Fureur de vivre
Sans filtre, organiquement, le cinéaste français nous donne à vivre et palper le quotidien batailleur de ses personnages.
Un ballon rempli de faux sang qui éclate sur un visage, sur la paroi vitrée d’un mastodonte de l’industrie pharmaceutique, sur un logo ennemi… Une punchline assenée au plus grand nombre grâce à la puissance d’un haut-parleur… Une affiche choc placardée chez qui de droit… Ces hommes et ces femmes, Robin Campillo les dépeint de façon réaliste, parfois quasi documentaire, à l’instar du cinéaste Laurent Cantet pour qui il fut monteur, notamment sur Entre les murs. Ces hommes et ces femmes, il les regarde toujours à bonne distance, en respectant leurs fêlures tout en célébrant leur beauté intrinsèque.
Et s’il y parvient avec autant de maestria, c’est que Robin Campillo les a déjà rencontrés, d’une certaine manière, pour avoir lui-même été militant chez Act Up, dix ans après sa création aux États-Unis. 120 battements par minute s’inspire de son vécu, de ses rencontres, mais sans vérité chronologique propre. Comme le titre l’indique, c’est surtout de pouls dont il s’agit. Reprendre le pouls de cette génération qui a vécu dans la peur de la maladie, hurlant à l’aide dans un silence assourdissant, dans un monde où l’homophobie était une norme et où l’indifférence siégeait sur son abject trône. Avec une acuité folle, la caméra du réalisateur capte, saisit et restitue toutes les pulsations d’une époque noire, débusquant la lumière dans les enfers.
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Révélation d’un grand acteur
Robin Campillo réussit en effet la prouesse d’associer des notes d’humour aux heures les plus sombres de l’épidémie. Malgré la sordide réalité qui les menotte et la peur chevillée au corps, ses personnages font constamment preuve d’une énergie contagieuse, d’une fureur de vivre inspirante. Parmi eux : Sean, incarné par l’exceptionnel Nahuel Pérez Biscayart (retenez ce nom, il ira plus loin que les étoiles).
Un bonhomme pétillant, fort, drôle qui va tomber amoureux de Nathan, une nouvelle recrue. 120 battements par minute parle du groupe, de la solidarité, du présent (malheureusement) et d’amour. Le scénario, impeccablement dialogué, investit le collectif avec la même justesse que l’intime. Et lorsque les larmes tombent, elles ne sont pas le fruit d’un calcul. La sincérité d’une démarche ne s’encombre d’aucun pathos pour viser le cœur. Un choc important, dévastateur.