Qui l’eût cru. Film potache aux abords innocents, malgré quelques scènes d’ivrogneries goulues et de défonces débridées, Projet X s’est rapidement mué en enjeu de sécurité urbaine, après sa sortie en 2012. Fascinés par les proportions dantesques de la bamboche “organisée” par Thomas et ses potes, certaines têtes brûlées américaines – sans doute déjà bien échaudées par la culture de la teuf made in US – ont lancé leur propre “projet”. Des initiatives ayant défrayé la chronique, au gré de savoureuses anecdotes. Mais aussi de récits dramatiques, impliquant des overdoses et un décès par balle. Focus.
La fête “ultime”
Piqure de rappel. Projet X, c’est l’histoire d’un type un peu looser, Thomas Kub, qui se fait engrener par son groupe de homies pas hyper, hyper, finauds. L’ambition ? Faire péter une teuf hors normes dans la maison des darons, partis pour le week-end. Histoire de gagner en popularité et – pourquoi pas – d’enfin séduire un crush. Sauf que. Très vite, l’ampleur de l’évènement les dépasse.
Dans les couloirs du lycée, comme sur les rues ensoleillées de Pasadena, en Californie, où se déroule le film, une rumeur enfle, portée par le bouche à bouche (et quelques annonces sur une radio locale…) : la fête du siècle aura lieu chez Thomas. Place to be. Un point c’est tout.
Sans surprise, tout part en vrille le jour J. On parle d’ecstasy distribuée à gogo, de spectaculaires cas d’ivrogneries. Mais aussi de bastons, de saccage en règle du domicile – et même d’un dealos devenu zinzin, qui déboule au lance-flamme dans l’espoir de rôtir nos lycéens. Pour gérer ce qui ressemble de plus en plus au mélange explosif entre la cour des miracles (Bossu de Notre-Dame) et le pandémonium (Paradis Perdu), la police intervient à dos d’hélico. C’est le zbeul – mais tout le monde s’en sort sain, et sauf. Un miracle ? Non, juste de la fiction.
Une idée déjantée qui fait des petits
À peu près toute la gen Z ayant maté le film a voulu, à un moment où l’autre, vivre son propre “projet X”. Cette espèce de surenchère du grand n’importe quoi a évidemment de quoi faire fantasmer n’importe quel ado. D’ailleurs, le sous-titre anglais du film n’est-il pas : “the party you’ve only dream about” (la fête dont vous n’aviez fait que rêver) ? Bref, le principe du film essaime, et fait des émules.
Mais certaines choses du domaine de l’imaginaire ne devraient, peut-être, jamais faire effraction dans la réalité. Un peu partout dans le monde après la sortie du film, les annonces d’évènements Facebook baptisés en hommage “Projet (insérer ici n’importe quelle lettre)” fleurissent. Pour se clôturer sur des notes tragiques, notamment aux États-Unis – pays de la démesure, diront certains, où la culture des campus a lentement, mais sûrement, érigé la débauche étudiante en rite initiatique. De quoi filer des sueurs froides aux parents. Mais aussi à la police.
Le drame, triste héritage du “Projet X”
En 2012, les autorités américaines ont dû faire face à une véritable vague de “Projet X”. Au Texas, on parle d’une fête à l’objectif clair, limpide : littéralement recréer le film. Une folle ambition avortée, l’organisateur ayant été arrêté in extremis, avant que la police ne disperse manu militari les quelque 2000 participants qui s’étaient rendus au lieu de rendez-vous.
À Houston, treize ados sont interpellés après avoir causé 100 000 dollars de préjudice en lançant une rave dans une maison vide. La légende veut qu’au moment d’être questionnés sur leur motif, le groupe de plaisantins ai répondu en chœur “on a voulu copier le film”. Dans la même ville, environ 1000 jeunes s’était rassemblés, suite à une invitation qui avait fait le buzz sur les réseaux. Lors de l’intervention policière, l’un des participants a dégainé son arme, puis tué un adolescent d’une balle dans la tête.
En réaction Warner Bros, distributeur du film, avait clarifié : “Ces incidents sont condamnables. Et bien entendu Project X est une fiction. Warner Bros décourage fortement quiconque à tenter d’imiter le comportement des acteurs qui était strictement encadré pendant le tournage du film”. Propos qui n’ont pas empêché d’autres “soirées héritières” de voir le jour outre-Atlantique. Notamment en 2014, au Michigan, avec le “Project P”. Une teuf où, au milieu des gogos dancers, de stripteaseuses et d’un cracheur de feu, des douzaines de participants ont fait une overdose d’héroïne.
Près de 12 ans après la sortie du film, et une dizaine de soirées-catastrophes plus tard, l’aura de “Projet X” se serait-elle ternie ? Il faut croire que non. Après le lancement, côté hexagonal, d’un “Projet X” aux Invalides qui avait donné lieu à des échauffourées entre police et teufeurs en 2020, des jeunes ont décidé de remettre le couvert, à Lyon, en annonçant sur TikTok une soirée prévue pour le 10 juillet 2023, comme le rapporte Le Progrès. Vue plus d’un million de fois, la vidéo “promotionnelle” de la fête avait été retirée du réseau social peu après sa diffusion. Le signe d’un désistement de dernière minute ? Peut-être pour le meilleur.