À l’occasion du Mondial du Tatouage, Konbini plonge dans les œuvres d’artistes qui ont influencé et perfectionné le tatouage japonais. Une pratique aussi riche qu’ancestrale, qui reste encore parfois controversée sur ses propres terres.
Du 4 au 6 mars prochain, la Grande Halle de la Villette se transformera en temple de la culture tatouage, réunissant en son sein des artistes issus des quatre coins de la planète. De la France bien sûr mais aussi des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Pologne ou encore du Japon.
Pour cette quatrième édition du Mondial du Tatouage, l’archipel nippon est d’ailleurs mis à l’honneur à travers l’affiche de l’évènement réalisée par l’artiste Ichibay, qui offre une peinture au centre de laquelle prend lieu une session de tatouage traditionnel japonais. Mais également par Tin-Tin, fondateur de l’évènement. Celui-ci s’est associé au constructeur japonais Nissan pour personnaliser l’un de ses véhicules phares : le Nissan JUKE qu’il a habillé de son animal préféré : le dragon.
Le Japon est incontestablement l’un des pays où la pratique du tatouage est l’une des plus ancestrales, et donc l’une des plus riches. Mais il est aussi l’un des pays qui l’a le plus rejetée : plusieurs fois prohibé dans la société nippone, considéré comme une marque infamante puis finalement réhabilité, le tatouage était, jusqu’à il y a encore peu de temps, largement considéré comme l’apanage des Yakuza, la pègre nippone.
Depuis quelques années, sans doute grâce à la démocratisation global de cet art corporel, l’irezumi (le tatouage traditionnel japonais) retrouve grâce aux yeux des Japonais, grâce à une poignée de tatoueurs qui le colportent à travers le monde.
Pour mieux saisir l’essence de cet art, nous vous proposons de plonger dans les œuvres d’artistes qui ont contribué, chacun à leur manière, à façonner le tatouage au pays du Soleil Levant.
Hokusai
Avec ses estampes délicates, que l’on nomme aussi les ukiyo-e (les “images du monde flottant”), ce dessinateur du 18ème siècle est considéré comme l’un des artistes les plus marquants de l’histoire du Japon, dont l’œuvre a influencé de nombreux peintres européens tels que Gauguin, Vincent van Gogh ou encore Claude Monet.
Aujourd’hui, l’œuvre de Katsushika Hokusai (1760-1849) continue d’inspirer les artistes contemporains, particulièrement au sein de la communauté du tatouage. Les grands maîtres-tatoueurs japonais et les artistes-tatoueurs spécialisés dans le style japonisant vous citeront d’ailleurs très certainement son nom.
Les carpes, rivières et autres fleurs romantiques qui caractérisent ses estampes constituent, trois siècles après leur création, des motifs que l’on retrouve constamment dans le monde du tatouage. Ses œuvres les plus connues ? Les Trente-six vues du mont Fuji (1831-1833) et surtout La Grande Vague de Kanagawa (1831), un mur d’eau féérique qui s’affiche très souvent sur la peau des tatoués (en témoigne ce récent tatouage signé Henbohenning).
Kuniyoshi
Souvent resté dans l’ombre de son confrère Hokusai, ce dessinateur a pourtant lui aussi contribué à faire de l’estampe japonais un art qui a traversé le monde et les époques.
Du 1er octobre 2015 au 17 janvier dernier, le Petit Palais de Paris exposait les œuvres d’Utagawa Kuniyoshi (1797-1861) à travers une exposition baptisée “Fantastique ! Kuniyoshi – Le démon de l’estampe”. Dans le cadre de cette exposition, le journaliste Pascal Bagot, spécialiste du tatouage japonais, donnait une conférence dans laquelle il expliquait toute l’importance de cet artiste pour le tatouage. Car non seulement les paysages et autres scènes présentés par Kuniyoshi continuent d’influencer les artistes-tatoueurs de cette époque, mais surtout, il est l’un des seuls artistes du 19ème siècle à avoir témoigné de l’existence du tatouage à cette époque.
En 1827, Kuniyoshi reçoit une importante commande : il doit réaliser une série d’illustrations pour le One hundred and eight heroes of the popular Suikoden all told, un livre basé sur un conte chinois très populaire, Au bord de l’eau (“Shuihu Zhuan” en chinois). À travers cette série, l’artiste fait naître des personnages virils et masculins sur les corps desquels s’enroulent serpents et autres dragons colorés. Des dessins qui ont beaucoup influencé la mode d’Edo, et qui l’ont fait entrer dans le cercle très fermé des artistes qui ont façonné les ukiyo-e japonaises.
Horiyoshi III
À 70 ans, Horiyoshi III est l’un des maîtres-tatoueurs les plus respectés du Japon. Formé par Horiyoshi I, dont il a hérité le nom, sa réputation a depuis longtemps dépassé les frontières de l’archipel nippon : grâce à son talent, il a largement contribué à populariser le tatouage japonais dans les années 80, redorant sur la scène mondiale le blason d’un art encore parfois controversé sur ses propres terres.
Preuve de son ouverture d’esprit en matière de tatouage, il est l’un des premiers tatoueurs traditionnels japonais à avoir abandonné le tebori (la technique traditionnelle, qui se pratique à l’aide de deux bâtons de bois au bout desquels est implantée une multitude de fines aiguilles) pour le dermographe, et a pris comme élève un Européen : Horikitsune, qui perpétue aujourd’hui l’héritage de son maître à Londres, où il a installé son studio, et plus largement en Europe.