C’est la sneaker fétiche du Spike Lee des 80’s, les cool kids se l’arrachent encore et peut-être l’avez-vous déjà portée aux pieds. Écoulée à plus de 100 millions d’exemplaires depuis son entrée fracassante sur le marché en 1986, la Air Jordan est ce qu’on appelle communément un “incontournable”. Véritable relique pop’ du marketing made in US qui a – enfin ! – la fiction qu’elle mérite grâce à Air, une production Amazon Original.
Avec ce cinquième long-métrage, Ben Affleck prend un plaisir d’enfant manifeste à plonger dans l’esthétique des eighties, histoire de retracer la success story d’un des partenariats athlétiques les plus lucratifs de l’histoire. Côté pile : Nike, qui était alors loin d’être l’équipementier sportif n°1 mondial qu’on connaît. Côté face : un Michael Jordan de 21 ans, tout juste “drafté” en NBA – et qui n’apparaît jamais de face dans le film. L’histoire de la basquette vedette n’en est pas moins servie par un casting 5 étoiles. Viola Davis, Jason Bateman, ainsi que le tandem Affleck-Damon, qu’on attendait de revoir briller après Will Hunting. Une comédie à découvrir sur Prime Video.
Qui pour sauver Nike ?
1984. Converse est le sponsor leader des Jeux Olympiques de Los Angeles, Adidas se fait tresser ses lauriers par Run-DMC et Nike bat de l’aile. Difficile à croire, mais l’empire du swoosh n’a pas toujours été au top de la pyramide, loin s’en faut. À l’époque, l’entreprise spécialisée dans le running peine à s’imposer tant auprès du public que des stars, qui préfèrent à la “virgule” des concurrents déjà bien installés dans le paysage de l’équipement sportif.
Bref, c’est la galère. La vraie de vraie. L’entreprise doit virer des employés à tour de bras, et accuse des pertes de bénéfice pharaoniques. Pour remonter la pente, le PDG et fondateur de Nike Phil Knight (Ben Affleck) mise, entre autres, sur une section “basket-ball” chargée d’assurer des contrats de sponsoring. C’est là que Sonny Vaccaro (Matt Damon) entre en jeu.
Ce fin connaisseur du ballon orange chargé de dénicher les futures égéries de Nike le sens, le sait : Michael Jordan, fraîchement sélectionné en NBA, va “changer le monde”. Ni plus, ni moins. Alors il pousse le boss du service marketing de la boîte à mettre le paquet (250 000 dollars annuels, tout de même) pour décrocher un contrat avec ce rookie. Okay. Seulement voilà, non seulement chez Nike, on se montre pour le moins frileux à l’idée d’investir une telle somme sur un joueur à l’avenir aussi incertain, mais en plus “MJ” a fait savoir qu’il préférait Adidas. Pire encore : il se murmure que celui qui allait bientôt devenir le plus grand joueur de basket-ball de tous les temps déteste les chaussures Nike. Rude.
“Just do it”
Tant pis pour Phil Knight, tant pis pour le board de Nike – et tant pis pour l’agent de Michael Jordan, qui répète à l’envi que son poulain ne veut “même pas de rendez-vous” avec la petite firme de l’Oregon. Mû par un “instinct” inflexible, Sonny baroude à droite, à gauche, pour convaincre proches et moins proches que son idée de partenariat est une affaire en or. Quitte à envoyer quelques règles. La devise de Nike n’est-elle pas “Just do it” ? Bon.
Pour tenir en haleine des spectateurs qui connaissent évidemment l’issue de ces houleuses négociations, Ben Affleck table sur une mise en scène “à suspense”, rythmée autour de face-à-face filmés au plus près des visages, entre plusieurs pointures du cinéma (mention spéciale à Viola Davis, en mère-manageuse inflexible de MJ). Un moyen d’insuffler une profondeur humaine à des discussions commerciales qui, en elles-mêmes, ne se prêtent pas intuitivement à une adaptation cinématographique.
Façon 80’s
Autre point sur lequel le réal’ a appuyé pour rendre glam les coulisses du “partenariat Air” : l’ambiance esthétique. Avec, aux manettes de la photographie, un certain Robert Richardson, partenaire historique de Quentin Tarantino qui avait déjà fait des étincelles en redonnant vie à l’usine à rêve de 1969 dans Once Uppon a Time… in Hollywood. Jean Levi’s, skateboard, néons… Toute l’âme de l’époque réunie – et sublimée par une bande son où les riffs de Pink Floyd répondent aux rugissements de Bruce Springsteen (“boooooooorn the USA”).
Seul élément qui manque à cette toile d’ensemble : la Air Jordan originelle, révélée en clôture de film. Un produit au succès fulgurant, avec près de 162 millions de dollars rapportés à Nike, rien que la première année de sa commercialisation. La recette ? Une approche marketing novatrice, portée par le principe selon lequel “Michael Jordan ne porte pas la chaussure, il est la chaussure”.
Mantra d’emblée mis en pratique à travers un design anti-conventionnel dont les couleurs vaudront à la paire d’être bannie par la NBA, au motif d’une infraction à la “51 rule” selon laquelle une chaussure de compétition doit être à 51 % blanche. Cette prise de position volontairement provocatrice est marketée comme le reflet d’un état d’esprit indomptable, celui du joueur qui allait rendra la “Air” cultissime, à travers des championnats où il serait bientôt couronné comme le MVP parmi les MVP. Toute une époque.