Les adieux joyeux de Brooklyn Nine-Nine et le vide qu’elle laisse en partant

Les adieux joyeux de Brooklyn Nine-Nine et le vide qu’elle laisse en partant

Image :

© NBC

photo de profil

Par Delphine Rivet

Publié le

Une ultime chasse au trésor, des guests qui passent une dernière tête au commissariat, et un Nine Nine en grande forme.

C’est une chose de plus en plus rare que de voir une série atteindre sa huitième saison. Et ce qui l’est encore davantage, c’est qu’une sitcom parvienne à maintenir un tel niveau de comédie, et à conserver l’affection que lui vouent le public et la critique aussi longtemps, sans jamais faillir.

À voir aussi sur Konbini

Brooklyn Nine-Nine, créée par Dan Goor et Michael Schur, et lancée en 2013 sur FOX, avant d’être annulée puis repêchée par NBC en 2019, a reçu beaucoup d’amour de la part de ses fans, mais elle leur en a aussi beaucoup donné en retour. Car, avant tout autre chose, elle est une série sur le lien et la famille (de cœur). Derrière la gaudriole, qui était sans aucun doute possible son point fort, elle lâchait aussi des “love bombs”, dont cette dernière saison, et surtout le final, en sont la parfaite illustration. Elle a même pris le risque, avant de tirer sa révérence, de s’aventurer sur le terrain politique. 

La saison de la maturité ? Nope !

Juste après la mort de George Floyd, tué par deux policiers lors d’une arrestation, la question s’est posée, aux États-Unis, de savoir si les séries en particulier n’étaient pas trop complaisantes avec l’institution. Un débat douloureux et difficile qui méritait de prendre un peu de recul. Brooklyn Nine-Nine, dont les héros et héroïnes sont, en dépit de leurs nombreux défauts, des “good guys”, a estimé qu’une petite remise en question était de rigueur. Pouvait-elle continuer de nous faire rire avec ses flics comme si rien ne s’était passé ?

Aucune série n’est déconnectée de son époque. Qu’on le veuille ou non, elle s’en imprègne. Elle choisit de nous montrer certaines choses et pas d’autres, de nous faire rire sur telle situation plutôt qu’une autre. Ces biais, inconscients ou pas, Brooklyn Nine-Nine, continuellement saluée pour la diversité de son cast, a donc décidé de les confronter au contexte sociopolitique qui traversait son pays.

Alors que les scénaristes avaient déjà écrit les quatre premiers épisodes de cette ultime saison, ils et elles ont décidé de tout refaire et d’inclure, tout en conservant la bonne humeur habituelle, une réflexion sur les brutalités policières. Certain·e·s fans ont cru que la série y perdrait son âme, mais c’est tout l’inverse qui s’est produit.

Alors, la saison 8, celle de la maturité ? Bien sûr que non ! Que serait Brooklyn Nine-Nine sans ses enfantillages, ses jeux débiles et ses références de geek ? Sans se trahir, elle s’autorise cette incursion dans la réalité. Le premier épisode donne le ton. Le capitaine Holt dit à Amy Santiago : “Ce fut une année particulièrement dure en tant qu’homme noir. En tant que capitaine de police. Et en tant qu’être humain.” 

Dans l’épisode 6, la série ne met plus de gants et prend le risque d’égratigner un peu l’adorable bouille de Jake Peralta. Ce dernier a été suspendu pour avoir arrêté à tort un homme, qui a ensuite perdu son job à cause de ça. Il se tourne vers Holt, son supérieur, et lui dit, plein de remords : “J’ai appris une précieuse leçon, je considère ça comme une victoire.”

Là, les noms du générique commencent à défiler et on se dit que l’on va finir l’épisode sur cette morale qui vient du cœur, mais qui ne remet absolument pas en question le statu quo. Sauf que le capitaine lui répond aussi sec : “Je comprends, Peralta, mais les choses iront beaucoup mieux le jour où un homme n’aura pas à perdre son emploi pour que tu comprennes ta leçon.” 

Voilà un beau numéro d’équilibriste qui paye : Jake est toujours notre chouchou, mais quand il se trompe (et ça lui est souvent arrivé en huit saisons), les conséquences sont parfois réelles et ne prêtent pas toujours à rire. C’est ce qu’on appelle, en anglais, un “reality check”. On peut déplorer que cette prise de conscience arrive un peu tard, mais la sincérité de ces quelques moments, écrits avec suffisamment d’intelligence, de finesse et d’humour pour ne pas charger la mule, l’emporte sur le reste. 

Goodbye, friends

© NBC

Maintenant que l’épineuse question de la représentation des flics a été soulevée, et plutôt bien abordée, que reste-t-il de Brooklyn Nine-Nine ? La réponse : une saison ni meilleure, ni pire que les précédentes, et surtout un double épisode final à la hauteur de toutes nos espérances. Du pur fan service avec pléthore de références aux précédents épisodes, des guests surprise et d’autres qu’on attendait de pied ferme, de l’humour méta, des scènes très lacrymales, beaucoup d’amour et une dernière chasse au trésor pour la route. C’est l’un des exercices de style dans lesquels la série s’est le plus illustrée au fil des saisons. Celle-ci sera le prétexte idéal pour offrir une résolution à ses personnages principaux. Une façon, pour les scénaristes, de nous rassurer sur leur futur loin de nos écrans : ça va aller.

Plus que jamais, Brooklyn Nine-Nine a montré qu’elle savait rire d’elle-même dans ce final, en donnant notamment une explication, sortie de nulle part mais délicieusement crédible, au générique : Jake explique que le plan où ils sont tou·te·s réuni·e·s devant le Brooklyn Bridge, c’est parce que c’est le spot où manger les meilleurs falafels. Magique.

Spéciale dédicace à Rosa Diaz, qui renverse à elle seule tous les clichés du series finale : dans le plus pur esprit de la chasse au trésor où tous les coups sont permis, elle fait d’abord croire à Amy Santiago qu’elle va retourner avec le très cringe Pimento, avant de lui confesser qu’en fait, elle va emménager avec sa petite amie. Mais, PSYKE !, c’était encore un bobard.

Car, tandis que tout le monde autour d’elle semble avoir trouvé le bonheur dans la vie maritale et parentale, elle déclare : “Vous pensez tous et toutes que pour qu’une personne soit heureuse, son histoire doit se terminer avec un mariage et des enfants.” Notre queen bi n’est pas prête pour ça et elle le clame haut et fort. Merci pour ça, Rosa. “The Last Day” ne nous a donc rien épargné. On en ressort lessivé·e·s d’avoir trop ri et trop pleuré.

Son écriture est autant une œuvre de finesse scénaristique, dont on ressent, à chaque ligne, le plaisir fou qu’ont dû prendre les scénaristes, que des montagnes russes émotionnelles. Tout y est, il ne manque rien ni personne, bref, nous voilà repu·e·s. On quitte le commissariat avec la certitude que ses joyeux drilles continueront de se marrer et de s’aimer sans nous et qu’ils vont atrocement nous manquer. Allez, une dernière fois : NINE NINE !

La saison 8 de Brooklyn Nine-Nine est disponible sur Canal+ Séries.