La sonde, lancée en 1977, a franchi la frontière de l’héliosphère le 5 novembre dernier, après 18 milliards de kilomètres parcourus.
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Carl Sagan peut sourire de là où il est, même s’il vous aurait probablement expliqué qu’il n’existe rien d’autre que de la poussière d’atomes après la mort biologique. Le 5 novembre dernier, la sonde Voyager 2 est devenue le second objet de fabrication humaine à entrer dans l’espace interstellaire… après sa jumelle Voyager 1, qui avait franchi l’étape en 2012.
La sonde a donc franchi, 41 ans après son lancement, l’héliopause, frontière de l’héliosphère, cette gigantesque bulle d’hélium et d’hydrogène formée par les vents solaires qui s’étend jusqu’à 100 UA (unités astronomiques, définie par la distance moyenne Terre-Soleil) autour de notre étoile et englobe donc la majorité de notre système solaire. Au-delà de l’influence de ces vents (qui voyagent entre 300 et 700 kilomètres par seconde), rien d’autre que le vide de l’espace interstellaire.
Des outils fonctionnels depuis 41 ans
Le plus surprenant, c’est que Voyager 2 va permettre à la Nasa d’étudier cette nouvelle région de l’espace. Contrairement à Voyager 1, la sonde possède un outil appelé Plasma Science Experiment (PSE), développé par le MIT, toujours en état de marche. Ce capteur permet de mesurer différentes données de l’espace environnant (densité, température, pression, vitesse des vents solaires) et envoie des données vers la Terre toutes les 160 secondes via le Deep Space Network, un réseau de relais terrestres utilisé pour communiquer avec les vaisseaux lancés dans les profondeurs de l’espace.
Le 5 novembre, explique la Nasa dans un communiqué, l’outil a détecté une soudaine chute de vitesse des vents avant de confirmer, dans les jours qui ont suivi, qu’ils ne faisaient plus partie du paysage. Les données mesurées par les autres instruments à bord – qui observent notamment la présence de rayons cosmiques et les champs magnétiques – ont corroboré les observations du PSE, permettant d’affirmer que Voyager 2 avait bien pénétré l’espace interstellaire.
Pour autant, rappelle la Nasa, aucune des deux sondes n’est encore techniquement sortie du Système solaire : sa limite se situe au nuage d’Oort. Il faudra encore 300 ans à Voyager 2 pour atteindre cette sphère formée de comètes, dont les dimensions dépassent l’imagination, et environ 30 000 ans pour en sortir…
Une bouteille au cosmos
Prenons un moment pour apprécier le travail de la Nasa et la vision de Carl Sagan, en se rappelant que les sondes étaient initialement conçues pour fonctionner cinq ans et aller se balader du côté de Jupiter et Saturne. Quatre décennies après avoir quitté la Terre, la mission est devenue un “Grand Tour” du Système solaire, qui a vu les deux vaisseaux passer par Uranus et Neptune et être mis à jour à distance pour leur permettre d’entrer un territoire spatial totalement inconnu.
Symboles de l’instinct d’exploration humaine, Voyager 1 et 2 embarquent également le Golden Record, un disque vinyle en or qui contient un condensé de la culture et du savoir humain de l’époque sous forme de données sonores. Un projet imaginé et défendu bec et ongles par l’astrophysicien Carl Sagan, qui tenait absolument à envoyer dans l’espace ces deux témoignages de la civilisation humaine, qu’il voyait comme une ode à notre instinct naturel d’exploration. Si tout va bien, ils nous survivront plusieurs milliards d’années, et rejoindront peut-être un jour une région du cosmos habitée.