La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné jeudi 30 janvier la France pour les conditions de détention dans des prisons surpeuplées, sans lui intimer d’agir mais en recommandant de prendre des mesures face à ce “problème structurel”.
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Saisie par 32 détenus des prisons de Nice, Nîmes, Fresnes, Ducos (Martinique) et Nuutania (Polynésie), la CEDH recommande par cet arrêt à l’État “d’envisager l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention”, selon un communiqué de presse diffusé par la Cour.
Ces détenus dénonçaient à la fois la surpopulation et la vétusté des établissements où ils étaient incarcérés et l’absence de recours offerts par la justice française, les juges administratifs n’ayant pas le pouvoir d’agir concrètement sur leurs conditions de détention.
1 497 détenus dorment sur des matelas par terre
Selon les derniers chiffres trimestriels rendus publics par l’administration pénitentiaire, il y avait 70 818 personnes incarcérées dans les 188 établissements pénitentiaires français le 1er octobre 2019, pour 61 065 places opérationnelles. La densité carcérale s’établissait à 116 %, en baisse de 2 % en un an. Le nombre de matelas au sol s’élevait à 1 497 contre 1 353 un an auparavant.
Dans son arrêt, la CEDH a estimé que les détenus requérants n’avaient pas, dans leur majorité, bénéficié de “conditions de détention décentes” et a souligné la portée limitée du pouvoir d’injonction du juge administratif, condamnant la France à la fois pour absence de recours effectif et traitements inhumains ou dégradants.
Si les requêtes avaient été présentées à titre individuel par les détenus, ainsi que l’exige la procédure devant la CEDH, elles avaient été coordonnées dans le cadre d’une campagne mise en œuvre par l’Observatoire international des prisons (OIP).
“Une immense victoire”
Cet arrêt n’est pas un arrêt pilote, procédure instituée par la CEDH quand elle est saisie de très nombreuses requêtes sur un même problème et qu’elle fixe un délai pour le résoudre.
Toutefois, pour Patrice Spinosi, l’avocat de l’OIP, l’arrêt rendu constitue un “quasi-arrêt pilote” et “une immense victoire, l’aboutissement des efforts de l’OIP depuis 10 ans pour faire reconnaître l’état de délabrement des prisons françaises”.
Selon l’avocat, avec cette condamnation “c’est un grand chantier qui s’ouvre“, exigeant une “réflexion globale sur le sens de la peine” et non pas la seule construction de nouvelles prisons.