J’ai tellement honte mais, quand j’étais au collège, je voulais devenir anorexique. Depuis que je suis petite, je me trouve grosse, difforme, disproportionnée. Et j’ai toujours été admirative des personnes anorexiques. J’ai essayé plusieurs fois, mais j’y arrivais pas. J’aimais trop manger. Arrivée au lycée, je suis tombée malade et à cause de cette maladie, qui me bousille encore la vie, j’ai commencé à avoir peur de manger. Ça fait maintenant quatre ans que je vis avec un TCA, un trouble de la conduite alimentaire.
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Petit à petit, j’ai retiré des aliments de mon alimentation : les produits animaux, le sucre, le gras, les fruits. J’ai fini par presque tout retirer. J’en suis arrivée à un point où pendant plus d’un an je me suis nourrie seulement de riz, de carottes cuites et de galettes de riz. Puis, j’ai instauré une règle : manger une seule fois par jour, seulement à 19h et surtout SEULE !
“De toute façon, toi t’as pas faim”
Je savais que je devais continuer à m’alimenter, que sinon je deviendrais trop faible, que mon cerveau fonctionnerait à deux à l’heure. Je mangeais par nécessité et non par envie. Et si j’ai décidé de ne plus partager mes repas, c’est pour arrêter de me sentir observée et jugée, ne pas me prendre de remarques et surtout pour ne pas déranger. C’était relou pour eux de toujours devoir s’adapter, faire deux plats, dont un spécifiquement pour moi. Je me souviens d’une fois où j’ai dîné avec ma famille, et ma mère n’a pas arrêté : “Mais arrête Nolwenn, arrête de trier ton riz, c’est que du riz, tu vas pas y passer des heures.”
Une autre fois, je partageais un repas avec des potes et pour rigoler ils me lançaient plein de piques : “De toute façon toi t’as pas faim. Tu manges jamais.” Mais en fait, ce qui était le plus relou avec cette règle que je m’étais imposée, c’est que les gens le comprenaient pas et étaient maladroits. Il n’y a pas un jour où je me prenais pas un : “Bah tu manges pas ? Il est l’heure.” Alors, à chaque fois, c’était la même histoire. Je tentais de leur expliquer et je me prenais cette fameuse phrase : “Ah, bah pour une fille qui mange pas beaucoup t’es pas maigre, ‘fin ça se voit pas.” Et là, j’aurais voulu leur arracher les yeux.
Alors avec tout ça, j’ai perdu du poids. 1, 2, 3 kilos jusqu’à 45 kilos pour 1m63. J’étais contente, j’avais enfin trouvé un avantage à ma maladie. Mais ça a empiré et je me trouvais toujours grosse. Ce petit démon dans ma tête me poussait à faire des défis débiles comme ne pas manger pendant deux jours. J’étais tiraillée : j’avais envie de retrouver une vie normale mais guérir c’était retrouver l’appétit et reprendre du poids.
Ça m’a éloignée de tous mes potes
À cause de ces troubles, ma vie sociale a clairement été bouleversée : fini les restos entre amis, les soirées pizza et même les repas de famille. Je voyais bien que mes TCA avaient des répercussions sur mes relations familiales. Je leur faisais du mal et, ça, je m’en voulais terriblement. Mais c’était plus fort que moi, je ne me contrôlais pas. Mais ça m’a surtout rapprochée d’eux, surtout de mon grand frère.
Je m’étais éloignée de tous mes potes à force de toujours trouver des excuses pour pas sortir. Un soir, en me baladant sur les réseaux, j’ai appris qu’une grande soirée avait été organisée chez une amie et j’ai été blessée de pas avoir été mise au courant. J’en ai parlé avec une de mes amies. Elle m’a expliqué que plus personne ne me proposait car je disais toujours non… Ça m’a fait de la peine, puis j’ai été en colère. D’abord contre eux, puis contre moi-même.
C’était la première fois que je prenais réellement conscience que j’en avais marre de cette situation, que je voulais pouvoir refaire des soirées, aller en festival, au resto et tout simplement remanger en famille ! Je voulais guérir et c’était la première fois que je le disais.
Entre ce déclic et aujourd’hui, il s’est passé beaucoup de choses. J’ai pris la décision de me réalimenter au moins trois fois par jour et d’arrêter de calculer mes calories. Même si j’ai fait une rechute de quatre mois, après ça, je me suis poussée à tenter de nouvelles choses. J’ai réessayé de manger des sushis et ça s’est bien passé alors je continue à me l’autoriser, j’ai également réussi à remanger avec ma famille et mes amies de temps en temps, mais seulement à la maison. Je suis bien entourée et je pense que c’est grâce à ça que je continue de me battre au quotidien pour reprendre une vie normale. Même si j’en suis encore loin.
C’était il y a deux ans. Mes TCA sont toujours là et les gens sont toujours étonnés de ne pas me voir manger. Mais je leur réponds toujours en rigolant que je fais le ramadan ! Et je peux à nouveau manger avec ma famille. Dit comme ça, ça fait peu comme progrès, mais pour moi, c’est déjà un grand pas.
Nolwenn, 20 ans, étudiante, Paris
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.