Les premières neiges sont tombées, nos journées se raccourcissent à vue d’œil et le mercure dégringole – pas de doute, nous sommes en hiver. L’époque idéale du cocooning régressif, rythmé par un retour gourmand aux plaisirs de gosses. Plaid par-ci, chocolat chaud brûlant par-là. Le top confort, quoi. Dernière pierre à l’édifice, pour parfaire notre grand retour vers cet âge d’or où l’existence était moins stressante, plus tendre ?
Mater Moonrise Kingdom. Parce que les films de Wes Anderson, avec leurs teintes pastels, leur symétrie rassurante et leurs personnages baroques sont tous des feel good movies, déjà. Secondo : on recommande le 7e long-métrage du réal’ américain parmi tous les autres pour son échappée lyrique, articulée autour de la fugue de deux gosses bien décidés à s’aimer, envers et contre tout. Une histoire d’amour forcément hyper-miga mignonne, comme on a tous rêvé d’en vivre étant mioche – et même adulte ? Plongée dans le “Royaume du lever de Lune”, où tout est mimi à pleurer. Focus.
L’escapade de tourtereaux en herbe
Été 1975. Dans l’écrin de verdure qu’est l’île de New-Penzance, perdue en Nouvelle-Angleterre, un camp de scouts se réveille au tintamarre d’une trompette. Problème : l’un des gaillards manque à l’appel. Serait-il en plein cache-cache ? Non. En train de préparer un vil jump scare, pour surprendre ses potes ? Pas plus. L’affaire est autrement plus sérieuse : le jeune Sam Shakusky, puisque c’est lui, le disparu, a enfin mis à exécution le plan de fugue qu’il préparait minutieusement avec une certaine Suzy Bishop, depuis près d’un an. La raison de cette équipée survivaliste n’est pas à chercher bien loin. Les deux gosses sont franchement chelous et, surtout, s’aiment à la folie. En conséquence de quoi, ils entendent faire éclore cette passion naissante aux marges de la société. Là où on leur foutra la paix, enfin.
Pour tisser la trame de son scénario, on croirait presque que Wes Anderson a décidé de “compiler” tous les fantasmes de gosse. Aventure champêtre, émancipation vis-à-vis des figures familiales tutélaires, expérience du type c’est-moi-contre-le-reste-du-monde. Concrètement : la loi de la “raison” fait obstacle à l’élan de l’enfance, à travers les embûches disposées par plusieurs protagonistes symbolisant l’ordre. Au rang desquels : un flic (Bruce Willis), une chargée de services sociaux (Tilda Wilson) et un couple parental étriqué, souhaitant faire rentrer la jeune Suzy dans les rangs (Bill Murray et Frances McDormand). Sacrée foutoir.
Féerie de l’enfance VS blues des “grandes personnes”
Alors voilà. Nos tourtereaux s’improvisent trappeur, en redoublant d’astuce et d’ingéniosité pour fuir, encore et toujours, cette “vie d’adulte” qui leur paraît si morne. En témoigne le quotidien d’avocats des parents de Suzy, faisant chambre à part et n’échangeant plus que sur des affaires judiciaires ennuyeuses à crever. Où est la magie, dans tout ça ? Nulle part. Et c’est bien ce que le tandem en fuite a bien compris.
Pas question de se faire dévorer, à leur tour, par le morne train-train des “grandes personnes”. Et si quelqu’un espère les réintégrer à la “norme” familiale, au demeurant dysfonctionnelles (orphelin, Sam est rejeté par sa famille d’accueil, tandis que Suzy évolue dans un environnement familial sans attention), qu’il soit avertit : il faudra leur passer sur le corps. Littéralement.
Sorte de bras d’honneur adressé aux exigences décidément bien chagrines, bien cafardeuses, des gens “raisonnables”, Moonrise Kingdom déroule un rêve éternel. Celui d’un amour de jeunesse qui, jamais, ne prendra une ride. Pur délire ? Sans doute. Mais de ces délires dans lesquels on a plaisir à s’immerger, comme on se glisserait mollement au creux d’un bain chaud, en plein mois de décembre. De là à dire que la plus “infantile” des œuvres de Wes Anderson, toute peuplée de féerie et de personnages attendrissants, fonctionne comme “le” conte de Noël dont on a avait vraiment envie ? Et pourquoi pas !