Mais quelles tranches de vie peuvent bien se cacher derrière les titres au succès indélébile, le verbe gouailleur et l’énergie électrisante de “la Môme” ? C’est ce qu’explore Piaf, sans amour on est rien du tout. Un documentaire signé Marianne Lamour, qui jongle entre vidéos d’archive et entretiens inédits pour nous plonger dans les coulisses – mélodramatiques, sans surprise – de l’existence celle de qui voyait “la vie en rose”. Focus sur cinq étapes clés d’un parcours hors normes.
1. Une enfance au dénuement digne d’un roman de Zola
Selon la légende urbaine, Edith Piaf serait littéralement née “sur les marches” d’un immeuble de Belleville, par une froide journée de décembre, en 1915 – une plaque commémorative est encore là pour étayer ce mythe. Fille de misère, elle est abandonnée peu après sa naissance par sa mère puis, son géniteur étant au front, la voilà confiée à sa grand-mère paternelle. Cette aïeule un poil acariâtre, qui ne cache guère son désamour pour l’enfant, tient une maison de passe où, par bonheur, Edith trouve – enfin ! – une forme de réconfort, auprès des prostituées qui y séjournent. Sur place, elle osera ses premières interprétations chantées, perdra la vue – faute de soins, sans doute – puis recouvrera l’usage de ses yeux par un coup du sort qu’Edith considérera à jamais comme un miracle d’ordre spirituel.
2. La galère des premiers pas d’une carrière “de rue”
À peine âgée de 7 ans, Édith est enrôlé par son père contorsionniste dans ses pérégrinations de caravane pour que, elle aussi, performe – en donnant de la voix, bien sûr. Après quelques années d’itinérance, celle qui était alors présentée comme “Miss Piaf, phénomène vocal” fugue à Paris pour vivoter aux côtés de Simone Berteaut, dite “Momone”. Tête dure, le duo ne cède pas aux sirènes de la prostitution, et survit grâce aux chansons de valses, tangos et javas qu’Edith interprète dans les rue de la capitale – parfois à l’aide d’un porte-voix.
3. D’où vient son surnom de “Môme”
Alors qu’Édith bat le pavé entre les boîtes populaires du quartier de Pigalle, Louis Leplé, gérant du cabaret Le Gerny’s sur les so frenchie Champs-Élysées, entend sa voix. C’est un choc – aussitôt le patron embauche cette OVNI, dont il devient à la fois père adoptif et mentor soucieux. C’est lui qui, en référence aux 1m47 et à l’allure fluette d’Édith, lui trouvera un nom de scène demeuré célèbre : la Môme. Bien vite, le timbre de l’interprète conquière la capitale et, d’un peu partout, on se presse pour assister aux prodiges de Mademoiselle Piaf. Mais l’aventure du Gerny tourne court ; Louis Leplé est assassiné en 1936. Édith sombre alors dans la tristesse, avant de remonter la pente. Elle enchaîne les salles de spectacles, brille dans le music hall et enregistre plusieurs disques. Fini “la Môme”, “Édith Piaf” est née.
4. Elle a été la mentor d’Yves Montand – et de beaucoup d’autres
“C’était la fin du mois de mai 1944, Paris était sous l’occupation et Édith m’a demandé que je participe à son programme”, rejoue avec émotion Yves Montand, au moment d’évoquer sa rencontre avec celle qui était alors “la” vedette nationale. Un tournant décisif, puisque c’est grâce au parrainage d’Édith que l’interprète fait son entrée dans les cercles du grand music hall. Au rang des autres protégés de “Mademoiselle Piaf”, on compte également Charles Dumont, Georges Moustaki et même un certain… Charles Aznavour. Aussi douée pour enchanter le public que pour repérer les talents de demain, Édith Piaf ? On dirait bien !
5. Un amour scellé par la tragédie
En pleine tournée de consécration internationale à New York, en 1947, celle qui n’a jamais cessé de chanter les vicissitudes des passions du cœur a le coup de foudre, le vrai de vrai. Il s’appelle Marcel Cerdan, brille sur le ring dans la section poids moyen et l’aime en retour. Pour cet homme qu’elle juge trop absent, Édith compose son cultissime Hymne à l’amour, qu’elle chante pour la première fois en septembre 1949. Un mois plus tard, après avoir terminé un match, Marcel s’apprête à retrouver les bras de son amante – mais pas par le bateau, non, trop long, juge Édith. Ce sera l’avion, donc. Un Paris – New York qui s’écrase sur une île portugaise des Açores. Aucun survivant.
Le soir même, après avoir apprit la nouvelle, Édith monte sur scène, interprète plusieurs chansons, puis s’effondre aux notes de son Hymne à l’amour. Rongée par le chagrin – et la culpabilité -, l’artiste s’abîme dans les médicaments, l’alcool et l’amertume. Mais malgré un état de santé sur la pente raide, Édith ne lâche pas la scène. Elle sauve l’Olympia de la faillite grâce à des représentations mémorables où l’interprète chante, entre autres choses mémorables, qu’elle ne “regrette rien”. Usée par une vie d’excès et de drames, la “Môme” s’éteint à 47 ans en laissant derrière elle un répertoire impérissable et une aura qui brille, encore et toujours, sur la chanson française.
Édith en musique, comme si vous y étiez
Envie de vous replonger dans les textes de Piaf ? De vibrer au son de sa voix ? De verser une larme, peut-être, au récit de ses malheurs ? Ça tombe bien, outre Piaf, sans amour on est rien du tout, Prime Video accueille Édith Piaf, le concert idéal. Une généreuse compilation de vidéos d’archives qui tissent la trame d’une représentation – idéale, donc -, où s’enchaînent les performances. Concert avec les Compagnons de la chanson, interprétation spectaculaire de La vie en rose… La crème de la crème, quoi.