Mardi 19 mars, un jury américain a estimé que le désherbant Roundup de Monsanto a contribué au cancer du septuagénaire Edwin Hardeman. Ce verdict est un nouveau revers pour le géant de l’agrochimie qui avait déjà été lourdement condamné après un procès similaire l’été dernier.
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Les jurés ont estimé que le retraité avait su démontrer que le Roundup était “un facteur substantiel” de son cancer, clôturant ainsi la première phase de ce procès ouvert le 25 février.
À la demande du groupe allemand Bayer (qui a racheté Monsanto l’an dernier), les débats avaient été organisés en deux phases : l’une “scientifique” consacrée à la responsabilité du Roundup dans la maladie, et une deuxième devant aborder une éventuelle responsabilité du groupe.
À l’énoncé du verdict, le plaignant et ses avocats se sont enlacés. “Nous sommes très satisfaits”, a réagi une des avocates d’Edwin Hardeman, Jennifer Moore. L’intéressé ne s’est pas exprimé auprès des journalistes.
Dans un communiqué, le cabinet d’avocats du plaignant a ajouté que les débats allaient désormais pouvoir se consacrer à prouver “que Monsanto n’a pas eu une approche responsable et objective à propos de [la dangerosité] du Roundup“.
“Monsanto ne se soucie pas particulièrement de savoir si son produit cause ou non le cancer, préférant manipuler l’opinion publique et décrédibiliser quiconque soulève des inquiétudes légitimes” sur le sujet, ont aussi argué les avocats.
“Nous sommes déçus” de ce verdict, a réagi Bayer, qui subit là un deuxième revers judiciaire de taille en quelques mois, de mauvais augure pour le groupe allemand qui fait l’objet de milliers de procédures similaires rien qu’aux États-Unis.
Dans son communiqué, Bayer a réaffirmé, comme il l’a toujours fait, que “la science confirme que les désherbants au glyphosate ne causent pas le cancer“.
“Nous sommes confiants sur le fait que (la phase 2) démontrera que Monsanto s’est comporté de façon adéquate et que l’entreprise ne doit pas être considérée comme responsable” du lymphome non hodgkinien (LNH) d’Edwin Hardeman, qui a attaqué le géant agrochimique en 2016.
La deuxième phase va commencer
La deuxième phase du procès – le premier au niveau fédéral – commencera ce mercredi 20 mars et devra cette fois répondre aux questions suivantes : Monsanto connaissait-il les risques ? Les a-t-il cachés ? Si oui, quels sont les dommages et intérêts qu’il doit payer ?
Monsanto devra notamment affronter les affirmations de ses détracteurs, selon lesquels il a téléguidé voire fait modifier certaines études à son avantage.
Le groupe avait été condamné à verser 289 millions de dollars à Dewayne “Lee” Johnson, père de deux petits garçons et atteint d’un LNH en phase terminale, estimant non seulement que le Roundup en était la cause mais que Monsanto avait agi avec malveillance en dissimulant les risques de ses produits au glyphosate.
Cette somme avait ensuite été réduite à 78,5 millions de dollars par une juge tandis que Bayer a parallèlement fait appel du fond du verdict.
Le procès Hardeman, qui pourrait durer encore environ deux semaines, est en outre ce qu’on appelle en droit américain un “procès test” pour des centaines d’autres similaires. Son issue doit officiellement servir de baromètre pour les procès regroupés avec lui.
Concrètement, il permet aux différentes parties de déterminer s’il vaut mieux signer un accord amiable hors tribunaux pour solder les poursuites, comme cela se fait souvent aux États-Unis.
Le retraité, qui vit au nord de San Francisco, avait expliqué à la barre avoir vaporisé du Roundup pendant plus de 25 ans pour éliminer de sa propriété une plante très urticante, le sumac vénéneux. Et “pas mal de fois“, le désherbant s’est retrouvé en contact avec sa peau, avait-il ajouté.
Pendant la première phase du procès, les deux parties se sont opposées à coups d’études scientifiques complexes et d’experts passant parfois des heures à la barre.
Pour l’essentiel, accusation comme défense se sont accusées mutuellement de présenter des études biaisées, incomplètes et non significatives.
Contrairement à l’agence fédérale américaine de protection de l’environnement (EPA), le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé depuis 2015 le glyphosate comme “cancérigène probable”, mais pas les agences européennes Efsa (sécurité des aliments) et Echa (produits chimiques).