Bliss : quand la réalité virtuelle devient une solution thérapeutique pour les malades

Bliss : quand la réalité virtuelle devient une solution thérapeutique pour les malades

Bliss est une application 3D interactive qui permet aux personnes en situation d’isolement ou de stress de s’évader dans un monde imaginaire virtuel. On a discuté avec Mélanie Péron, sa créatrice, pour en savoir plus sur ce projet révolutionnaire.

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Depuis cinq ans, Mélanie Péron s’efforce de redonner de la vie dans les chambres d’hôpitaux. Après une douloureuse expérience entre 2007 et 2009, qui l’a amenée à constater l’isolement et la solitude que pouvait engendrer la maladie, cette bibliothécaire-documentaliste originaire de Laval crée en 2011 L’Effet Papillon, une entreprise sociale dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie des adultes fragilisés (maladie, dépendance, handicap), notamment ceux touchés par le cancer.

Forte de cette expérience, la jeune femme planche aujourd’hui sur un programme qui pourrait bien révolutionner le monde de l’hôpital : Bliss. Une application de réalité virtuelle qui permet aux patients de s’évader dans un monde onirique, se détacher de la maladie – et de la douleur.

Après avoir réalisé un prototype sur PC 3D avec les étudiants des écoles de l’ESIEA et de l’ESCIN en 2011 (qui a été présenté cette même année à Laval Virtual, troisième salon au monde des nouvelles technologies), Mélanie Péron est actuellement en train de développer son Bliss à travers une application smartphone, financée grâce à une cagnotte KissKissBankBank de 25 000 euros. Pour Konbini, elle revient sur ce fascinant projet, sur ses espoirs, et sur ses rêves.

“Le patient est vraiment réduit à sa maladie”

Konbini | Comment Bliss est-il né ?

Mélanie Péron | Bliss est inspiré de mon vécu. Entre 2007 et 2009, j’ai accompagné mon compagnon pendant son hospitalisation pour le traitement de sa leucémie. C’était une prise en charge très lourde (chimio, rayons, greffe de moelle osseuse…) dans une chambre complètement stérile : un lit entouré d’un rideau en plastique épais, les fenêtres toujours fermées, des vitres de verre autour de la chambre, il ne pouvait pas poser le pied par terre… La seule personne qui avait le droit de lui rendre visite c’était moi, et une imposante tenue de cosmonaute. C’est juste l’enfer sur Terre.

Je me rends compte que pendant cette période, il est très compliqué de communiquer, de rester en lien, que le patient est vraiment réduit à sa maladie. C’est toujours : “T’as bien dormi, t’as bien mangé, comment tu vas ?” Et c’est très lourd. Parce qu’on ne peut pas se projeter, on ne peut pas penser à autre chose.

Donc en 2010, je repense à cette chambre et je me dis que ce serait extraordinaire de pouvoir tous se retrouver dans un monde virtuel, onirique, qui n’est pas celui de Skype où le patient sans sourcil ni cheveux est confronté à ses proches tout beaux, bien installés chez eux.

Non, avec Bliss, on sera tous représentés par des avatars et on pourra communiquer dans ce monde-là.

“Tout L’Effet Papillon est né sur le crowdfunding”

Après un prototype sur PC 3D en 2011, vous développez à présent une première version de Bliss sur smartphone avec un casque de réalité virtuelle…

Oui, les technologies sont en train de beaucoup bouger, de devenir accessibles et nous avons décidé d’abandonner le PC, pour basculer sur le casque, plus mobile et accessible.

Pour financer cette nouvelle version, on a lancé une campagne de crowdunfing en mars dernier sur KissKissBankBank, parce que c’est ce que j’ai toujours fait, depuis le début : tout L’Effet Papillon est né sur le crowdfunding. Je veux absolument qu’il y ait une communauté derrière Bliss, qui puisse participer au projet et nous donner des idées.

Après deux mois de campagne, on a collecté 25 537 euros qui vont nous aider à développer un premier environnement. L’idée de Bliss nouvelle version, c’est d’avoir une solution à visée thérapeutique sur casque-smartphone pour le patient dans un premier temps (ce sur quoi nous travaillons aujourd’hui avec ce premier environnement), et dans un second temps on travaillera sur une version sur tablette qui reprendra le côté social qu’il y avait sur le PC, et permettra au patient de rester en connexion avec ses amis, sa famille, en discutant par chat et par communication oral comme sur Skype.

“Je cours après Muse pour faire la musique de Bliss”

Concrètement, comment ça fonctionne ?

La réalité virtuelle répond à trois grands critères : l’interaction, l’immersion, et le temps réel. Il s’agit donc d’être immergé en temps réel et de pouvoir interagir par le son, la vision ou le toucher.

Avec cette nouvelle version de Bliss, ce sera des sessions d’une dizaine de minutes pendant lesquelles le patient se baladera dans des mondes oniriques, imaginaires, avec de l’eau, des arbres, des petites bestioles… il y aura même une licorne (rires) ! Il y aura des interactions avec les yeux et du son binaural (c’est-à-dire qu’on peut entendre le son à droite, à gauche, de partout… c’est phénomènal !)

Ça doit être dix fois plus immersif avec le son binaural !

Oui, c’est dingue. D’ailleurs, je cours depuis cinq ans après Muse pour qu’ils fassent la musique de Bliss… mais ils ne le savent pas encore (rires) ! “Bliss”, c’est aussi le nom d’une de leur chanson – que j’adore.

Je voulais avoir un nom très court, que tout le monde puisse prononcer, qui soit international, et qui puisse synthétiser totalement ce que j’avais en tête. “Bliss”, ça veut dire grande joie, grand bonheur, félicité… du coup c’était parfait.

“La réduction de la douleur dans l’anxiété du stress”

Quand est-ce que les patients pourront utiliser Bliss ?

Dans les moments d’attente à l’hôpital, qui sont très très longs, mais aussi dans les moments de soins, qui sont très très stressants… Au quatrième trimestre 2016, on va évaluer l’efficacité de Bliss sur des patients qui s’apprêtent à avoir des gestes invasifs très lourds, comme des ponctions de moelle. Ces gestes-là font peur, et mal, et l’arsenal thérapeutique est très limité (on a soit des patchs anesthésiants, soit du gaz hilarant, et ne ça fonctionne pas toujours…) Donc on va évaluer si Bliss est au moins aussi efficace que les autres solutions.

Donc Bliss aura aussi pour vocation de palier leur douleur ?

Oui. C’était un des buts premiers : la réduction de la douleur dans l’anxiété du stress. Et la réalité virtuelle est d’une puissance délirante pour ça. Il y a beaucoup d’études qui l’ont démontré, et on a la chance d’être soutenu depuis le début par l’un des plus grands spécialistes de la réalité virtuelle thérapeutique au monde, le Dr Bouchard, un psychologue qui soigne avec la réalité virtuelle – que ce soit pour les phobies des araignées, le vertige, les gens qui sont addict au jeu, victimes d’agressions sexuelles… Il a des résultats qui sont équivalents voire supérieurs à ceux des thérapies comportementales cognitives.

Du coup, il y a un champ des possibles énorme ! On a les médecins avec nous, ce grand spécialiste… tout l’écosystème nécessaire en fait. C’est pour ça qu’on va pouvoir bien faire les choses. On met le temps, mais ça va aller…

Vous avez le soutien de la communauté médicale, qu’en est-il de celui des patients ? Ont-ils pu tester Bliss ?

Beaucoup d’anciens patients l’ont testé, et ils m’ont assuré que ça allait révolutionner l’hôpital. Que ce soit pour les moments d’attente ou pour les moments de soin. Si on arrive à réduire la douleur des gens, à réduire leur consommation médicamenteuse… on aura tout gagné.

Suivez le développement de Bliss via la page Facebook de L’Effet Papillon, ou sur leur site.

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