Phantom Thread, ou le magistral adieu de Daniel Day-Lewis au métier d’acteur

Phantom Thread, ou le magistral adieu de Daniel Day-Lewis au métier d’acteur

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Par Antonin Gratien

Publié le , modifié le

Un dernier tour de piste tout en maîtrise, sobriété – et style.

Qu’il était lourd, le cœur des cinéphiles, en apprenant la triste nouvelle. Quelques mois seulement après la sortie acclamée de Phantom Thread (2017) dans lequel il campait le rôle-titre, Daniel Day-Lewis a annoncé tourner définitivement le dos à la comédie.

Une décision étonnante de la part de l’acteur anobli par la reine Élisabeth II herself, primé plus de cent fois pour ses rôles d’anthologie et seul interprète à avoir reçu, à ce jour, trois Oscars du meilleur acteur, décision qui aurait été prise sur le tournage même du second et probablement dernier film, donc, réalisé en collaboration avec Paul Thomas Anderson.

Une idylle “sur mesure”

À l’origine de Phantom Thread, il y a une volonté forte : reformer le tandem gagnant Day-Lewis-Anderson, dix ans tout ronds après le succès phénoménal de There Will Be Blood.

“Il n’était à l’origine même pas question de parler du milieu de la mode, juste de l’histoire d’un homme et d’une femme. Lui est égocentrique, il ne parvient à faire preuve de tendresse que quand il est malade ou fatigué. Elle va alors chercher un moyen de l’affaiblir. J’avais l’image de leur rencontre dans un restaurant, c’est tout. J’en ai parlé à Daniel, parce qu’on cherchait à tout prix à travailler de nouveau ensemble depuis There Will Be Blood, avait détaillé Paul Thomas Anderson à Première.

De l’écriture d’un script réalisé avec le soutien appuyé de Day-Lewis résulte l’exploration amère d’un amour aux contours tyranniques à l’horizon duquel point, tout de même, le bonheur. Cette histoire est celle d’un couturier vedette des années 1950 londoniennes, Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis), et de sa rencontre aussi décisive que fortuite avec une serveuse immigrée, Alma (Lesley Manville).

D’un côté, un gentleman aux exigences inflexibles fournissant les parures du gratin de la capitale britannique. De l’autre, une femme-de-tous-les-jours devenue l’amante sublime, puis la muse nécessaire. De quoi ébranler l’apparent self-control chirurgical du styliste star ? C’est l’une des interrogations que Phantom Thread s’applique à filer élégamment, sur près de deux heures tissées d’étoffes superbes et d’amours tortueux.

Une fausse fin de carrière ?

En juin 2017, Daniel Day-Lewis annonce à travers sa porte-parole Leslee Dart, qu’il “ne travaillera plus comme acteur”. Le choc est d’autant plus grand que Phantom Thread est porté aux nues, tant par la presse française qu’internationale. Mais après tout, l’acteur avait déjà voulu abandonner le métier à la fin des années 1990, avant d’être repêché par Martin Scorsese pour interpréter Bill, le sanguinaire boucher de Gangs of New York.

Certains espéraient donc que cette décision soit, à nouveau, temporaire. Mais celui qui était comédien depuis ses 12 ans a assuré le contraire dans les colonnes de W, en expliquant notamment avoir pris sa résolution en plein tournage de Phantom Thread. “Avant de faire le film, je ne savais pas que j’allais arrêter ma carrière d’acteur […]. Je n’ai pas compris pourquoi je l’ai décidé. Mais c’était réglé pour moi, c’était logique […]. Cela s’est produit pendant le récit de l’histoire et je ne sais pas vraiment pourquoi […]. L’envie d’abandonner a pris racine en moi et c’est devenu une compulsion. C’était quelque chose que je devais faire”.

La performance de Daniel Day-Lewis dans Phantom Thread donne la mesure du vide que l’acteur laissera. Pour autant, le prodige des plateaux n’a pas complètement tiré sa révérence du cinéma. Sur le sujet, les rumeurs vont bon train. Là, il est question de projets de production, notamment avec la très hype société A24 Films (Spring Breakers, Moonlight…), ici on évoque l’écriture de scénarios. Difficile d’y voir clair, à ce stade. Reste qu’on a hâte de voir ce que l’acteur phare de Left Foot, du Dernier des Mohicans et de Lincoln nous réserve. Pas vous ?