Trouble de la personnalité borderline : le témoignage d’Abigail, 25 ans

Trouble de la personnalité borderline : le témoignage d’Abigail, 25 ans

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© Abigail B.

"Je ne suis pas juste un peu mélancolique, j’ai vraiment quelque chose et ça existe, ça a un nom."

“J’avais absolument besoin d’aide” : Abigail a 25 ans et ces deux dernières années n’ont pas été de tout repos pour la jeune femme. Hospitalisée à deux reprises, elle a finalement été diagnostiquée comme ayant un “trouble de la personnalité borderline”, et ce, après avoir très mal vécu son hospitalisation en psychiatrie au cours de laquelle elle a perdu pas moins de six kilos.

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Alors que tout son entourage n’est pas encore au courant de ce qu’elle a traversé, elle nous a contactés pour raconter son histoire. Son objectif ? Montrer à ceux qui se reconnaîtraient dans son parcours “qu’on peut s’en sortir”.

“Je pense que j’ai toujours été comme ça”, se remémore-t-elle : “La sensation de vide permanent, je l’ai depuis très jeune.” Ce qui semble caractériser Abigail, c’est l’extrême démesure qui la façonne et qui l’excès intrinsèque qui la distingue : “Soit trop, soit rien, soit pas assez, soit trop peu. Je suis perpétuellement tiraillée entre ces deux extrêmes”, nous explique-t-elle, listant les conséquences que cela a pu avoir socialement, que ce soit dans le milieu professionnel, lors de ses études ou dans ses relations amicales ou amoureuses.

“Soit je veux me sentir vivante à fond, soit je ne veux pas être du tout”

Hyperémotive, hypersensible et très impulsive, Abigail évoque également “un vide intérieur constant, l’impression de toujours être à côté de la plaque, de ne jamais être dans la norme, de toujours être différente, d’être le vilain petit canard, ainsi qu’un gros souci à identifier les limites”. “Soit je veux me sentir vivante à fond en vivant des expériences extraordinaires, soit je ne veux pas être du tout”, résume-t-elle.

“Quelle est la limite entre moi et l’autre ? À partir de quand suis-je dans le rouge ?” : Abigail a longtemps peiné à répondre à ces interrogations. Mais depuis peu, elle y travaille. Car en novembre 2020, acculée par des épisodes dépressifs successifs et dévorée par un sentiment de “très grand désespoir”, la jeune femme est hospitalisée en psychiatrie.

“J’avais absolument besoin d’aide”, se souvient-elle, avant de regretter : Je suis ressortie de là avec plus de traumas qu’autre chose”, nuançant toutefois : “Mais j’en suis surtout ressortie avec un diagnostic : j’ai un trouble de la personnalité borderline.”

Le trouble de la personnalité borderline figure parmi la CIM-11, la classification des maladies effectuée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). D’après la documentation fournie par le pôle psychiatrie du centre hospitalier universitaire de Toulouse, ce trouble est une “maladie clairement définie” aux causes méconnues qui engendre “un risque de suicide”. Elle toucherait 1 à 2 % de la population et est majoritairement diagnostiquée chez des femmes.

“J’étais constamment shootée aux médicaments”

Avant de parvenir à ce diagnostic et d’obtenir un traitement adéquat, Abigail essuie quelques déconvenues. Pleine d’espoir en se rendant aux urgences psychiatriques d’un hôpital public du Val-de-Marne, “je me disais qu’on allait prendre soin de moi”, elle fait alors face au manque de moyens de la psychiatrie en France. “Je suis arrivée très vulnérable, avec le besoin d’être couvée, j’étais toute innocente… Mais j’ai vite été confrontée à la dureté du système.”

Elle raconte son expérience dans une “structure véritablement en souffrance, aux locaux hostiles et au personnel débordé” :

“J’étais constamment shootée aux médicaments je n’arrivais pas à aligner deux mots. Au lieu de m’aider, cette hospitalisation m’a créé des troubles que je n’avais pas avant, j’ai cessé de m’alimenter et ai perdu du poids. On ne m’a expliqué aucune des décisions qui étaient prises à mon sujet.

Un exemple illustre cruellement le manque de moyens : lorsque j’ai eu mes règles et que j’ai demandé des protections périodiques, ils n’en avaient même pas, ils ont fini par me donner une couche d’ordinaire réservée aux personnes âgées incontinentes. Ça peut paraître rien, mais je me suis dit : ‘Je ne suis plus rien, je n’existe plus.'”

Ce n’est qu’à sa sortie de cet hôpital et après son hospitalisation dans un hôpital de jour qu’Abigail entrevoit un espoir. Son diagnostic y est confirmé et elle entame alors une thérapie de groupe. “À aucun moment, je ne m’étais dit que j’avais peut-être un trouble psychiatrique, j’avais très honte d’aller mal et en fait, j’ai eu un déclic en étant diagnostiquée : je ne suis pas juste un peu mélancolique, j’ai vraiment quelque chose et ça existe, ça a un nom”, souffle-t-elle.

“On peut faire des pas de géant, c’est possible”

“Je n’étais plus toute seule face à des blouses blanches, on est alors un groupe, on a tous le même problème et on fait face à une ou deux blouses blanches”, explique-t-elle, louant les mérites d’une équipe de soignants “formidable”, qui cette fois “prend le temps” de lui expliquer sa pathologie, de répondre à toutes ses questions. Et la jeune femme de souligner l’importance du dialogue, de la pédagogie et de l’honnêteté lors de parcours de soins en psychiatrie : “on a besoin d’être rassurés et ça, ça passe notamment par l’information”.

Si on ne guérit pas de ce trouble, on peut toutefois en soigner les symptômes. Aujourd’hui, Abigail est suivie par un psychiatre et prend un traitement médicamenteux. En mars prochain, elle devrait reprendre une thérapie durant quatre mois.

Si la jeune femme, qui a été contrainte de mettre en pause son activité professionnelle d’hôtesse d’accueil pour se concentrer sur sa santé mentale, souhaite aujourd’hui témoigner, c’est pour montrer que “des thérapies et des traitements existent”. “On peut s’en sortir”, assure-t-elle, avant d’ajouter : “On peut faire des pas de géant, c’est possible.”

Elle pense que son parcours peut aider d’autres personnes car “les gens sont très mal informés sur cette pathologie, mais sur toutes les pathologies psychiatriques en général, que ce soit nous, les malades, ou nos proches, qui ont pourtant terriblement besoin de comprendre comment on fonctionne”.

Et ce qui lui tient par-dessus tout à cœur, c’est de changer l’image des personnes qui se retrouvent en hôpital psychiatrique, qu’ils aient été touchés par la maladie ou par les aléas de la vie :

“C’est important d’en parler, pour pouvoir vraiment enlever la honte. J’ai eu très honte de tout ça et quand je parle du fait que j’ai été en hôpital psychiatrique, on me regarde avec de la peur. Ne pas juger, être dans l’accompagnement, la bienveillance, ne pas avoir peur de poser des questions, c’est ça, la clé.”

Si l’histoire d’Abigail vous a interpellés, vous pouvez la retrouver sur son compte Instagram : @voyageuse_au_naturel.