“Yes, I’m a slut for true crime”, avouait récemment Andrew Garfield sur le plateau de Seth Meyer. Que l’acteur se rassure, il n’est qu’une victime collatérale des récits d’affaires criminelles, qui savent toujours mieux attirer les curiosités dans le piège de la toile (ne pas manquer cette référence subtile à Spider-Man). Confessez à votre tour une fascination légèrement macabre pour les actes cruels de nos pairs : vous êtes au bon endroit.
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Under The Banner of Heaven (Sur ordre de Dieu en français) est l’adaptation de l’œuvre éponyme de Jon Krakauer, publiée en 2003 et inspirée de la sinistre affaire américaine “Utah v. Lafferty”. Portée à l’écran par le scénariste Dustin Lance Black (When We Rise), la mini-série FX retrace les meurtres perpétrés au sein de la communauté mormone en 1984, à travers l’enquête du détective Pery (Andrew Garfield), confronté à sa propre foi lorsqu’une lecture extrémiste vient justifier l’indicible. Alliance parfaite de fiction et de réalité, la réalisation soignée de David Mackenzie marche dans les pas (ambitieux) de True Detective et nous rappelle pourquoi on a tant aimé l’anthologie criminelle en 2014.
Un duo d’antagonistes
Exit la Louisiane et les années 90 dépeintes par la série HBO. Toujours dans les profondeurs des États-Unis, Under The Banner of Heaven se niche dans les plaines étendues de l’Utah rurale, au cœur des années 80. Très loin des vices de l’illustre Rust (Matthew McConaughey), le détective Jeb Pyre (Andrew Garfield) y mène une vie religieusement saine. Mormon assidu, il suit à la lettre les préceptes de sa communauté, provoquant régulièrement les piques de son coéquipier Bill Taba (Gil Birmingham). En bon antagoniste – athée, impatient et secret – ce denier scelle une dynamique presque intrinsèque au true crime, souvent convoquée par Fincher au cinéma : un duo que tout oppose, penché à contrecœur sur le berceau d’une même enquête.
Des dérives idéologiques
À l’image des meurtres sataniques et pédophiles de True Detective, les premières secondes haletantes d’Under The Banner of Heaven requièrent un cœur bien accroché. Sur la scène de crime ensanglantée, où Pyre peine à retenir ses larmes, gisent les corps inertes d’une enfant de 15 mois et de sa mère, Brenda (Daisy Edgar-Jones). Mais alors qu’ils suivent la piste “procédurale” du féminicide, les enquêteurs sont rapidement désarçonnés par l’attitude du mari (Billy Howle), très affecté par la perte de sa famille.
Là où d’autres séries condamnent la victime à ce dernier statut, Under The Banner of Heaven dessine le portrait de la jeune mormone, dernière recrue de l’influent clan Lafferty après son mariage avec Allen. Au cours de sa vie, racontée en témoignages, Brenda se rêve journaliste et lutte pour imposer les femmes dans des rôles à responsabilité. Une tendance progressiste admirée de son mari, mais redoutée par ses beaux-frères conservateurs, qui voient en sa soif d’indépendance une menace à leurs ambitions (notamment polygames).
Le temps de sept épisodes, Under The Banner of Heaven capture ainsi la dérive idéologique de Ron et Dan Lafferty (Sam Worthington et Wyatt Russell) de “l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours” à une version fondamentaliste du mormonisme. Persuadée que les taxes sont une nouvelle expropriation de leurs richesses après les persécutions de leurs ancêtres, la fratrie développe une aversion grandissante pour l’État. Et, plus généralement, envers ceux qui ne partagent pas leurs convictions. Dans une atmosphère inquiétante, la caméra de David Mackenzie s’enfonce dans une spirale sectaire, à mesure que les autoproclamés prophètes glissent vers des interprétations dangereuses. Et commencent à envisager des crimes “au nom de Dieu”.
Une crise de foi
Si Under The Banner of Heaven, manque des moments de grâce d’écriture qui ont fait le succès de True Detective, elle réussit malgré tout à en capturer son essence. Celle de l’affaire qui s’immisce dans la vie intime du héros et ravage tout sur son passage. Dans le rôle du flic tourmenté par l’instrumentalisation de sa confession, Andrew Garfield livre une performance saisissante. Clash des valeurs individuelles et enseignements institutionnels, Under The Banner of Heaven s’impose finalement comme une fresque terriblement actuelle, de laquelle il est difficile de détourner le regard malgré l’horreur qui se déroule à l’écran. Le propre du true crime, en somme.
Sur ordre de Dieu est diffusée depuis le 28 avril 2022 sur FX sur Hulu, et le sera prochainement sur Disney+ en France.