L’Iliade, l’Odyssée, Poséidon, les douze travaux d’Hercule, le royaume des Enfers. Ces termes évoquent peut-être en vous un profond sentiment de lassitude. Quelque chose de barbant, de lourd. La faute, sans doute, à ce prof rasoir qui plombait les récits de la mythologie grecque mentionnés dans votre programme scolaire. Quel gâchis ! Car ces histoires ont tout pour captiver les foules. Après tout, elles l’ont fait pendant des siècles. C’est pas pour rien.
À bien y regarder, les légendes gréco-romaines sont non seulement épiques, mais, pour certaines, complètement WTF. Voire sauvagement gore. Du grand n’importe quoi – tout en poésie, certes. Mais du grand n’importe quoi quand même. La preuve avec notre top des fables les plus barrées de l’Olympe, dénichées chez Les Grands Mythes. Un show en trois saisons qui retrace, avec force iconographie artistique et savoureuses anecdotes, les fabuleux chants des poètes de l’Antiquité, d’Homère à Ovide en passant par Hésiode. Disponible sur Prime Video, par Zeus !
1. Zeus, dragueur infatigable… et polymorphe
Après avoir mis à genoux les Titans, Zeus règne sur l’Univers, les mortels et les onze autres dieux de l’Olympe. Des responsabilités qui ne l’empêchent pas de passer son temps à… courir les jupons. C’est bien simple : il ne s’arrête jamais. Nymphe, muse, déité de fleuve, fille de Titan, princesse phénicienne, berger d’Asie Mineure…
Le dieu volage use de mille et un stratagèmes pour faire craquer sa myriade de crush. Notamment la métamorphose. Un subterfuge qui permet au plus grand infidèle de la Grèce d’échapper à la vigilance d’Héra, son épouse légitime et déesse protectrice du mariage (ouch !), connue pour sa jalousie maladive. Le voici tantôt cheval, tantôt satyre. On l’a aussi repéré taureau, fourmi, cygne. Et même nuage, ou pluie d’or. Tout ça pour le plaisir ?
Pas tout à fait. Le maître de la foudre – pas folle, la guêpe – use de sa progéniture pour renforcer son pouvoir dans l’Olympe en donnant naissance à plusieurs dieux qui y siègent. À l’image d’Apollon, Artémis et Athéna, pour ne citer qu’eux. Voilà une extra-conjugalité réfléchie.
<em>Léda et le Cygne</em>, Léonard de Vinci, 1510.
2. Ce seumar de Dionysos a rendu tarée une ville entière pour se venger d’avoir été humilié
Fallait pas l’énerver. Lorsque Dionysos gagne l’enceinte de Thèbes en compagnie de son habituel cortège de ménades, satyres et poivrots de tous poils, il est sévèrement rejeté. Incompréhension totale de la part de la déité du vin, des excès et de la teuf qui juge alors bon de s’adresser à la foule. Histoire de rappeler à ces gueux que, quand même, il est le descendant du souverain de l’Olympe. Mais personne ne le croit.
On chasse carrément ce supposé vantard à coups de pierres comme s’il était lépreux. Rarement une divinité avait connu pareil outrage. Alors, reclus en périphérie de la cité, Dionysos médite une terrible vengeance. Il frappe de démence toutes les Thébaines qui, enfiévrées, extatiques, le rejoignent pour s’adonner à des plaisirs orgiaques. Mais ce n’est pas tout. Le dieu se déguise en prêtre pour pénétrer dans Thèbes, et convaincre son monarque, Penthée, de l’accompagner voir de ses propres yeux la nature de ces indomptables débauches.
Le souverain accepte et à peine a-t-il rejoint la furieuse noce que plusieurs participantes fondent sur lui. Elles le lacèrent, le déchirent, le tailladent. Sa propre mère, dans un élan de folie, lui tranche la tête avant de la planter sur un bâton. Et de s’en aller festoyer en brandissant ce lugubre trophée. C’en est assez. Dionysos met fin à cette sanguinaire bamboche, et se fait reconnaître comme le dieu qu’il a toujours été par la ville. Hop.
Bacchus, Le Caravage, 1590 environ
3. Aphrodite est née d’une émasculation divine
Nous sommes à l’origine des temps, avant l’avènement de l’Olympe. Le Titan Cronos se révolte contre son père Ouranos, la divinité primordiale du Ciel, en lui sectionnant les organes génitaux à la faucille. L’idée ? Empêcher l’accouplement de ce dernier avec Gaïa, déesse de la Terre – et mère de Cronos.
Une fois le paternel émasculé, si l’on en croit le poète Hésiode, Cronos jette ses attributs. Lesquels sont ensuite “emportés au large” par les flots. Très vite, les testicules répandent une “blanche écume” (du sperme, quoi) à partir de laquelle se forme… Aphrodite, aka Vénus dans la chez les Romains. Ce récit a notamment inspiré le peintre de la Renaissance italienne Botticelli pour son œuvre phare, La Naissance de Vénus. Voyez plutôt.
<em>La Naissance de Vénus</em>, Botticelli, 1485.
4. Tirésias. De prostituée n° 1 de Grèce passée par les deux sexes à auguste devin
Fabuleux destin que celui de Tirésias. Tout commence par une banale promenade champêtre. Alors qu’il gambade pépère, celui qui n’était pas encore le conseiller des héros découvre au détour d’un chemin deux serpents en train de s’accoupler, et les frappe de son bâton. La femelle succombe. Immédiatement, l’insouciant se transforme en femme. Plus précisément, en femme à la libido débridée qui deviendra, les années passant, la plus célèbre des prostituées grecques. Classe.
Sept ans plus tard, Tirésias tombe à nouveau nez-à-nez avec un couple de serpents en pleine copulation et, à nouveau, leur assène un coup. Cette fois, c’est le mâle qui périt. Par un mystérieux sortilège, Tirésias redevient homme. Et renoue sans encombre avec “la vie d’avant” au gré d’une existence sans histoire quand il est soudain convoqué pour… arbitrer un débat entre Zeus et Héra.
L’enjeu ? Déterminer lequel des deux sexes prend le plus de plaisir aux parties de jambes en l’air. Le roi des dieux soutient qu’il s’agit de la femme, son épouse affirme le contraire. Pour trancher, le couple fait appel à l’unique personne ayant été tour à tour homme et femme : Tirésias. Convoqué dans l’Olympe, il se range du côté du souverain des lieux. De rage, Héra le frappe de cécité. À la suite de quoi Zeus, prit de pitié, lui accorde le don de divination – avec, en bonus, une copieuse rallonge sur son espérance de vie. Fabuleux destin, qu’on vous dit. De ceux que seule la mythologie grecque peut tisser.
Les métamorphoses d’Ovide, Johann Ulrich Krauss, 1690