Le Cardinal George Pell, le 26 février 2019. (© Asanka Brendon Ratnayake/AFP)
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Le cardinal australien George Pell, ancien numéro trois du Vatican tombé en disgrâce, a été condamné mercredi à six ans de prison pour agressions sexuelles “éhontées” contre deux enfants de chœur dénoncées par le juge comme un “grave” abus de pouvoir.
Plus haut représentant de l’Église catholique jamais reconnu coupable de viol sur mineur, George Pell, 77 ans, devra passer au minimum trois ans et huit mois derrière les barreaux. Le cardinal, qui clame son innocence et a fait appel de sa condamnation, a été reconnu coupable en décembre de pénétration sexuelle et de quatre chefs d’attentat à la pudeur contre les deux adolescents alors âgés de 13 ans. Mais ce verdict n’avait pu être annoncé que fin février pour des raisons juridiques.
Le juge Peter Kidd a expliqué avoir tenu compte, pour rendre sa sentence, des “crimes odieux” commis par un prélat ayant profité de sa position d’autorité sur les jeunes victimes. Mais il a aussi mis dans la balance son âge avancé, ses problèmes cardiaques et le fait qu’il avait “par ailleurs mené une vie irréprochable”. “Vous pourriez ne pas vivre assez longtemps pour sortir de prison”, a-t-il relevé.
Le cardinal Pell, vêtu d’une chemise noire, sans son habituel col romain, est resté impassible, les mains croisées sur les genoux, alors que le juge décrivait, avec force détails difficiles à entendre, les agressions “incroyablement arrogantes” commises contre les garçons. Le cardinal risquait jusqu’à 50 ans de réclusion criminelle.
Les victimes ont témoigné de leur déconvenue face à ce jugement relativement clément et une procédure judiciaire qui n’est pas terminée. “C’est difficile de trouver du réconfort” dans cette décision, a déclaré une victime identifiée seulement par l’initiale “J”, par la voix de son avocate Vivian Waller. “Je suis reconnaissant que le tribunal ait reconnu ce qui m’a été infligé quand j’étais enfant mais je ne connais pas le repos” car “plane l’ombre de la procédure d’appel”.
Des répercussions “profondes” et “durables”
Le père de l’autre victime, décédée en 2014 d’une surdose d’héroïne, a fait part de sa “déception”. En décembre 1996, le prélat avait imposé une fellation à une victime et s’était masturbé en se frottant contre l’autre, alors que les deux garçons s’étaient cachés dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne pour y boire du vin de messe.
Deux mois plus tard, il avait poussé l’un des adolescents contre un mur et lui avait empoigné les parties génitales.
“Il existe un degré de dégradation et d’humiliation supplémentaire en ce que chacune des victimes savait que l’autre était témoin des abus”, a déclaré le juge. Ces actes ont eu des répercussions “profondes” et “durables” pour les victimes.
Le prélat est très connu en Australie, où il comptait parmi ses amis des Premiers ministres et des magnats de l’industrie. Son avenir au sein de l’Église est désormais plus qu’incertain. Partout dans le monde, l’Église catholique a été minée par une vague de scandales de pédophilie. Mais le juge de Melbourne a souligné que c’était le procès d’un individu, pas celui de l’institution. “Vous ne devez pas servir de bouc émissaire, a-t-il ajouté. Je ne suis pas là pour juger l’Église catholique.”
“Il lui sera difficile de se plaindre d’une sentence trop dure”
Le cardinal “a droit à une justice équitable”, a martelé le magistrat, regrettant la “mentalité de meute” d’une partie de l’opinion publique. Devant le tribunal, l’ambiance était tendue. Un homme, se présentant comme une victime d’abus sexuels, s’est effondré en sanglotant. Une femme a crié “argent sale” à l’intention de l’avocat du prélat qui quittait les lieux.
Jeremy Gans, spécialiste en droit de l’université de Melbourne, a estimé que la peine était courte mais correspondait “grosso modo à ce que tout le monde attendait”. “Il sera difficile pour Mgr Pell de se plaindre d’une sentence trop dure”, a-t-il ajouté.
George Pell n’a pas témoigné à son procès. Dans un interrogatoire de police filmé en 2016 alors qu’il était à Rome, il avait qualifié ces accusations de “mensonges insensés”, “de tas d’inepties absolues”. Le condamné saura début juin s’il aura droit à un procès en appel. La défense argue que le verdict est “déraisonnable” et que la décision se fonde sur le témoignage de la seule victime survivante, qui plus est sur des faits vieux de plus de deux décennies.
Elle dénonce aussi le fait que le juge ne lui ait pas permis de diffuser à l’audience une animation vidéo qui aurait pu, selon elle, jeter un doute sur la possibilité pour deux enfants de chœur de se retrouver seuls dans la sacristie après la messe du dimanche.
Le verdict de culpabilité avait été prononcé fin 2018 mais, en raison d’une obligation de secret édictée par la justice australienne, les médias s’étaient vu imposer un silence total sur l’affaire. Ce n’est que fin février que le “black-out” fut levé, après l’abandon d’autres poursuites contre le prélat sur des faits présumés dans une piscine de Ballarat, dans le sud de l’Australie, dans les années 1970.
Konbini avec AFP