Au lendemain de l’annonce d’un nouveau confinement d’un mois au moins, Jean Castex a détaillé ce matin à l’Assemblée nationale la mesure radicale décidée par le président Emmanuel Macron pour contrer une deuxième vague de Covid-19 “sans doute plus meurtrière” que la première.
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“Nous avions anticipé la deuxième vague”, a assuré devant les députés le Premier ministre, qui prévoit un pic d’hospitalisation en novembre “plus élevé qu’en avril”, lors de son intervention dans l’hémicycle, à l’issue de laquelle il est immédiatement parti en raison de l’attaque au couteau à Nice qui a fait trois morts.
La fin des débats, réclamée par les oppositions, a été refusée par le président de l’Assemblée, Richard Ferrand. “Précisément parce que des terroristes attaquent notre démocratie, c’est l’honneur de l’Assemblée nationale de continuer à faire vivre notre République”, s’est-il justifié, après avoir fait observer une minute de silence.
Plus tôt dans la matinée, le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait estimé à “un million” le nombre de Français actuellement porteurs du nouveau coronavirus. Et selon le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, les hôpitaux vont faire face à une situation “extrêmement difficile” dans les deux à trois semaines qui viennent, le temps que le confinement fasse ses effets.
Télétravail massif
Devant les députés, Jean Castex a prévenu : “Le virus s’accélère, nous devons accélérer aussi”, et a rappelé qu’“aujourd’hui, 60 % des lits de réanimation sont occupés par des patients Covid, soit deux fois plus qu’il y a quinze jours”.
“Je n’ai cessé d’appeler à la vigilance”, s’est encore défendu le Premier ministre, estimant que “certains qui nous disent aujourd’hui que nous aurions dû agir, et plus fort, ou que nous n’en faisions pas assez, prétendaient à l’époque que nous en faisions trop”. “Aucun pays n’avait prévu [que la vague] s’accélérerait de manière aussi soudaine et brutale”, a-t-il également fait valoir.
Le nouveau confinement annoncé mercredi par Emmanuel Macron doit entrer en vigueur vendredi à minuit et durera jusqu’au 1er décembre, “a minima”. Trois changements majeurs ont été mis en place par rapport au confinement du printemps : les écoles, collèges et lycées resteront ouverts, le travail pourra continuer, les visites dans les Ehpad et maisons de retraite seront autorisées.
Première conséquence : le port du masque à l’école sera étendu aux enfants de primaire dès l’âge de 6 ans, alors qu’il était réservé jusqu’alors aux seuls élèves du collège, a annoncé jeudi le Premier ministre.
Pour les travailleurs, “le recours au télétravail doit être le plus massif possible” pendant le confinement, a exhorté Jean Castex, en précisant que “dans le secteur privé, toutes les fonctions qui peuvent être télétravaillées doivent l’être cinq jours sur cinq”.
Fermeture des commerces non essentiels : “une erreur”
Mais pour le numéro un du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, la fermeture des commerces non essentiels est “une erreur” qui risque d’entraîner beaucoup de faillites et de pertes d’emplois, et coûter “entre 50 et 75 milliards d’euros de PIB”.
Dans son allocution, Emmanuel Macron avait indiqué que le dispositif de fermeture des commerces serait réévalué tous les quinze jours, selon l’évolution de l’épidémie.
Les entreprises de l’événementiel, du cinéma et du spectacle vivant seront en outre fermées le temps du confinement, a précisé Jean Castex, selon qui suspendre ces activités “est très douloureux mais nécessaire pour assurer l’effectivité” des mesures anti-Covid.
“Nous autorisons le travail préparatoire aux spectacles, les répétitions, les enregistrements et les tournages afin de préparer les activités de demain”, a-t-il toutefois précisé.
Le prix Goncourt, qui devait être décerné le 10 novembre, ne sera remis que si les librairies sont ouvertes à ce moment-là, a annoncé jeudi le jury. Les compétitions sportives professionnelles pourront également continuer pendant cette nouvelle période de confinement, avait précisé mercredi la ministre des Sports.
“Colère” et “responsabilité”
Après ce discours de moins d’une demi-heure, la cheffe de file des socialistes, Valérie Rabault, a adressé un “oui de colère” au reconfinement : un “oui de responsabilité” pour protéger les Français, mais une “colère” contre “l’impréparation” du gouvernement, a-t-elle fustigé. “Tout le monde peut constater que vous êtes pris de court”, a complété Jean-Luc Mélenchon (LFI). “Un homme décide de tout, tout seul, entouré de ce conseil de défense hors-sol”, a-t-il lancé à propos d’Emmanuel Macron.
Le chef de file de La République en marche, Stanislas Guerini, leur a sèchement répondu : “Quand nous débattons, vous criez ; quand nous ne débattons pas, vous pleurez : régulez vos émotions, ça nous fera du bien.”
Le patron des députés LR, Damien Abad, a pour sa part indiqué que son groupe ne prendrait pas part au vote, “afin de ne pas ajouter des divisions au pays”, en déplorant par ailleurs que “nous [n’ayons] plus d’autre choix que celui du reconfinement”.
Le chef du gouvernement doit encore se rendre devant le Sénat dans l’après-midi, puis tenir une conférence de presse à 18 h 30. Si le reconfinement est prévu sur tout le territoire national, des adaptations sont toutefois prévues pour les Outre-mer, qui doivent encore être précisées par le gouvernement.
“Quoi que nous fassions, près de 9 000 patients seront en réanimation à la mi-novembre, soit la quasi-totalité des capacités françaises”, a prévenu Emmanuel Macron, alors que les capacités de réanimation seront portées à 10 000 lits, soit un doublement du nombre initial. Le nombre de patients s’y élevait mercredi à 3 036.
Konbini news avec AFP