Le filon de la romance sexy, ça paie, et Netflix s’en est rendu compte à travers les succès d’audience de Bridgerton, Sombre Désir, du film (problématique) 365 jours. Pas étonnant donc de voir la plateforme creuser ce sillon avec une nouvelle venue. Adaptée du best-seller “4 hommes en 44 chapitres” signé BB Easton (à la base un succès surprise d’abord autoédité en 2016), Sex/Life se penche sur la vie de Billie Connelly (interprétée par Sarah Shahi), une femme au foyer qui élève ses deux enfants dans la banlieue de New York, avec un mari, Cooper Connelly (Mike Vogel), qu’elle décrit comme parfait. Un adjectif qui ne s’applique pas, en revanche, à leur vie sexuelle en berne. L’épouse a priori bien sous tout rapport se met à écrire un journal intime sulfureux, dans lequel elle se remémore sa folle jeunesse à New York avec son amie Sasha (Margaret Odette) et en particulier l’une de ses plus torrides histoires avec un bad boy, Brad Simon (Adam Demos), alors qu’elle étudiait la psychologie à Columbia. L’affaire se corse quand Cooper tombe dessus. Billie se rend compte qu’il tente alors d’appliquer ce qu’il lit avec sa femme, pour rallumer la flamme du désir.
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Voilà pour le pitch un peu tordu de cette romance érotique, qui aurait pu s’arrêter à “tu n’as pas à lire mon journal intime, respecte mon intimité”, mais passons. L’intérêt de Sex/Life ne réside clairement pas dans sa cohérence narrative et à peine dans son intrigue qui tient dans un mouchoir de poche (Billie va-t-elle tromper son mari avec Brad ?). La série créée par Stacy Rukeyser et Belle Nuru assume un ton soapesque et un scénario mi-cul, mi-culcul, qui la place du côté des téléfilms du dimanche soir en deuxième partie de soirée sur M6. Ses deux atouts résident dans ses nombreuses scènes de sexe et un propos pas inintéressant sur le désir sexuel des mères. Si certaines séquences s’avèrent ridiculement clichées (notamment les flash-back entre Brad et Billie, à base de “tu es incroyable”, de gémissements forcés, et d’alignement coïtal parfait pendant un bon vieux missionnaire), d’autres, plus osées, méritent notre attention.
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L’épisode 3, particulièrement hot, se termine sur un climax étonnant : Brad s’apprête à coucher avec Sasha, et laisse son téléphone en Facetime pour que Billie le voie en pleine action. Initialement, on peut se dire qu’il essaie de la rendre jalouse : mais la scène prend une autre tournure. Excitée, Billie commence à se toucher en les regardant. Cooper aussi étonne : le mari version real life de Ken, lit les écrits de sa femme, qui raconte avec moult détails ses ébats sexuels passés (huit ans auparavant) avec le fameux Brad. Excité, il commence à se masturber.
Femme au foyer désespérée (et excitée)
Si Sex/Life se penche sur les dramas d’une bande d’hétéros, la façon dont ils et elles expriment leur désir tend à briser les codes de la monogamie (nous avons vu 4 épisodes), un peu moins de l’hétérosexualité. On apprécie la variété des scènes de sexe qui présentent les quatre protagonistes dans différentes pratiques sexuelles : masturbation, fellation, cunnilingus, pénétration vaginale (pas d’anal pour le moment, qui reste apparemment tabou), les rôles “passif”, “actifs” varient également… La série choisit en revanche de rester à bonne distance des organes génitaux – excepté une scène full frontal pour Brad, avec gros plan sur son pénis, qui ne sert qu’à complexer Cooper, ce dernier découvrant que l’ex de sa femme en a une très grosse. C’est là que le bât blesse.
La série prend acte de la société dans laquelle on vit (par exemple, Billie aime le sexe et le revendique, le personnage n’est pas “slut shamé”, et davantage présenté comme l’équivalent d’un Don Juan qui se serait casé), elle ne va pas au bout de son message gentiment féministe. Elle reste, comme nombre d’œuvres de ce genre sentimentalo-érotique, un poster pour l’hétérosexualité et tombe dans un “sexisme doux”, reprenant des stéréotypes datés comme “le bad boy sexy” vs. “le mari trop gentil” ou n’interrogeant pas les comportements toxiques des personnages masculins (et il y en a un paquet, sans mauvais jeu de mots). Tout ce (très) beau monde baise joliment sous des néons violets et bleus. Les parties de leurs corps minces et parfaits le plus souvent filmées sont les seins (qui pointent constamment du côté de notre héroïne dans tous ses états) pour ces dames et les culs bien fermes pour ces messieurs. En adoptant le point de vue de leur héroïne, incarnée par une Sarah Shahi plutôt convaincante (même si elle force sur son expression faciale favorite : “j’ai larmes aux yeux et l’air hagard”), les scénaristes auraient pu aller plus loin dans le female gaze lors des scènes de sexe, qui reste pour la plupart très clichées. En vérité, on a été plus titillés par les scènes intenses de Normal People que celle de Sex/Life, stylisées façon influenceuse sur Instagram.
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La série a en revanche le mérite de raconter le parcours d’une femme au foyer, avec à la clé des scènes encore très rares sur nos écrans : Billie allaite son enfant plusieurs fois, notamment dans l’espace public, elle pompe son lait manuellement (après une montée de lait inattendue) ou avec une machine. Dans son journal, la maman en proie au doute se confie sur les joies de la maternité, mais aussi sur ses désillusions, sa nostalgie d’une époque où célibataire, elle s’éclatait avec sa pote Sasha. Non, être mère n’est pas un épanouissement de tous les instants. Oui, la charge mentale est immense et vous isole du reste du monde, surtout les premiers mois suivant une naissance. La façon dont, par exemple, l’institutrice du fils de Billie lui demande de rester toute la journée car elle n’a “pas de travail” de toute façon, illustre magistralement comment les femmes au foyer sont traitées par la société. Spoiler : mal.
Avec son petit côté Desperate Housewives hot, Sex/Life a donc des choses très intéressantes à nous raconter : dommage qu’elle se consacre surtout à explorer la relation terriblement stéréotypée de Brad, le bad boy qui cache un trauma d’enfance et sera gentil un jour, avec Billie, qui tourne en boucle sur ce bel étalon, producteur de musique qui l’a “dans la peau”.“L’intensité de nos conversations était enivrante”, écrit notre héroïne en transe, tandis que les flash-back nous montrent plutôt l’intensité de leur relation sexuelle et le doigté apparemment irrésistible du monsieur. La série n’assume pas complètement de réduire cette relation à ce qu’elle est, des souvenirs d’une alchimie sexuelle intense. En voulant absolument contrebalancer son sujet principal – le désir sexuel d’une mère au foyer – par un sentimentalisme grossier, la série perd finalement en puissance. Reste alors un plaisir coupable inégal – parfois malin, mais souvent grotesque – le genre de fiction à regarder pour aborder un été hot, hot, hot. Les abonné·e·s Netflix l’ont bien compris : Sex/Life squatte le haut du top 10 de la plateforme depuis sa sortie, le 25 juin dernier.