Manifestation à Alger, le 5 mars 2019. © Ryad Kramdi / AFP
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Jeune étudiante algérienne de 22 ans, je rêve de réussir mes études supérieures en biotechnologie avec un très bon niveau afin de travailler dans un laboratoire de recherche ou une entreprise de biotechnologie. Je rêve de voyager, de profiter de ma jeunesse, de faire des formations, d’apprendre d’autres langues et de faire des activités sportives.
Mais tout cela me semble bien difficile à réaliser dans mon pays, l’Algérie, riche en ressources naturelles mais qui ne peut pas subvenir aux besoins de ses jeunes, de son peuple.
L’université. L’endroit où j’ai placé mes espoirs. Mais, en même temps, l’endroit qui me démotive et me désespère par le manque de matériel et de professeurs. C’est ce qui nous pousse, nous les étudiants, à faire des grèves. On crie, mais personne ne nous entend. Ou ils font semblant de ne pas nous entendre. On est sans soutien, d’aucun responsable, juste de quelques profs. Les autres, ils ont leur boulot, leur salaire, pourquoi perdraient-ils leur temps avec nous ?
“On veut du changement”
Et si on pensait à la fin des études ? Ce moment que chaque étudiant attend avec impatience. Chez nous, c’est le moment le plus stressant et le plus décourageant. Vous savez pourquoi ? Parce que les patrons recrutent leurs proches, les fils de leurs amis, etc. Moi, mon père est un salarié normal, il ne connaît pas de grands patrons ou de personnes haut placées. Alors, je n’aurai pas le droit de travailler ?! Quand je vois tout ce que fait ma famille pour que je sois bien éduquée… Pour que cela ne serve à rien ? Ici, un grand nombre de chômeurs ont bac +5 et regrettent d’avoir étudié à l’université.
Le 26 février 2019, il y avait, à Tizi-Ouzou, une marche des étudiants contre le cinquième mandat du président Bouteflika. Je n’ai pas pu être présente car j’avais un rendez-vous à Alger, pour déposer un dossier à Campus France, dans l’espoir de poursuivre mes études en France. De bon matin, j’étais dans la capitale.
Chaque coin a son histoire et son charme à Alger, mais ce jour-là, tout était différent : il y avait un malaise, les camions des CRS étaient partout. Ils voulaient empêcher le peuple de faire la marche. Je voyais des gens partout, ils attendaient, ils hésitaient. J’ai compris qu’ils avaient peur d’entamer la marche, peur de la violence, comme en 2001.
Pourquoi, quand le peuple a besoin d’aide, personne n’est là ? Mais quand on est contre ce système qui nous fatigue, ils nous envoient leurs forces ? Tant de gens meurent à cause de problèmes de santé, par manque d’hôpitaux, de moyens, des familles sont sans domicile, des jeunes sont au chômage. Tout cela, personne ne le voit. On veut du changement. Un vrai changement démocratique dans tous les domaines : politique, économique, social.
“Où est-ce qu’on va ? Qu’est-ce qui va se passer dans le futur ?”
Nous, les jeunes Algériens, on est conscients que notre beau pays a plusieurs atouts sur le plan géographique comme le désert, la mer Méditerranée et les montagnes de la Kabylie, mais malheureusement, rien n’est exploité. Les villes sont étouffées pas les constructions anarchiques : manque de jardins, manque de parcs de loisirs pour les enfants, manque de parkings, de bibliothèques et surtout d’espaces verts. Il y a juste des habitations et des magasins.
Normalement, c’est à l’État d’agir, de répondre aux besoins de son peuple, de ses jeunes. On se lève le matin avec de l’inquiétude. Angoissés, on se demande : où est-ce qu’on va ? Qu’est-ce qui va se passer dans le futur ? Est-ce que tout cela va changer un jour ?
Moi, tous ces problèmes m’ont poussée à faire des démarches dans l’espoir d’étudier en France, pour améliorer mon niveau, élargir ma culture et être indépendante. Je souhaiterais avoir un diplôme en France et revenir travailler ici, en Algérie, pour partager mon savoir avec les futurs étudiants en biologie.
J’aime mon pays, je suis fière d’être Algérienne, je voudrais faire partie de tous ses combattants et me sacrifier pour notre pays natal. J’aurais aimé rester, lutter, combattre ce système. Mais en revenant en arrière, en pensant à tous ces militants qui ont perdu la vie juste parce qu’ils ont essayé de défendre leurs droits… Je n’ai que 22 ans, alors je préfère lutter en m’éduquant, lutter intelligemment avec mon savoir.
On en a marre de ce vieux système qui ne nous apporte rien. Nous aussi on veut vivre, étudier, travailler. Espérons que tout cela finisse et que l’Algérie se relèvera grâce à son magnifique peuple.
Dihia, 22 ans, étudiante, Tizi-Ouzou
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.