Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a été mis en examen vendredi pour “prise illégale d’intérêts” par les magistrats de la Cour de la justice de la République chargés d’enquêter sur de possibles conflits d’intérêts avec ses anciennes activités de pénaliste, ont annoncé ses avocats.
À voir aussi sur Konbini
“Sans surprise, il a été mis en examen”, a déclaré à la presse l’un des avocats du ministre, Me Christophe Ingrain, à l’issue d’un interrogatoire de près de six heures. Cette mise en examen est inédite pour un ministre de la Justice en exercice. “Ses explications n’ont malheureusement pas suffi à renverser cette décision prise avant l’audition. Nous allons évidemment désormais contester cette mise en examen”, a poursuivi Me Ingrain, qui déposera “une requête en nullité”.
“Cette mise en examen était clairement annoncée. [Éric Dupond-Moretti] a réagi très sereinement et très calmement”, a-t-il ajouté, précisant que le ministre ne faisait pas l’objet d’un contrôle judiciaire.
Dans cette affaire, Eric Dupond-Moretti est soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille lorsqu’il était avocat, ce qu’il réfute. La CJR, seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des membres du gouvernement pour des infractions dans le cadre de leurs fonctions, a ouvert en janvier une information judiciaire pour “prise illégale d’intérêts” après les plaintes des trois syndicats de magistrats et de l’association Anticor dénonçant des situations de conflits d’intérêts dans deux dossiers.
L’affaire “Bismuth”
Le premier concerne l’enquête administrative ordonnée en septembre par le garde des Sceaux contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) qui ont fait éplucher ses relevés téléphoniques détaillés (“fadettes”) quand il était encore une star des prétoires. Pour rappel, le PNF cherchait alors à débusquer une “taupe” ayant pu informer Nicolas Sarkozy et son conseil Thierry Herzog – un ami d’Eric Dupond-Moretti – qu’ils étaient sur écoute dans l’affaire de corruption dite “Bismuth”, et qui a valu en mars une condamnation historique à l’ex-chef de l’État.
Dans le second dossier, il est reproché au garde des Sceaux d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients et dont il avait critiqué les méthodes de “cow-boy” après que ce magistrat a pris la parole dans un reportage.
Cette mise en examen compromet-elle l’avenir d’Éric Dupond-Moretti à la tête de ce ministère régalien ? Emmanuel Macron, qui l’avait longuement défendu mardi en Conseil des ministres, s’est exprimé sur le sujet jeudi 15 juillet en marge du tour de France. “Je pense que le garde des Sceaux a les mêmes droits que tous les justiciables, c’est-à-dire celui de la présomption d’innocence, de pouvoir défendre les droits qui sont les siens”, a-t-il dit, se posant en “garant de l’indépendance de la justice”.
Jean Castex lui “renouvelle toute sa confiance”
Le Premier ministre Jean Castex a renouvelé “toute sa confiance” à son ministre de la Justice. Considérant que “les actes à l’origine de cette procédure” s’inscrivent “dans le cadre normal d’exercice des prérogatives ministérielles du Garde des Sceaux, le Premier ministre lui renouvelle toute sa confiance et lui demande de poursuivre l’action de réforme et de confortement des moyens accordés au service public de la Justice”, a écrit Matignon dans un communiqué.
Konbini news avec AFP