Mais au fait : comment Nicolas Cage est devenu le “dieu des Internets” ?

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Mais au fait : comment Nicolas Cage est devenu le “dieu des Internets” ?

"Je suis pas devenu acteur pour finir en mème". Photoshop moqueur, trends TikTok.... Partout sur le web, l'acteur est transformé en gag. Spoiler : ça le turbo-gave.

Oyé, Oyé ! Sonnez hautbois, résonnez musettes, Internet a une nouvelle règle. De quoi cause-t-on ? Eh bien, de ceci : si Nicolas Cage fait une apparition publique, soyez sûrs qu’elle sera détournée en ligne à toutes les sauces. Pas besoin que l’interprète de Benjamin Gates ait fait quoi que ce soit de spécialement désopilant, d’ailleurs – il a juste à être lui-même. Ces intarissables parodies sont devenues si virales que l’acteur américain, ayant tourné avec les plus grands noms d’Hollywood (avant de sombrer dans la série B à gogo…), est désormais plus célèbre pour son côté “mème ambulant” que pour ses nouvelles performances artistiques.

Une cruelle ironie qui interroge : mais pourquoi diable le simple fait de voir la tronche de “l’acteur aux milles coupes de cheveux” suffit à faire germer un sourire sur nos lèvres ? Et plus important, peut-être : est-ce-que ça le fait marrer, lui, d’être érigé en blague n°1 du web ? On fait le point.

“Mon jeu d’acteur ? Du chamanisme primitif”

Pour comprendre la “Cage mania” du web, il faut en revenir au jeu de l’homme. Car oui, NC n’est pas un interprète comme les autres. La méthode actors studio, réputée pour avoir fait la gloire des De Niro et autres Edward Norton ? Très peu pour lui. Son approche, il la définit régulièrement comme du “chamanisme primitif”. Rapport à la convocation de la puissance de l’imaginaire, etc. Voilà pour la théorie. Concrètement : notre homme est connu pour adopter un jeu ultra expressif, et offrir des scènes d’anthologies où on le croirait, effectivement, “possédé”. Clairement, Cage n’en a rien à foutre de passer pour un givré. Il vit ses rôles à fond, un point c’est tout.

Forcément, cette intensité, que certains esprits chagrins qualifieraient de too much, fait la joie du public, qui n’a pas pour habitude de voir les vedettes d’Hollywood gesticuler dans tous les sens, la mine décomposée et le regard hagard. Pour un temps, ces performances ont d’ailleurs aussi plu aux réal’. La preuve : oscarisé en 1995 pour un rôle d’alcoolo intensif dans Leaving Las Vegas (son perso décide de “se tuer à force de boire”), Nicolas Cage a poursuivi une carrière glorieuse, ponctuée de collaboration avec les plus grands noms du cinéma indépendant des nineties. Coppola, De Palma, Scorsese, Lynch, Herzog… Puis vinrent les années 2000 et, avec elles, un curieux virage vers les films de série B. Sans surprise, c’est précisément à ce moment-ci que Cage s’est mué en blague 2.0 sur pattes.

“NOT THE BEES”, ou le début d’un mythe

Avec l’explosion de l’Internet “en réseau” (et donc participatif) durant les Y2K, les mêmes mimiques de Cage qui faisaient doucement marrer en solitaire, derrière l’écran de télé, peuvent, soudain, être partagées au plus grand monde. Et c’est peu dire que les internautes se sont engouffrés dans la brèche. L’engrenage s’amorce en 2006, avec la sortie de The Wicked Man. Un ultime nanar d’horreur, où l’interprète (sur)joue notamment la carte de l’effroi au moment où des apiculteurs le “torturent” (??) en le confrontant à une horde… d’abeilles. Son cri d’imploration ? “NOT THE BEES ! AAAAAAAAAAAAAAAH”. Ridicule, mais savoureux. Voyez plutôt : 

Lunaire, la scène fait l’objet d’improbables détournements comme ce remix techno. Séduit par le côté “no-limit” de l’acteur, des internautes s’amusent ensuite à exhumer certaines de ses anciennes scènes pour les transformer en mème, littéralement. L’obsession du web pour l’acteur américain trouve un pic en 2009, avec le lancement du bien-nommé Nicolas Cage as Everyone. Le concept ? Détourer la tête dudit Cage, puis la glisser n’importe où. Sur une affiche Twilight, la bouille de ET ou encore le visage d’une star de la NBA en plein dunk. Contacté par la plateforme de référence “Know your meme”, l’auteur de cette page web à nul autre pareille a expliqué

Tout a commencé lorsqu’on m’a signalé que j’étais “obsédé” par Nic Cage, au sens où j’en parlais à peu près tous les jours (…). Je pense que c’est un acteur fascinant et unique, même lorsqu’il s’embarque dans des films à gros budget que les gens ne perçoivent généralement pas comme “bon”. Le truc génial avec Cage c’est que, dans ses films, peu importe qui il est interprète, il reste essentiellement Nic Cage

Qu’est-ce-qu’elle a, ma gueule ?

L’emballement est tel que les petits malins du forum Reddit dédient une page à l’acteur, où il est intronisé comme le “One True God”. Entre autres fantaisies, on y lit : “Ici, nous vénérons Nicolas Cage, le divin”. Ailleurs, des deepfakes permettent “d’insérer” la tronche de l’interprète dans les productions culturelles les plus improbables, tandis qu’une nuée de TikTokeur s’éclatent à compiler ses meilleures-pires performances. Bref, c’est tout le web qui, d’une seule voix, célèbre la singularité de NC. Même si celui-ci n’en demandait pas tant. 

“Internet a développé ce truc autour de moi – et je ne suis même pas un gars de l’informatique, vous voyez ? Je ne comprends rien à ce qui se passe. J’essaie simplement de… Laissez-moi l’expliquer comme ça. Maintenant, je suis dans cet état d’esprit : à Rome, si tu peux pas les vaincre, rejoins-les”, confiait l’acteur, visiblement dépassé, au Guardian. Nous étions alors en 2013. Des années plus tard, la “Cage mania” ne s’est pas tarie. Mais la tolérance de l’acteur, elle, s’épuise à vitesse grand V.

Jusqu’à frôler le point de rupture : “Le problème c’est que, avec l’avènement d’Internet, tous ces mashup ont débarqué, où certaines scènes sont sorties de leur contexte, et ont créé une “meme-ification”. Elle a été labellisée “Cage Rage”, et c’est frustrant”, avait confié l’interprète à Indiewire, en 2018, à l’occasion de la promotion de Mandy. Un revenge movie qui, aux dires de Cage, aurait été “desservi”  par des détournements viraux circulant sur le web.

Au fond du trou, notre Nicolas Cage ? Pas tout à fait. En 2022, l’acteur surprenait dans un rôle auto-parodique avec le réjouissant Un talent en or massif. On l’y voyait notamment hilare, aux côtés d’un Pedro Pascal tout aussi mort de rire. Une scène qui nous a tous fait chaud au cœur, aussitôt convertie… en mème. Eh oui, on ne change pas une recette qui fonctionne.