La chasse à la glu cause un dommage “irrémédiable” à tous les oiseaux capturés et ne devrait donc pas être autorisée, selon la justice européenne, qui a ouvert mercredi la voie à l’interdiction en France de cette méthode décriée, pour l’instant suspendue.
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Cet arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a été immédiatement salué par les organisations de défense de l’Environnement y voyant une “grande victoire”, ainsi que par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili.
Cette méthode de chasse dite “traditionnelle” destinée aux grives et aux merles consiste à piéger des oiseaux sur des tiges enduites de colle, appelées gluaux. Les oiseaux ainsi capturés sont mis en cage et servent, en chantant, à en attirer d’autres pour les chasseurs.
Mais les défenseurs de l’environnement se battent depuis des années pour la faire interdire, dénonçant une méthode “cruelle” et non sélective qui conduit à la capture d’autres oiseaux que ceux visés, y compris des espèces protégées.
Les chasseurs assurent que les oiseaux capturés par erreur sont nettoyés et relâchés. Mais “en dépit d’un nettoyage, les oiseaux capturés subissent un dommage irrémédiable, les gluaux étant par nature susceptibles d’endommager le plumage de tous les oiseaux capturés”, a estimé mercredi la CJUE.
La Cour a également rejeté l’argument culturel : “le maintien d’activités traditionnelles ne saurait constituer une dérogation autonome au régime de protection” de la directive “oiseaux” de 2009.
“C’est un réel espoir pour les oiseaux concernés par d’autres types de chasses, notamment celles dites traditionnelles”, s’est réjoui l’ONG One Voice, qui avait saisi la justice européenne aux côtés de la Ligue de protection des oiseaux (LPO).
“Le combat continue”
La Cour “prend en compte la souffrance animale, ce qui est une avancée remarquable”, a déclaré à l’AFP le patron de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, partagé entre “le bonheur et l’amertume d’avoir perdu tant de temps pour protéger les oiseaux”.
Les chasseurs refusent eux de rendre les armes, appelant leurs opposants à ne pas crier victoire trop vite avant la décision du Conseil d’État, qui doit désormais se prononcer. “Nous allons préparer notre dossier et le présenter au Conseil d’État, en les invitant à venir voir la réalité sur le terrain. Le combat continue”, a déclaré Éric Camoin, président de l’Association nationale de défense des chasses traditionnelles à la grive.
“La bataille n’est jamais perdue tant qu’elle est juste”, a renchéri le patron de la Fédération nationale des chasseurs Willy Schraen. “Ce ne serait pas quelques centaines de Gaulois sur les terres de Marcel Pagnol mais des personnes au fin fond de l’Amazonie, avec la même colle, et les mêmes oiseaux attrapés, on trouverait ça formidable”, a-t-il déclaré à l’AFP.
Le Conseil d’État avait dans un premier temps donné raison aux chasseurs dans cette bataille de la glu. Finalement, fin 2019, il avait demandé à la justice européenne de se prononcer sur la légalité de la chasse à la glu, dont la France est le dernier pays pratiquant dans l’UE.
Cette directive “oiseaux” de 2009 interdit les “méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective” d’oiseaux, notamment la chasse à la glu, mais prévoit des dérogations quand “il n’existe pas d’autre méthode satisfaisante”.
En attendant cet arrêt de la Cour, la plus haute juridiction administrative française avait en septembre rejeté le recours des chasseurs contre la suspension de cette chasse décidée par l’exécutif.
Le président Emmanuel Macron, arbitrant contre les chasseurs et en faveur de sa ministre Barbara Pompili, avait fin août 2020 annoncé cette suspension. Concrètement, le quota de chasse à la glu pour cette saison avait été fixé à zéro.
Auparavant, le gouvernement fixait chaque année par arrêté le nombre de spécimens de grives et de merles pouvant être capturés dans les cinq départements du sud-est concernés (Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse), pour un total d’environ 40 000.
“La France avait décidé de suspendre la chasse à la glu, considérée comme une pratique non sélective. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne conforte cette mesure de protection de la biodiversité”, a réagi sur Twitter Barbara Pompili.
Konbini News avec AFP