Buffy : icône avant l’heure du “girl power” façon sorcellerie ?

PAF, dans ta tronche

Buffy : icône avant l’heure du “girl power” façon sorcellerie ?

Une justicière, des monstres, de la sororité ultra badass.

Qui prend encore gare à la sorcière ? Longtemps objet d’épouvante et de dégoût, cette figure folklorique est remise au goût du jour. Que ce soit à travers les collections darkos d’un Rick Owens sur le catwalk, l’essor de la littérature dark fantasy ou l’entreprise de réhabilitation militante, menée (avec un succès triomphant) par les cercles anti-sexistes. On pense, bien sûr, au fameux livre Sorcières, la puissance invaincue des femmes (2018) de Mona Chollet. Mais aussi à la tendance witchcraft qui explose, notamment sur TikTok.

Concrètement : des foules de femmes y partagent leur passion pour l’exploration de spiritualités longtemps méprisées par une rationalité scientifique constituée au fil des siècles, essentiellement, par des hommes. Tarot, astrologie, magie blanche… Soudain, aux mains des femmes, ces objets culturels a priori loufoques sont devenus “hype” – et surtout empouvoirants. D’un mot, la sorcellerie a viré féministe. Mais par quel sortilège ? Difficile de pister avec une précision arithmétique l’origine du phénomène. Mais avec son héroïne ordinaire, ses personnages féminins surpuissants et son propos pro-femme, Buffy contre les vampires a, à coup sûr, opéré un tournant. Éclairages.

Une ado (presque) comme les autres

D’abord, un peu de contexte pour mieux saisir le “phénomène” Buffy. La série démarre en 1997 et c’est peu dire qu’à cette époque, les protagonistes féminins mis en valeur ne courent pas les écrans. Avisé de cet oubli-pas-si-involontaire-que-ça dans le paysage audio-visuel, le créateur du show aux 744 épisodes, Joss Whedon, décide de prendre un contre-pied radical avec Buffy.

Le raz-de-marée du cinéma d’horreur typé slasher (Scream, Halloween…) nous avait habitué, durant les 70’s-80’s, à mettre en scène une blonde (jeune, séduisante et supposément nunuche) dans le rôle de proie à l’espérance de vie ultra limitée ? Buffy contre les vampires reprendra à son compte ladite caricature de la “blonde”, mais en renversant le stéréotype : grâce aux facultés de “l’Élue”, l’agressée devient prédatrice. En même temps qu’elle se retrouve propulsée au rang de protagoniste principale du show, diffusées sur sept saisons au format “parcours initiatique” émancipateur, entre 1997 et 2001.

Non seulement l’héros est une héroïne mais, contrairement à des figures canoniques issues de l’univers comics tels que Wonder Woman, Buffy est un personnage auquel de nombreuses téléspectatrices peuvent s’identifier. Tout simplement parce que Buffy contre les vampires est l’un des premiers shows à mélanger l’horreur, le comique et le quotidien de la vie de lycée. Certes notre “Tueuse” est affairée à déboîter ici du vampire, là des démons clownesques, mais, à bien d’autres égards, c’est une ado ordinaire. Avec ses problèmes de cours, et de cœur (on t’oublie pas, Spike). Le lot de chaque femme en devenir, en somme.

Go, Tueuses, go

Humanisée par les doutes qui l’assaillissent fréquemment, et ultra-badass, eu égard aux énormes torgnoles qu’elle flanque aux pires avatars du Mal, Buffy s’affirme comme une figure – évidemment – inspirante. Mais également comme un modèle d’affirmation féminine. Voyant peu son géniteur, notre californienne cultive des relations conflictuelles avec plusieurs figures mâles personnifiants l’abus de l’autorité patriarcale : son beau-père, et son proviseur. Elle triomphe du premier (en réalité, un robot) en le terrassant, et du second, en se contre-foutant royalement de ses ordres. Cheh.

De manière générale, une foule de persos masculins made in Buffy sont 1) des humains relous 2) des êtres supra-naturels maléfiques, à la misogynie meurtrière. Comme le prêtre St Caleb, serial killer de femmes. Ou encore Warren, membre de l’infernal “Trio”, qui transforme sa fiancée (terrienne) en objet sexuel, mis à disposition de ses “amis”. L’occasion d’aborder frontalement la question de l’objectivation des femmes, ainsi que du viol.

Pour tenir tête à ces ennemis (majoritaires de sexe mâle), Buffy peut heureusement compter sur de précieux soutiens – eux, féminins. Parmi lesquels l’inoubliable sorcière Willow, ou encore Faith, une autre “Tueuse”. Pour rappel, dans le “buffyverse”, les vampires de la “Force” s’efforcent de détruire dès le berceau les “Potentielles” élues (une parabole de l’oppression masculiniste ? Sans doute).

Si, par chance, l’une d’elles réchappe à leur griffe, elle devient “l’Élue” jusqu’à sa mort. Une autre “Élue” prend ensuite le relais, et doit à son tour céder sa place à une consœur au moment de rendre son dernier soupir. À moins que… oui, à moins que quelqu’un ne rompe la prophétie, pour paver la voie à une “communauté” d’Élues, plutôt qu’à des héroïnes solitaires ? C’est tout le sens de la transgression qu’opère Buffy lors de la saison finale, en déclamant : 

« Imaginez que vous avez ce pouvoir, maintenant, à chaque génération. Une Tueuse vient au monde parce qu’une bande de types qui sont morts il y a des milliers d’années ont fixé les règles du jeu. Ces hommes étaient puissants, et cette femme [Willow] est plus puissante que tous ces hommes réunis. Alors, changeons les règles de ce jeu. Moi je dis que mon pouvoir devrait être votre pouvoir. Demain, Willow utilisera l’essence de la faux pour changer notre destin. À partir de maintenant toutes les Tueuses Potentielles qui attendent de par le monde deviendront des Tueuses. Toutes les filles qui attendent d’avoir le pouvoir auront ce pouvoir. Celles qui étaient soumises résisteront, enfin. Des Tueuses, chacune d’entre nous. Faites un premier pas. êtes-vous prêtes à être fortes ?”

Alors que notre tueuse de démons préférée déroule son monologue aux tonalités de militante pro-sororité, à l’image, une femme visiblement en danger stoppe la main levée d’un homme qui allait fondre sur elle. Tout est dit. Go, Tueuses, go.