Grâce aux progrès de la médecine, le quotidien des personnes séropositives a changé. Mais les discriminations, elles, persistent.
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(© BSIP/UIG via Getty Images)
Alors que la trentième édition de la Journée mondiale de lutte contre le sida se tiendra le 1er décembre, le manque d’informations sur la maladie reste criant. Aujourd’hui, les personnes vivant avec le VIH subissent toujours la sérophobie – les discriminations vécues par les personnes séropositives – au quotidien, malgré la révolution que représentent les nouveaux traitements.
Il faut le rappeler : en 2018, une personne séropositive peut avoir des relations sexuelles non protégées et procréer sans risque de transmission du virus. Une information qui semble tarder à se faire connaître du grand public. Pourtant, une prise de conscience collective pourrait tout changer dans la perception de la maladie et participer à son éradication.
“Beaucoup de gens ignorent encore qu’un séropositif sous traitement, et bien traité, n’est plus contaminant. […] Concrètement ça signifie que l’on peut faire l’amour sans préservatif“, témoignait ainsi il y a un an Fred Colby. Porteur du virus du sida, il fait partie de ceux dont la charge virale est rendue “indétectable“ grâce à son traitement. Militant au sein de l’association Aides depuis 2011, il est entré en guerre contre l’ignorance qui persiste.
La force du tabou
Oui, le sida fait peur et son histoire, encore trop récente, l’explique facilement. Quand la maladie a déferlé sur le monde à la fin des années 80, tuant des millions de personnes sur son passage, la transmission du virus a d’abord semblé impossible à empêcher. Face à l’épidémie, la méfiance s’est généralisée et les malades ont été violemment rejetés par la société. Une trentaine d’année plus tard, cette tragédie est encore fraîche dans tous les esprits.
L’hécatombe du début des années 90 a engendré un véritable traumatisme dont la sérophobie est l’une des expressions les plus palpables. Or, contrairement aux mentalités, la médecine a énormément progressé. Fred Colby a interpellé de nombreux médias il y a déjà plusieurs mois, avant de créer un blog et de lancer le hashtag : #SeropoEtClean, pour dénoncer la tendance très répandue dans la communauté gay qui consiste à demander si la personne en face est “clean”, notamment sur les applications de rencontre. Il explique : “‘Clean’ signifie ‘propre’ en anglais ce qui sous-entend que les séropos seraient des personnes ‘dirty’ donc ‘sales’ parce qu’ils/elles sont porteurs.euses du VIH.“
Des risques de contamination nuls
Une idée reçue que contredit le sigle méconnu “U = U” pour “Undetectable = Unstransmittable” (indétectable = intransmissible). Cette formule imaginée par Bruce Richman, membre de l’organisation américaine Prevention Access Campaign désigne le TasP, le “traitement comme prévention“.
Popularisé en 2008 par le professeur suisse Bernard Hirschel et la Commission fédérale pour les problèmes liés au sida, le principe du TasP repose sur un traitement antirétroviral qui, dans les bonnes conditions, rend les risques de contamination quasi nuls.
Dix ans après cette découverte, toutes les recherches menées sur le TasP confirment son efficacité, et certains pays comme le Royaume-Uni perçoivent déjà ses effets positifs, illustrés notamment par la baisse significative du nombre de personnes nouvellement diagnostiquées.
Les associations s’emparent elles aussi de ce sujet. Cette révolution était donc au centre des débats lors de la conférence mondiale sur le sida, qui s’est tenue l’été dernier à Amsterdam:
“Il faut que cette information perce les murs de cette conférence. Que le monde entier sache !” a ainsi déclaré Lucy Wanjiku Njenga, séropositive et fondatrice de Positive Young Women Voices au Kenya.
En France, l’association Aides tente de faire passer le message dans l’opinion publique depuis plusieurs années. Elle explique s’être “longtemps heurtée à la frilosité d’une partie du corps médical, des pouvoirs publics et des médias”.
Un effort conjugué de ces trois entités, semblable à celui mobilisé pour les campagnes de prévention de la grippe par exemple, est nécessaire pour mettre fin au manque d’informations, à la peur et à aux discriminations qui meurtrissent les personnes vivant avec le VIH. Plus important encore, Aides l’affirme : “En garantissant l’accès au traitement pour toutes les personnes touchées, l’épidémie s’éteindrait en quelques années.”