La victoire annoncée d’Andrés Manuel López Obrador, alias “AMLO”, marque un tournant dans l’histoire du Mexique.
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Hoy se empieza a escribir la nueva historia de nuestro honorable y hermoso país.
— Andres Manuel Lopez Obrador (@AmIoPresidente) 2 juillet 2018
Traduction : “Aujourd’hui nous commençons à écrire une nouvelle page de l’histoire de notre beau et honorable pays.”
C’est un tournant historique. Andrés Manuel López Obrador, dit “AMLO”, leader du jeune parti Morena (le “Mouvement de régénération nationale” en français) a été élu président du Mexique ce dimanche 1er juillet. “La troisième fois sera la bonne”, avait assuré le candidat, en référence aux deux précédents rendez-vous manqués de 2006 et 2012.
Ce vétéran de la politique mexicaine était en effet passé particulièrement près du fauteuil présidentiel en 2006.
“Il avait perdu de 0,6 point lors d’une élection très contestée contre Felipe Calderón, candidat du Parti d’action nationale (PAN)”, explique Guillaume Duarte, doctorant en histoire à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL) et doctorant associé au Centre d’études mexicaines et centraméricaines (CEMCA), interrogé par Konbini news.
“Andrés Manuel López Obrador a une carrière qui a débuté dans les années 1970. C’est quelqu’un qui est dans le paysage politique mexicain depuis des années”, précise le chercheur.
La victoire de la gauche
Cette fois-ci, la victoire est écrasante. D’une part le chef du Morena a été élu avec 53 % des voix, d’autre part son parti a remporté six postes de gouverneurs sur les neuf qui étaient en jeu lors de ces grandes élections générales. Le résultat de ce scrutin est historique : la droite est battue pour la première fois depuis un siècle au Mexique.
Lors de son dernier discours juste avant les élections, AMLO avait déclaré :
“Le nouveau président du Mexique aura une autorité morale et politique pour exiger de tout le monde un comportement exemplaire et faire de l’honnêteté une priorité dans la vie.”
L’homme politique de 64 ans, originaire de l’État du Tabasco (dans le sud-est du pays), s’est notamment fait connaître en dirigeant la ville de Mexico de 2000 à 2005. Durant cette période, il a construit son image de président social :
“Il a mené une politique sociale, d’aide pour les personnes âgées, de subvention du métro, le nombre d’homicides a également baissé lors de son mandat”, détaille Guillaume Duarte.
Mais c’est également lors des campagnes présidentielles qu’il a fait la démonstration de ses talents de tribun :
“Sa popularité vient surtout de ses campagnes et de son opposition perpétuelle depuis les années 2000 à tout le système clientéliste, autoritaire et centraliste de la politique mexicaine”, précise Guillaume Duarte.
AMLO, c’est aussi un homme de terrain. “Depuis 2006, il n’a jamais cessé d’arpenter le Mexique et surtout le Mexique rural et ses régions montagneuses reculées où la population se sent oubliée par les acteurs politiques”, explique Raphaëlle Parizet, maîtresse de conférences en science politique à l’Université de Paris-Est-Créteil, interrogée par Konbini news.
Un candidat antisystème
C’est aussi le ras-le-bol de la société mexicaine pour les deux partis dominants qui a joué en faveur du candidat :
“Le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) traverse une crise symbolisée par le mandat du président sortant Enrique Peña Nieto et le Parti action nationale (PAN) a également été divisé par des batailles internes”, explique Guillaume Duarte.
AMLO s’est fait élire en promettant qu’il mettrait un terme à la corruption au sein du pouvoir, au narcotrafic et à la violence endémique qui ronge le pays – 133 hommes politiques ont été assassinés durant cette campagne. Il avait d’ailleurs promis “une amnistie controversée aux petites mains des groupes criminels, dans l’espoir de ramener la paix sociale dans le pays”, comme le rapporte 20 Minutes.
Qualifié par ses opposants de populiste, ou encore de “Hugo Chavez mexicain”, il est le seul candidat de cette élection (dominée par des candidats de droite) à avoir dit vouloir tenir tête à Donald Trump. Cette opposition très frontale n’a toutefois pas empêché le président des États-Unis de le féliciter sur Twitter.
Congratulations to Andres Manuel Lopez Obrador on becoming the next President of Mexico. I look very much forward to working with him. There is much to be done that will benefit both the United States and Mexico!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 2 juillet 2018
Traduction : “Félicitations au nouveau président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador. J’ai vraiment hâte de travailler avec lui. Il y a tant à faire pour la prospérité des États-Unis et du Mexique.”
Le nouveau président aura en effet un rôle à jouer dans la relation avec les États-Unis, alors que la situation est de plus en plus tendue à la frontière. Il prendra ses fonctions au mois de décembre, et pourrait bien choisir Washington comme première destination de voyage officiel.