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Jemaine Clement et Taika Waititi, respectivement cocréateur et scénariste sur la série Flight of the Conchords – on a aussi vu le premier dans Legion, et le second a réalisé Thor : Ragnarok – signent l’adaptation, pour FX, de leur film éponyme. What We Do in the Shadows a recasté ses vampires, mais l’esprit du long-métrage est toujours là. L’idée, c’est de suivre de façon un peu intrusive et sous la forme d’un faux documentaire, le quotidien de trois vampires vieux de plusieurs siècles : Nandor (Kayvan Novak), Nadja (Natasia Demetriou) et Laszlo (Matt Berry), ainsi que leur “familier” (leur serviteur humain), Guillermo (Harvey Guillén).
On croyait le genre du mockumentary mort et enterré… et dans un sens, il l’est, puisqu’il s’intéresse ici à des vampires tout à fait décédés. Blague à part, ce format avait pratiquement disparu de nos écrans. Très codifié, il repose sur une équipe de télé (qu’on ne voit jamais, ou très rarement, comme dans The Office où elle fait une apparition furtive) qui suit nos protagonistes dans leur quotidien, lesquels doivent régulièrement se prêter au jeu du “confessionnal” face caméra.
Et comme son préfixe “mock” le laisse deviner, il s’agit toujours d’une comédie. Le genre a été popularisé en 2001 par le The Office anglais, avant de traverser l’atlantique avec sa version US en 2003, mais aussi par Parks and Recreation par la suite. Aujourd’hui, celles qui s’y sont essayées sont parties depuis un moment, à l’exception de Modern Family, dinosaure du genre. Bref, What We Do in the Shadows débarque dans un paysage sériel qui est déjà plus ou moins passé à autre chose, mais qui raffole des reboots et autres remakes. Le film, depuis sa sortie en 2014, n’a certes pas fait de grosses recettes au box-office, mais jouit d’une belle réputation.
© FX
Un trio gothique à souhait, qui se la raconte avec une théâtralité exacerbée, comme si ces vampires n’existaient que pour perpétrer les stéréotypes qui leur collent à la peau. L’ironie du sort, c’est que c’est précisément en faisant cela, et en ayant une équipe de tournage qui les suit partout, que notre trio aux dents longues casse le mythe de cette créature de l’ombre, crainte depuis des siècles et objet, encore aujourd’hui, de nombreux fantasmes.
Voici donc le banal quotidien d’êtres immortels en quête de reconnaissance et qui se raccrochent désespérément au folklore qui a, à une époque révolue, fait d’eux des dieux. Ces monstres appartiennent au passé, mais ils n’ont pas vraiment reçu le mémo. On pourrait se dire que le temps les a rendus sages et patients… il n’en est rien.
Vaniteux, égocentriques et pas du tout intégrés à notre société contemporaine (l’action se déroule dans l’État de New York, à Staten Island, alors que le film posait son décor à Wellington, en Nouvelle-Zélande), Nandor, Nadja et Laszlo sont des assisté·e·s qui ne survivent que grâce à la dévotion sans limite de Guillermo.
Le “familier” désire, en secret, être transformé à son tour en vampire mais ça ne viendrait même pas à l’esprit de son maître Nandor de le récompenser pour ses 10 ans de service. Plus grande est l’admiration de cet humain pour les créatures immortelles, plus pathétiques en deviennent ces vampires qui ont perdu leur lustre d’antan. C’est dans ces interstices que se loge l’aspect le plus croustillant et le plus drôle de la série.
© FX
Alors oui, bien sûr, l’humour, c’est subjectif. Et avec seulement deux épisodes au compteur, il est encore tôt pour dire si What We Do in the Shadows égalera le film, surtout sur la longueur. Faire vivre un concept sur 1 h 30 et l’étirer sur six épisodes (au minimum !) de 28 minutes sont deux exercices très différents. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’elle est à la hauteur du challenge qui l’attend.
Pour peu qu’on soit sensible à ce style de comédie, jamais vulgaire, ni méchante, mais délicieusement mordante (pardon), la série de Jemaine Clement et Taika Waititi est un régal. Entre les gags concons, les moments de gêne absolue et les silences embarrassants qui la renforcent, ou l’invention assez géniale du vampire énergivore (qui ennuie ou fait enrager ses victimes jusqu’à les vider de leur vitalité), la série surfe aussi bien sur ses acquis qu’elle mise sur ses audaces.
L’écriture, notamment les dialogues et leur interprétation par ces comédiens qui mériteraient d’être plus connus, c’est un vrai travail d’orfèvre. On y devine la malice de ses auteurs entre chaque ligne et c’est assez jouissif. Les fulgurances de What We Do in the Shadows, pas prétentieuse pour deux sous, sont autant d’amuse-bouches pour le palais des fins gourmets que sont les critiques de séries en pleine Peak TV.
La saison 1 de What We Do in the Shadows, lancée le 27 mars dernier, est actuellement diffusée sur la chaîne FX aux États-Unis et diffusée en France en US+24 sur MyCanal.