En 2017, le bitcoin fait son intrusion dans nos vies. Placée sous le feu des projecteurs après une flambée vertigineuse de sa valeur, la monnaie virtuelle jusqu’alors inconnue du grand public devient, soudain, l’objet de toutes les fascinations. Les traders de Wall Street se questionnent – bonne affaire, ou pas ? -, la presse internationale en fait ses manchettes et… Même Tiziano, ton pote de lycée, fanfaronne qu’il “en est”.
Mais y pige-t-il quelque chose, au fond ? Sans doute pas – et difficile de lui en vouloir. Après tout, la crypto c’est un peu comme si un Gargamel bien vicelard avait combiné tout ce que vous ne compreniez rien à Internet, et tout ce que vous ne compreniez rien aux ordis pour faire… Eh bien, on ne sait pas trop quoi. Quel bordel.
Nous sommes en 2023, d’aucuns affirment que la “bulle crypto” a éclaté, et personne ne percute ne serait-ce que les fondamentaux du dossier. Alors pour y voir plus clair, on est allé jeté un œil au docu pédago’ Cryptopia : Bitcoin, Blockchains, and the Future of the Internet, dispo sur Prime Video. Voilà ce qu’on en a retenu.
1. À l’origine, le bitcoin est un mystérieux projet anti-banque
On croirait l’histoire toute droite sortie d’un bouquin SF. Courant 2008, alors qu’un séisme de l’économie mondiale met les banques à genoux (en entraînant dans leurs chutes des milliers de citoyens…), un certain Satashi Nakamoto publie un “livre blanc”, soit une sorte de guide dédié à des sujets complexes. L’auteur y brosse le fonctionnement du “bitcoin”, une monnaie digitale qui permettrait, lit-on, de se passer d’intermédiaires telles que les banques – et donc d’éviter une nouvelle crise des subprimes, par exemple. Mais qui est Satashi Nakamoto, au juste ? Eh bien, plusieurs ont prétendu au titre, dont le magnat de l’informatique Craig Wright. Mais à l’heure actuelle, impossible de savoir qui se cache réellement derrière le pseudonyme aux sonorités nippones. Certains parient même qu’il s’agirait en réalité d’un consortium de personnes… Allez savoir.
2. Le fantasme du “peer to peer”
Faire sauter les tiers, en créant un espace de transaction sans notaires, sans agence – sans banque, on aura compris. Voilà l’un des principes fondateur de la “blockchain” qui, grosso modo, fonctionne comme un livre consultable par tous, à tout moment. Chaque échange est réalisé de pair à pair (peer to peer) grâce à un logiciel algorithmique de calcul appelé “minage” qui traite les informations par lots nommés… Blocks. D’où le nom “blockchain”, oui.
3. Un dispositif 100 % sécurisé – vraiment ?
Les chantres de la blockchain n’ont eu de cesse que de la célébrer comme un réseau garantissant la transparence la plus absolue. Au royaume crypto, chaque individu dispose d’une clé (unique) et d’un coffre-fort virtuel (tout aussi unique). Chaque déplacement de fonds est traçable par n’importe qui, jusque dans ses détails les plus infimes. Bref, la sécurité est assurée – enfin, sur papier. Parce que dans la réalité, “cryptopia” a été le terreau fertile d’arnaques en tous genres. Notamment grâce au levier du Initial Coin Offering (ICO), une sorte de levée de fond durant laquelle une société cherchant des financements émet des jetons (“tokens”) auxquels investisseurs peuvent souscrire grâce à des crypto-monnaies. Ce qui leur permet d’accéder aux futurs services de la société… Lorsque celle-ci n’est pas fantôme.
4. Comment l’univers crypto s’est ramifié
Le Bitcoin est “la” référence historique du cryptoactif. À peine quelques mois après son lancement, en 2009, d’autres formes de monnaies tissées de bit et d’octets, basées sur des systèmes souvent dérivés du code source bitcoin, fleurissent. Puis, en 2015, survient le raz-de-marée Ethereum. Une chaîne de blocks lancée par le programmateur Vitalik Buterin, alors qu’il n’avait que 21 ans. Ce modèle est notamment connu pour avoir introduit les “smart contracts” ou “contrats intelligents”, en français. Des protocoles qui permettent de vérifier l’exécution d’un accord en peer to peer. Depuis le “choc Ethereum”, le nombre de cryptomonnaies n’a cessé d’enfler. En juillet 2023, le site spécialisé CoinMarketCap, en recensait 10 326 types – bitcoin restant, encore et toujours, en pôle position avec une valeur à l’unité de 27 737 euros, talonné (de loin) par l’Ethereum et son 1700€/unité. À noter qu’à eux d’eux, ces géants représentent environ la moitié du marché crypto.
5. La crypto, fausse “valeur refuge” ?
Les zélotes du Bitcoin n’ont longtemps eu que cette expression à la bouche, “valeur refuge”. L’idée étant de désigner un bien dont l’acquisition permettrait de manière probable – sinon certaine – d’engendrer un bénéfice à la revente. Bon. Si au début de l’âge crypto, beaucoup ont voulu voir dans les monnaies “émancipées” des tiers un précieux rempart contre la dévaluation de monnaie émise par des États, due à des conflits géopolitiques, par exemple, aujourd’hui… Difficile de voir les choses de cet œil. La crypto n’a jamais été “l’étalon” que représente, par exemple, l’or. C’est même plutôt l’inverse : ces monnaies d’un genre nouveau frappent par leur volatilité. Exemple : en janvier 2022 la valeur du bitcoin s’était effondrée à plusieurs reprises ; 69 000 $ en novembre 2021, pour 36 000 $ fin janvier 2022, puis… Environ 20 000 $ courant novembre, de la même année. Vertigineux.
6. les OG “cypherpunks”, et l’utopie libertaire du Web 3.0
Aussi étonnant que cela puisse paraître, le fantasme d’un réseau décentralisé, et en open source, était déjà en germe avant le lancement du World Wide en 1991, sous la plume des “cypherpunks”. Des geeks d’obédience anarchiste, qui aspiraient à utiliser le chiffrement pour anonymiser les discussions, et protéger la vie privée . Un peu plus de 30 ans après la publication de la Bible du genre, le Manifeste Crypto-Anarchiste (1988), que reste-il de ce rêve ? Plusieurs défenseurs de la “crypto” se réclament de cet héritage, en voyant dans ce dispositif la voie royale pour tisser une Toile d’un genre nouveau, qui serait affranchie de l’oligopole de GAFAM aux pratiques rapaces. Plus de “sponsoring” ciblé, fini le rapt de l’attention – ce serait l’utilisateur, plutôt que les plateformes, qui serait rémunéré au moment de visionner une pub par exemple. Ce modèle basé sur la technologie blockchain aux aspirations égalitaristes répond au doux nom de “Web 3.0”. Et ses prophètes y voient, déjà, l’annonce d’une révolution. Affaire à suivre.