Ils ont la “maladie du catch”, et il n’y a pas de cure possible. “Ils”, ce sont les membres de la famille Knight, tous accro à la lutte professionnelle, du petit orteil au cuir chevelu. Distribué sur Prime Video, Une famille sur le ring suit le parcours de cette maisonnée britannique un peu à part, en se focalisant sur l’authentique itinéraire de Saraya Bevis – aka Paige.
Un OVNI dans le monde des “Divas” qui, malgré les tensions fraternelles et la brutalité du milieu, s’est hissé jusqu’aux cimes de la compétition. En devenant, au passage, l’une des figures tutélaires de la révolution féminine de cette industrie soutenue par nul autre que The Rock.
“Il me manque une fille pour les matchs juniors”
Dans le film, c’est avec cette phrase du père Knight, adressée à Saraya alors qu’elle n’est qu’une enfant, que débute la carrière de la future championne de WWE (World Wrestling Entertainment). Ex-tôlard, Patrick Knight ne s’occupe plus que d’organiser, en compagnie de Julia (sa femme, ancienne catcheuse pro légendaire) des combats auquel il se plaît à faire participer sa marmaille, Zak et Saraya – respectivement “Zodiac” et “Britani” sur scène.
Prises spectaculaires, mise en scène élaborée, alchimie chorégraphique… Ensemble ou l’un contre l’autre, le duo fait des étincelles. Tant et si bien que, lorsque les Knight envoient à la célèbre WWE une démo de leur performance pour participer aux recrutements de l’organisation, ceux-ci sont sélectionnés. Mais le coach (Vince Vaughn) ne retiendra que Saraya, dont le pseudonyme passe de “Britani” à “Paige”. Ce qui n’ira pas sans créer de tension au sein de cette fratrie que, jusque-là, tout avait lié.
Dès lors Une famille sur le ring suit deux trajectoires de vie. Celle de Zodiac qui a vu le “rêve de sa vie” lui passer sous le nez. Et celle de Paige que la férocité des entraînements à la WWE épuise et décourage, mais qui atteindra “l’apothéose” : la ceinture du WWE Divas Championship. Soit une récompense destinée à la meilleure catcheuse, dans la catégorie féminine de l’organisation.
En lutte, contre le sexisme
À l’origine d’Une Famille sur le ring, il y a un drôle de concours de circonstances. En 2012, durant le tournage de Fast and Furious 6, Dwayne Johnson (mondialement connu pour ses performances de catcheur, sous le pseudonyme de “The Rock”) allume sa télévision d’hôtel et tombe sur… The Wrestlers: Fighting with My Family. Un documentaire autour de la famille Knight.
C’est une révélation. Dwayne Johnson envoie le film au réalisateur Stephen Merchant pour en tirer un biopic, et coproduit Une famille sur le ring. “J’étais persuadé que leur parcours pourrait donner naissance à quelque chose de magnifique […] je me reconnais dans Saraya (Paige) et sa famille catcheuse sur un plan si personnel que cela compte beaucoup à mes yeux, de pouvoir aider à raconter leur histoire”, a déclaré la star au Hollywood Reporter.
Résultat ? Un film “à 95 % fidèle à la vérité”, selon (la vraie) Saraya Bevis, qui a découvert en Dwayne Johnson, dans le film comme dans la réalité, un précieux mentor. Le film illustre particulièrement le sexisme du public (“Je viens de perdre mon érection”, hurle un spectateur lorsque Paige monte sur scène) et les difficultés auxquelles a fait face la catcheuse, souvent qualifiée de “sorcière” à cause de son look gothique qui détonnait des normes esthétiques d’alors, plutôt branchées style californien : bronzage, teinture blonde…
Plus jeune championne des Divas de toute l’histoire (elle a décroché le titre à 21 ans), Paige s’est imposée en dehors du ring comme l’une des figures de proue de la “Women’s Revolution”. Grâce à ce mouvement lancé en 2015, la compétition féminine a gagné en temps d’antenne et les catcheuses ont obtenu un statut égal à celui des hommes, en passant de “Divas” à “superstars” – appellation jusque-là réservée à la gent masculine dans l’industrie du catch.
Le 19 avril 2019, celle que l’on surnomme “l’anti-Diva” a annoncé qu’elle se retirait définitivement du ring à seulement 25 ans, suite à une blessure à la nuque. Elle n’en reste pas moins l’une des catcheuses les plus influentes de sa génération, dont l’anticonformisme et les combats féministes inspireront assurément les “Paige”, AJ Lee et Charlotte Flair de demain.