Aux premières mentions de WandaVision par Disney et Kevin Feige, certains fans ont esquissé un sourire moqueur. Le titre choisi par le géant américain pour sa première série produite avec Marvel Studios paraissait un poil cheesy. Neuf épisodes plus tard, personne n’osera railler le show porté par Elizabeth Olsen et Paul Bettany, tant il a séduit les abonnés de Disney+ à travers le monde. Et pour cause, les équipes de Feige ont proposé une œuvre originale, parfois même en décalage avec le Marvel Cinematic Universe et sa recette traditionnelle qui lui permettait d’enchaîner les succès au box-office quand les salles obscures étaient encore ouvertes.
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Il faut dire que WandaVision a su prendre les fans par surprise avec ses références appuyées (et assumées) aux sitcoms américaines cultes. De bout en bout, la série est parvenue à nous tenir en haleine et jouer à fond la carte de son concept, quitte à perdre quelques spectateurs au cours des premiers épisodes. À la manière du film Black Widow qui, s’il sort un jour, ne fera pas véritablement progresser la phase IV du MCU, WandaVision est une parenthèse intimiste sur le couple emblématique des Avengers. L’occasion d’approfondir leur relation touchante et la psyché de Wanda, qui a enfin pris pleinement conscience de son potentiel et de son alter ego justicier, celui de la Sorcière rouge.
Au-delà d’étendre l’univers si riche et imposant de Kevin Feige, WandaVision est parvenue à réunir grand spectacle et expérimentations avec sa fausse sitcom. Elle a réussi à nous toucher grâce à la partition impeccable de ses interprètes (un Emmy pour Elizabeth Olsen à la prochaine cérémonie ?) mais aussi grâce à sa thématique principale, récurrente sur le petit écran et sublimée par des œuvres comme The Haunting of Hill House, The Leftovers et Rectify, celle du deuil et des différentes étapes pour l’appréhender et, finalement, le surmonter.
Wanda, ma sorcière bien-aimée
© Disney+
Dans une narration type du voyage du super-héros, les enjeux dramatiques des personnages portent principalement sur leur capacité à vaincre ou échouer face à un antagoniste. Régulièrement, leurs responsabilités vont au-delà de protéger leurs proches et leur famille. Il est question de sauver l’humanité. Les Avengers nous l’ont prouvé à plusieurs reprises face à des menaces planétaires, comme Loki ou Thanos. Ainsi, l’émotion ressentie par le spectateur est décuplée dans les scènes d’affrontement dantesques (qui n’a pas sauté de son siège en voyant Captain America soulever Mjöllnir dans Avengers: Endgame ?) ou encore dans les moments de défaite, comme en témoigne la mort de Tony Stark ou les disparitions dues au claquement de doigts du Titan Fou.
Évidemment, on retrouve ces thématiques inhérentes à la recette Marvel dans WandaVision, mais le cœur du récit est plus intimiste. Le plus grand adversaire de la Sorcière rouge n’est pas Agatha Harkness mais bien le deuil. Car au début de la série, Wanda a déjà perdu la bataille : Vision est mort et le sacrifice ultime d’Iron Man n’y a rien changé. Malgré ses pouvoirs incommensurables, elle ne peut pas inverser le cours des choses et trouve donc refuge dans le Hex, cette illusion d’une Westview utopique, où son grand amour est vivant et où sa famille prend vie.
Au-delà de contrer les sorcelleries maléfiques d’Agatha, Wanda va devoir traverser les étapes du deuil et trouver une force intérieure que la Pierre de l’Esprit ne peut lui conférer. C’est là sa plus grande réussite : si le personnage incarné avec conviction par Elizabeth Olsen embrasse définitivement son identité de Sorcière rouge, elle parvient surtout à survivre sans la présence de Vision. Dans la série, ces différentes étapes allégoriques du deuil sont en réalité représentées par les sitcoms qu’elle affectionne tant.
Une série émouvante sur le deuil
© Disney+
Le noir et blanc des années 1960 est là pour témoigner du déni de Wanda. Son illusion est presque parfaite et le monde qu’elle s’invente lui permet de dissimuler la réalité externe au Hex, où Vision est mort. Ainsi, elle refuse de ressentir du chagrin et de la tristesse et le remplace par une vie américaine traditionnelle, complètement rêvée, aux côtés de son bien-aimé. Puis un élément perturbateur débarque avec la couleur et les seventies : Monica. Son arrivée dans la bulle réveille une profonde colère chez Wanda, la deuxième phase du deuil, enragée de découvrir que la réalité est en train de la rattraper jusque dans son havre de paix. C’est d’ailleurs à ce moment-là que des visions morbides de son époux lui apparaissent, ses pouvoirs faiblissant sous le coup de l’émotion.
L’ambiance pop des années 1980 est bouleversée par l’apparition des symptômes dits de marchandage : le processus de négociation qui va permettre à Wanda de retarder l’inévitable, même si son chagrin est bien réel. Cette étape se traduit littéralement par la percée des membres du S.W.O.R.D. (qui marchandent littéralement avec elle le corps de Vision) au sein du Hex, puis de Vision, qui se désagrège en tentant de comprendre son identité. Face à la découverte de son amour, Wanda prend conscience du mal occasionné aux habitants de Westview mais continue d’accepter ce marché pernicieux pour se soulager de sa peine. La voilà désormais aux portes de la dépression.
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À l’approche des années 1990, faisant référence à Malcolm, Wanda se livre à nous et à la caméra. On découvre alors une mère épuisée, désabusée, voire quasi irresponsable avec ses enfants, un comportement qui symbolise sa dépression. Wanda répète inlassablement “I’m fine” alors que son monde illusoire s’écroule autour d’elle. Plutôt que de faire confiance à Monica, Wanda plonge dans le sillage de ses démons intérieurs et se laisse consumer par la supercherie d’Agatha, qui lui permet encore d’échapper un peu plus longtemps à la dure réalité. Quand elle découvre le pot aux roses, notre héroïne n’a plus le choix et doit désormais surmonter l’ultime épreuve du deuil : l’acceptation.
La partie la plus émouvante de la série est sans aucun doute disséminée dans ces dialogues et ces scènes de tendresse entre Wanda et Vision, qui doivent faire leurs adieux respectifs. Le processus s’achève d’ailleurs de façon magistrale avec sa transformation en Scarlet Witch, grâce à laquelle elle reprend le dessus sur son chagrin et sa douleur. Par ailleurs, en terrassant Agatha, elle détruit la dernière partie qui la retenait dans sa bulle protectrice, puisque la sorcière démoniaque incarnait les démons intérieurs de Wanda.
Certes, la série a pu décevoir le noyau dur des fans, puisque les théories sur Mephisto voire l’arrivée des mutants étaient fumeuses et sa répercussion sur le MCU reste maigre pour le moment. En revanche, en terme purement sériel, le contrat est pleinement rempli. D’abord, parce que Marvel Studios ne se contente pas de proposer un film découpé en six heures, mais parvient à le rendre feuilletonnant de la plus belle des manières : en rendant hommage aux œuvres mythiques du petit écran américain. Ensuite, parce qu’elle prend le temps d’humaniser les outsiders des Avengers, trop souvent mis en retrait au profit des leaders charismatiques. Enfin, parce qu’elle réussit à nous faire vibrer à travers un sujet dur et profond, en tenant sa promesse de bout en bout et en tentant des paris audacieux sur la patience de son immense fanbase. Il n’y a plus qu’à espérer le retour de WandaVision sur nos écrans en attendant de voir la Sorcière rouge dans Doctor Strange 2.
La première saison de WandaVision est disponible en intégralité sur Disney+.