Mercredi 23 février, Moina-Fatima Idjabou, étudiante à Kyiv, entend les premiers bombardements sur la capitale ukrainienne. Moina-Fatima est arrivée en Ukraine en hiver 2019. Originaire des Comores, la jeune femme avait obtenu une place à l’université de Kyiv afin d’étudier le commerce international et y poursuivait son cursus universitaire.
Dès les premiers bombardements et alarmes, qui s’étendent rapidement à toute la capitale, elle se calfeutre dans les pièces les plus sécurisées de sa résidence étudiante. Le jeudi soir, elle décide, avec quelques amis eux aussi étrangers, de fuir la ville et le pays. Commence alors le périple d’un exil qui durera six jours.
À pied, elle rejoint la gare centrale de Kyiv dans la nuit du jeudi au vendredi. Après cinq heures d’attente au sein de la foule qui tente de quitter la ville vers l’ouest ukrainien, elle parvient à monter dans un train, direction Lviv. Le trajet dure neuf heures, le train effectuant plusieurs détours afin d’éviter les zones ciblées par les frappes russes.
L’objectif pour Moina-Fatima et ses amis, arrivés à Lviv, est de rejoindre la frontière polonaise. Après quelques kilomètres parcourus en taxi, les étudiants sont contraints de continuer le trajet à pied : une file interminable de véhicules affluant de tout le pays tente d’utiliser l’une des seules routes vers la frontière polonaise. La jeune femme parcourt 60 kilomètres à pied, comme beaucoup d’Ukrainiens, femmes et enfants, croisés sur les bords de cette route d’exode.
Le samedi 26 mars, à 3 heures du matin, elle atteint les abords de la frontière ukraino-polonaise. Mais elle traversera seulement huit heures plus tard. Si les enfants et leurs mères sont prioritaires, quand la jeune femme se présente aux garde-frontières ukrainiens, elle raconte avoir subi des discriminations raciales. Mise sur le côté, elle voit passer des femmes de son âge. Finalement, c’est dans un mouvement de foule que la jeune femme est poussée de l’autre côté de la frontière, par chance.
Une de ses camarades parviendra à la rejoindre quelques heures plus tard. Pour ses amis masculins, le passage de la frontière n’aura lieu que cinq jours plus tard, côté slovaque. Après un refus des garde-frontières ukrainiens de laisser passer ces hommes étrangers et noirs vers la Pologne, ces derniers ont préféré rebrousser chemin et tenter de passer la frontière vers la Slovaquie.
Pour Moina-Fatima et son amie, le périple ne s’arrête pas une fois la frontière polonaise franchie. Le dimanche 27 février, les deux étudiantes rejoignent Varsovie, capitale polonaise, pour ensuite rejoindre l’Allemagne. Le lundi matin, c’est un train qui les amène jusqu’à Berlin. Puis un bus, le mardi 1er mars, vers la Belgique. C’est à Bruxelles que le frère aîné de Moina-Fatima, domicilié en région parisienne, viendra chercher la jeune femme.
Six jours et 2 500 kilomètres pour fuir sa vie étudiante, qui a volé en éclats dans le bombardement de son université quelques heures après sa fuite de Kyiv. Certains de ses amis restés sur place ont été blessés. Moina-Fatima a témoigné le lendemain de son arrivée en France. Épuisée physiquement, elle raconte les cauchemars violents qui la hantent.
Malgré tout, Moina-Fatima Idjabou souhaite retourner en Ukraine, dès la situation stabilisée : c’est son diplôme qui l’importe.