièrement rempli la fosse. Il en va de même pour la musique très EDM de The Chainsmokers. Dimitri Vegas & Like Mike ont clôturé ce Sziget 2017 avec une musique made in Fun Radio. Si certaines oreilles saignaient, tous les yeux brillaient. Comme chaque année, les organisateurs du Sziget ont terminé ce dernier concert par un show impressionnant de lasers, d’effets pyrotechniques et par un feu d’artifice qui, il faut le dire, met tout le monde d’accord pour s’y retrouver l’année d’après.

L’A38, la deuxième scène du festival bien au chaud sous son chapiteau, n’avait pas à rougir face à sa grande sœur. Si ses basses assourdissantes ont eu raison des oreilles les plus sensibles, de nombreux festivaliers ont littéralement campé à l’intérieur tout au long du festival. La faute à Alex Clare, DJ Shadow, les énergiques Crystal Fighters, Gusgus, Weval Live, Tycho, Flume, Cashmere Cat ou encore Interpol.

Endeuillé quelques jours après son passage sur l’A38 par la mort de Simon Carpentier, le groupe Her a livré une belle prestation. Mac Demarco a lui aussi fait le show à sa manière : totalement décontracté, sa bouteille de whisky toujours à portée de main. Tout comme Fritz Kalkbrenner, petit frère de Paul, pas avare de discours entre deux morceaux avec sa voix suave.

50 scènes pour 50 ambiances différentes

Avec les grandes scènes pleines à craquer, cette 25e année du Sziget était une bonne occasion pour découvrir les plus petites. Si l’on passe sur les innombrables microscènes qui parsèment le chemin d’un Szitizen durant son odyssée, huit scènes sont des incontournables. Aussi étranges et différentes les unes que les autres, chacune possède sa propre identité, sa propre ambiance. Mention spéciale cette année pour la World Stage. À seulement une centaine de mètres de la Main Stage et de l’immensité de sa foule, la World Stage offrait suffisamment d’espace pour chanter et danser.

Et de l’espace, il en fallait avec des groupes comme celui des Italiens de Roy Paci & Aretuska ou des Chiliens de Chico Trujillo, qui ont fait tournoyer jusqu’au bout de la nuit les nations du monde entier. La joyeuse musique des Balkans était représentée par l’immense Goran Bregovic. Les Français n’étaient pas en reste avec l’Orchestre national de Barbès, le ska de Zoufris Maracas ou le jazz manouche de La Caravane Passe. Avec un public monté sur des ressorts et un plancher vibrant sous les coups de pied, ces derniers ont dérogé au timing imposé par le festival et ont terminé leur show dans le public, instruments débranchés avec seulement leur souffle pour faire perdurer une fête qui ne pouvait plus s’arrêter.

Autre scène remarquable, le Colosseum. Sorte d’arène romaine faite en palettes de bois, cette scène vaut le détour. Antre des gladiateurs de la musique techno, elle est le repaire des oiseaux de nuit aux pupilles dilatées, dont les corps désarticulés s’agitent et se relâchent jusqu’au petit matin. Elle est bordée de près par l’Arena, un A38 modèle réduit mais avec un son moins résonant et un show de lumières et de LEDs à donner le tournis. Bakermat ou encore Steve Aoki s’y sont frottés pour le plaisir du public. Toujours dans cette même zone, le Magic Mirror est un passage obligatoire. Calé sur le modèle du Cabaret Sauvage de Paris, c’est la scène LGBT du festival. Spectacles, performances de danse et musiques s’enchaînent dans une ambiance chaude mais toujours bon enfant.

Chaude ambiance également sur la scène du Volt, où les tubes internationaux s’enchaînent (dont la Macarena). Pour une ambiance plus calme, la scène afro-latin-reggae ou la scène des musiques classiques était l’idéal avant de se diriger vers l’Europe Stage, où des groupes comme Dhamma (vainqueur du tremplin du Sziget France) ou Naaman se produisaient devant une flotte de drapeaux tricolores (et bretons).

Soirée secrète dans les toilettes

Deux petites nouveautés ont eu lieu cette année. Les festivaliers au pied marin pouvaient embarquer sur la Boat Party qui sillonnait les rives du Danube tout l’après-midi. De quoi se chauffer avant de retourner sur le festival. Et puis la rumeur qui n’en était pas une : une rave secrète dans les toilettes du Sziget. Imaginez qu’une envie pressante vous prenne et vous conduise vers une longue file d’attente. Lorsque la délivrance arrive et que la porte bleue des toilettes chimiques s’ouvre, vous tombez sur… un couloir d’où s’échappe une musique électronique.

C’est la drôle de surprise qu’ont eue pas mal de festivaliers. Née d’une idée totalement barrée, cette secret party qui avait lieu tous les jours a rapidement fait le tour du festival. Bon nombre de “szigotos” ont écumé les milliers de toilettes à sa recherche. Indice pour l’année prochaine, il fallait fourrer son nez non loin du Colosseum.

C’est aussi ça qui fait que le Sziget n’est pas un festival comme les autres. Si la musique occupe les festivaliers une bonne partie de leur temps, elle n’est pas l’unique attraction du festival. Il y en a d’ailleurs tellement qu’il est difficile voire impossible de participer à toutes : danses folkloriques, casse-tête, jeux, expositions, combats médiévaux, cinéma, conférences autour d’un feu de camp, spectacles d’humoristes… Sans oublier des premières mondiales à l’image du projet de théâtre de rue Latalaya, né de l’association de percussionnistes qui jouent sur des objets de récupération et d’acrobates espagnols. Ces derniers dansent en l’air, suspendus dans le temps et dans l’espace autour d’une imposante structure volante.

Si le théâtre ne désemplit pas, le cirque du Sziget est un passage obligatoire. On y croise la route d’acrobates de talent comme les Italiens de Circo Riccio ou encore l’impressionnant spectacle de la Machine de cirque. Avis aux amateurs, les membres de cette dernière font un numéro d’échange risqué de serviettes en tenue d’Adam. Enfin, en soirée, les barbus du Cirque Alfonse jouent les équilibristes les uns sur les autres, défiant les lois de la gravité. Pour les plus old school, un petit cirque à l’ancienne propose des jeux d’antan : diseuse de bonne aventure, lancer de cerceaux, tir à la carabine (avec des cacahuètes), grande roue, etc.

Sculpture de lumière, le Luminarium est l’une des curiosités du festival. Cette sorte de château gonflé dont la lumière le pénétrant, à l’image des vitraux de cathédrale, crée des ambiances aussi colorées que psychédéliques. Un moment hors du temps et… au frais !

Les pieds dans le Danube

Le thermomètre flirtant souvent au-dessus des 30 °C l’été à Budapest, la Sziget Beach est l’un des lieux incontournables du festival. Si les quelques mètres de baignade dans le Danube (deuxième plus long fleuve d’Europe) sont assez frustrants, la “chill zone” ombragée qui l’entoure est d’une fraîcheur salvatrice. Les plus courageux peuvent aller transpirer à la Sport Zone, où les biceps sont de sortie. Plus qu’une salle de musculation en plein air, cet espace permet de se mesurer aux citoyens du monde entier dans un esprit de compétition chaleureux sur du beach-volley, du ping-pong, du football, etc.

Et si le plancher des vaches vous ennuie, il est possible de prendre de la hauteur sur le festival. En effet, les amateurs de sensations fortes pourront prendre un verre avec leurs amis autour d’une table à plus de 20 mètres du sol, voler comme un oiseau autour d’une grue, sauter à l’élastique ou encore faire le grand saut à presque 10 mètres de hauteur sur un matelas gonflable. Les plus “zen” peuvent assister à des cours de relaxation, de yoga, de stretching et tout ce qui peut apaiser le corps et l’esprit le lendemain d’une nuit de débauche. Il est même possible de se faire masser, le luxe suprême pour un corps meurtri par plusieurs jours de festival. Mention spéciale à l’école de kiné de l’Apéro Camping qui, chaque jour, s’affaire à relaxer les muscles endoloris par les concerts de la veille.

Apéro camping, le “made in France”

Car si le Sziget est l’île de la liberté où chacun peut poser sa tente où bon lui semble, il existe une poignée de campings privés qui apportent un confort non négligeable (oui parce que sept jours, c’est tout de même long). Et cocorico, les francophones ont l’un des plus animés. Appelé Apéro Camping parce qu’à toute heure quelqu’un gueule “apéroooooo”, ce dernier amène un petit bout de France dans ce capharnaüm international.

L’accueil y est plus que sympathique (et en français), les animations (à toute heure) ne manquent pas, un DJ met l’ambiance quasiment 24h/24 et les croissants croisent allègrement la route du pastis. Amis français, vous vous y sentirez comme chez vous. Si les grands ont leur camping privé, les petits aussi. Le Family Camping est une énorme zone de jeux surveillée et uniquement accessible aux enfants (on aura pourtant essayé). Toboggans géants, parcours du combattant, il y a tout ce qu’un petit bambin peut rêver le temps que ses parents aillent danser.

Si tu ne vas pas aux animations, les animations viendront à toi

Et si les kilomètres vous font peur (car oui, au Sziget on marche énormément) pour voir une animation, il est possible d’être réveillé de sa sieste par l’une des nombreuses déambulations de rue. Il n’est pas rare de croiser un homme jouant sur un piano mobile, des parties du corps (pied, main, œil, oreille, bouche) se mouvant dans la foule, les “Tonys”, ces hilarants gardes du corps avec leurs petites têtes à l’air stupide ou encore cette troupe de chars et déguisements en carton animée par un réalisateur de cinéma monté sur échasses et qui crie des ordres loufoques à ses sbires avec un haut-parleur.

Vous l’aurez compris, il y en a pour tous les goûts. Des plus calmes aux plus excités, des familles à la bande de copains, des adeptes d’art aux teuffeurs, le Sziget est à l’image de son public : multiple, chaleureux et riche en découvertes. Chacun le vit différemment : de l’habitué qui y vient depuis dix ans à celui pour qui c’est la première fois, il est possible d’être surpris, émerveillé à chaque coin et recoin du festival. Une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie tant cet événement est aussi démesuré qu’excitant. Alors préparez votre tirelire et notez-le dans vos agendas, le Sziget 2018 c’est du 8 au 15 août !