Cédric Chouviat, mort à la suite d’un contrôle policier début janvier à Paris, a dit à sept reprises qu’il étouffait lors de la vingtaine de secondes de son interpellation. Les policiers mis en cause sont désormais sous la menace d’une mise en examen.
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“Arrête”, “Je m’arrête”, puis “J’étouffe” prononcé à sept reprises : tels sont les mots de Cédric Chouviat au cours des 22 secondes de son interpellation, selon une expertise datée du 21 avril, révélée par Le Monde et Mediapart et dont a eu connaissance l’AFP.
Pour reconstituer la scène, l’expert de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale a analysé treize vidéos de cette arrestation, neuf filmées par le livreur lui-même, trois enregistrées par un des quatre policiers présents au moment des faits et la dernière par un automobiliste.
Pour rappel, le 3 janvier, Cédric Chouviat, un père de famille de 42 ans travaillant comme livreur, avait été victime d’un malaise cardiaque aux abords de la Tour Eiffel après avoir été plaqué au sol, casque sur la tête, par trois policiers au terme d’un contrôle routier tendu.
Transporté dans un état critique à l’hôpital, il était mort le 5 janvier des suites d’une asphyxie “avec fracture du larynx”, selon les premiers éléments de l’autopsie communiqués par le parquet de Paris, qui avait ouvert une information judiciaire pour “homicide involontaire”.
Les quatre policiers ont été entendus mercredi dernier en garde à vue, préalable à une éventuelle mise en examen, a-t-on appris par ailleurs lundi de sources judiciaire et proche du dossier. Selon RTL, le magistrat instructeur les a convoqués “début juillet” et ils pourraient alors faire l’objet de poursuites.
“L’échange est relativement correct, même si nous pouvons ressentir une forme de ‘provocation’ ou de ‘défiance’ dans les paroles de la personne contrôlée”, relève l’expert dans son analyse des bandes-son.
Clé d’étranglement
Au cours de l’échange, reconstitué dans ses douze dernières minutes, Cédric Chouviat qualifie à plusieurs reprises les policiers de “clowns” ou l’un d’eux de “pauvre type”. Le livreur dit aussi à plusieurs reprises aux fonctionnaires de ne pas le toucher tandis que ces derniers lui demandent de reculer.
“Hormis la phase d’interpellation, nous n’avons pas mis en évidence des propos ou des bruits flagrants de violence” de part et d’autre, ajoute l’expert. Ce dernier relève que les forces de l’ordre tentent de mettre fin à plusieurs reprises au contrôle, avant que la situation ne dégénère.
“À 11 minutes et 16 secondes, la personne contrôlée dit au policier qu’il n’est qu’un ‘guignol’. Le policier décide de l’interpeller”, relate-t-il. “Durant les 22 secondes suivantes, nous entendons différents bruits que nous ne pouvons pas identifier. La personne interpellée dit à plusieurs reprises ‘J’étouffe’. Et nous entendons un des policiers déclarer ‘C’est bon, c’est bon, bracelets OK'”, écrit-il ensuite.
Joint par l’AFP, Thibault de Montbrial, avocat des policiers, n’a pas souhaité réagir. Les avocats de la famille Chouviat, Mes Arié Alimi, William Bourdon et Vincent Brengarth, ont pour leur part organisé une conférence de presse ce matin.
Depuis le début de l’affaire, la famille de la victime a dénoncé une “bavure policière” causée par des techniques d’interpellation “dangereuses”. Elle réclame une requalification des faits en “violences volontaires ayant entraîné la mort”, un crime passible des assises, et la suspension des policiers.
Quelques jours après les faits, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, avait estimé que les résultats d’autopsie “[soulevaient] des questions légitimes, auxquelles des réponses [devaient] être apportées en toute transparence”. “S’il y a des fautes qui sont caractérisées, nous prendrons toutes les sanctions nécessaires”, avait promis le ministre.
Depuis, le débat autour des violences policières a trouvé un très fort écho dans le monde à la suite de la mort de George Floyd, un homme noir filmé en train d’être asphyxié par un policier blanc aux États-Unis fin mai. En France, il a conduit le ministre de l’Intérieur à annoncer l’abandon prochain de la technique d’interpellation dite “clé d’étranglement”, comme le réclame la famille Chouviat.