Voir le dernier thriller saphique réalisé par la Britannique Rose Glass et avec Kristen Stewart et Katy O’Brian en têtes d’affiche n’était pas gagné d’avance. Du moins, pas en Hexagone. D’abord, mi-avril, sa projection au Festival international du film fantastique de Bruxelles fait couler de l’encre, ou plutôt ouvrir des bouches. La projection se voit gâchée par des commentaires graveleux d’homophobes très à l’aise. À ce moment-là, le film n’a même pas encore de distributeur français, avant que Metropolitan n’arrive. Et on ne peut que le remercier car, on ne fera pas durer le suspense davantage (et dans tous les cas vous avez forcément vu le titre, non ?) : le film est une belle réussite.
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Plus qu’un film lesbien – ce qui n’a pas tant de sens, car on ne parle jamais de film hétéro, mais qu’importe –, il s’agit bien là d’un thriller néo-noir aux influences multiples. Pour rappel, on y suit la romance de Lou (Kristen Stewart, qu’on ne présente plus depuis Twilight, donc), fille de mafieux ouvertement lesbienne qui tient une salle de sport plutôt glauque, et Jackie (Katy O’Brian, déjà vue dans The Mandalorian et jolie révélation). Tout en muscles, celle-ci n’a qu’un rêve : remporter une compète de bodybuilding à Las Vegas et devenir coach par la suite. Entre les deux, c’est rapidement le love to love. Lou aimerait la suivre, mais elle se doit de rester dans son patelin pour protéger sa sœur Beth des poings violents de son époux J.J. De fil en aiguille, les frictions s’intensifient et Jackie va trop loin, forçant son couple à prendre la fuite.
Biceps et rires nerveux
Évidemment, on est dans un premier temps forcés de penser à des best-sellers comme Thelma et Louise ou Monster, pour l’aspect femmes en cavale et la queerness qui en découle. Mais Love Lies Bleeding est beaucoup plus que ça, bouillant de références ici et là au cinéma de réalisateurs comme Gregg Araki ou David Cronenberg, pour ne citer qu’eux. Certes, le film met en lumière un couple de femmes, mais hormis une insulte lesbophobe (ce qui est toujours trop, certes) en début de film, la nature de leur relation n’est ni un problème ni un secret pour personne. Au mieux, ou au pire, c’est un prétexte scénaristique, permettant à un personnage de se cacher derrière son homosexualité pour “acheter” le silence d’un autre. Lou vit sa vie, est courtisée, jugée par moments, mais, au global, acceptée par tous et toutes, y compris sa sœur ou son père, aussi dérangé puisse-t-il être. Le film est plus un rapport au corps, passionnant et jusqu’à l’écœurement. Par la faute de Lou, Jackie commence à prendre de petites injections pas très naturelles pour gagner en musculature et fait une fixette sur ses muscles, qu’elle voit à la fois comme une arme et un outil de travail.
Katy O’Brian tout en muscles (Metropolitan FilmExport)
Son évolution, au gré des scènes, n’est pas soudaine mais progressive et frôle souvent le kitch surnaturel pour exploser dans une métaphore qui rend le film beaucoup moins noir mais surtout beaucoup plus loufoque. Elle est, à l’instar d’un personnage d’anime, sensible et victime de ses émotions, ses biceps gagnant en veines quand une injustice se produit sous ses yeux. Les effets visuels dans ces moments “d’excitation” sont alors très réussis. Aucun doute à avoir s’il y en avait, Katy O’Brian est définitivement de ces actrices qu’il faut surveiller de très près. Pas plus mal : j’ai beau défendre le film comme un beau diable, je ne peux sauver la prestation de Kristen Stewart, assez inégale. Au moment d’une révélation visuellement des plus trash et macabres, la comédienne peine à simuler avec grâce la stupeur ou l’effroi. La salle est hilare (ce n’est pas la première fois, le film maîtrise un ton tragicomique avec maestria), mais à ce moment précis, était-ce voulu ? Au fond, qu’importe. Malgré cette prestation en demi-teinte, il est impossible de bouder son plaisir devant ce petit bijou d’esthétique rétro et malsain, fort et haletant, parfois drôle mais souvent impactant.