C’est LE type que tout le monde rêve d’avoir à ses côtés en cas de castagne. Pour la simple et bonne raison qu’il empile les KO comme d’autres s’enfileraient des bonbons. Vrai de vrai. Matin, midi, soir, John Wick, un ancien tueur à gages d’élite, revenu malgré lui aux affaires, refroidit des types au gun, sabre, ceinture. C’est un peu son truc à lui, quoi.
Présenté avec euphémisme comme “méchamment déterminé” par l’un des protagonistes de la trilogie John Wick, portée par un Keanu Reeves qu’on n’avait jamais vu aussi vénère, ce personnage a le mérite d’en mettre plein les mirettes. Pour mener à bien ses diverses vendettas, tout est bon. Course-poursuite à cheval, échanges de tirs en boîte de nuit, dézingage ultra-chorégraphié de brochettes d’assassins. Mais, au fond, tout ce déchaînement de violence est-il bien justifié ? Éthiquement parlant.
Passage à la loupe, film par film !
1. On a buté son chien…
Et pas n’importe lequel. Un chiot femelle beagle (mignon, évidemment) offert post-mortem par sa femme, décédée des suites d’une longue maladie. Par amour d’elle, John avait quitté le circuit du crime organisé. Par amour d’elle toujours, il espérait ne jamais avoir à le réintégrer. Seulement voilà. Tandis que notre antihéros porte le deuil de son aimée dans une vie sans histoire, un malfrat pénètre chez lui par effraction à la nuit tombée pour le passer à tabac et dérober sa mustang. Sans oublier, au passage, de descendre son chiot sous ses yeux. Oui, oui, sous ses yeux. Aïe.
… Mais cela donne-t-il le droit de provoquer une hécatombe ?
Rappel des faits. Après avoir enterré l’animal qui représentait, selon les termes même de John, “un semblant d’espoir pour partager du chagrin”, l’ex-hitman s’élance à corps perdu dans une quête de vengeance un peu surréaliste. Le responsable du canicide est le fils d’un baron mafieux ? Pas grave. Un contrat à 2 millions est associé à John pour l’empêcher de mener à bien sa revanche ? Rien à taper. Clairement, le type voit rouge. Il démantibule à droite, à gauche. Bain de sang. La réaction paraît si excessive que dans la jet 7 du crime organisé, ça tourne en vanne. Style : “Le mec est si fou qu’il a descendu la moitié de New York pour une bagnole et un chiot”. Glaçant.
2. Il est forcé de redevenir tueur à gage…
Pour peu, on croyait Johnny Boy sauvé. Au début du second volet, il récupère (enfin) sa caisse, fait la paix avec un mafieux qui trempait encore dans la désormais fameuse affaire “du chiot”, et a même adopté un nouvel animal de compagnie. Joli tableau. Sauf que – ding, dong – presque aussitôt, Santino D’Antonio, un parrain de la Camorra, déboule à sa porte pour exiger de lui qu’il règle une dette. John refuse. En réaction, le gars pulvérise son foyer à coup d’on ne sait trop quoi – heureusement, le chien survit. Reste que, du coup, John comprend qu’il n’a plus trop le choix. Et doit se résoudre à faire ce qu’il aurait souhaité éviter : redevenir un hitman.
… Mais n’aurait-il pas pu faire profil bas ?
Admettons que Wick est effectivement contraint de remplir son contrat. Bon. Il va à Rome, et élimine Gianna D’Antonio, à la fois sœur du commanditaire de ce meurtre et détentrice d’un précieux siège à la “Grande Table” – sorte de haut conseil des dignitaires du crime. Jusque-là, OK. Mais ensuite ? Certes, Wick est en droit de l’avoir mauvaise lorsqu’il réalise que Santino D’Antonio a lancé des assassins à ses trousses, bien qu’il ait réglé sa dette. N’empêche qu’au lieu de monter en pression et provoquer une Troisième Guerre mondiale dans Manhattan il aurait juste pu… S’enfuir. Santino lui-même n’en revient pas, de la détermination de notre Wick, et suggère timidement une forme “d’addiction à la vengeance”. On n’est pas loin de partager son avis…
3. Il devient l’homme à abattre n° 1…
C’est en bien piteux état que l’on retrouve Johnny Boy, en ouverture de John Wick : Parabellum (3e volet de la franchise). Il arbore quelques entailles au visage, marche en clopinant et a l’air saoulé. Vraiment saoulé. Comprenons-le : après avoir plombé Santino D’Antonio, membre de la Grande Table, il est propulsé au premier rang des contrats d’assassinats avec quelque 14 millions de dollars sur sa tête. Pire encore, parce que cet homicide a eu lieu dans l’enceinte du Continental, un établissement de malfrats où le meurtre est interdit, il a été “excommunicado”. Autrement dit plus aucun service lié au crime organisé ne lui est autorisé – bref, c’est un paria.
… Mais on lui a offert un ticket de sortie.
Après une escapade au cours de laquelle il laisse plusieurs montagnes de cadavres derrière lui, John s’envole au Maroc dans l’espoir d’y retrouver les traces du Grand Maître de la Grande Table. Soit le seul individu capable de lever d’un doigt à la fois la prime et son excommunication. En échange de ce menu service, ledit Grand Maître réclame deux choses. Primo, que John continue à travailler pour la Grande Table jusqu’à son dernier souffle, secondo, qu’il assassine Winston – un ami de longue date de John, qui avait usé de son autorité de directeur du Continental de New York pour lui laisser la vie sauve. D’accord, la perspective fait pas rêver outre-mesure. Mais le deal aurait mit un point final à une spirale de brutalité dont les proportions n’ont pas tardé à virer au dantesque. Jugez-plutôt :
Récap’
Cas technique. D’une part on serait tenté de dire que John Wick, aka “l’homme qu’on envoie pour tuer le Croquemitaine”, aka “le type qui a tué 3 mecs dans un bar avec un stylo” tient du franc socio-psychopathe. Deuil ou pas deuil, ôter la vie à une cinquantaine de gars en une aprem’ pour venger un chiot, c’est délirant. Mais, d’un autre côté, les règles qui régissent le monde de la Grande Table et ses bras armés n’ont pas grand chose à voir avec celles du commun des mortels.
Dans cet univers parallèle, buter tient du jeu. Les types se félicitent de la “beauté” des combats, s’enfilent des verres après s’est bastonnés pendant 20 minutes, et se promettent de s’offrir des morts dignes. Bref, l’homicide n’a pas la même valeur que chez nous. Ça frise le “cool”. Et puis, il faut se dire que tout ça se joue entre crapules.
Alors quand “John Fucking Wick” (c’est un perso des films qui l’appelle comme ça, pas nous, on n’oserait pas) pète une durite parce qu’il perd un souvenir de sa femme, puis subit des trahisons à répétition, eh bien… On a du mal à lui en vouloir. On sympathise même. Après tout, lui, tout ce qu’il demandait, c’est couler des jours tranquilles à faire mumuse avec son canidé. Pépère.
Pourra-t-il mener cette dolce vita rêvée d’ici peu, notre Johnny ? Rien n’est moins sûr. En clôture du troisième volet, alors qu’il avait choisi de soutenir Winston dans sa croisade contre la Grande Table plutôt que de l’exterminer, l’ancien directeur du Continental retourne sa veste et tente (apparemment…) d’attenter aux jours de celui qui était censé être son “ami”. Résultat : John est encore trahi. Sa peau est toujours mise à prix, et il est encore excommunié. Ça fait beaucoup. Alors quand le Bowery King, souverain du crime souterrain, lui demande s’il est en colère, forcément John répond : “oui”. Et disons-le franchement, il a raison de l’être.
Rendez-vous en mars 2023 pour la sortie du quatrième chapitre de John Wick, où l’on verra à coup sûr notre hitman favori briser des genoux à rythme industriel. Avec tout notre soutien, donc.