C’est une épreuve qui a fait scandale. La course de karting dans la cour de la prison de Fresnes le 27 juillet dernier, lors de “Kohlantess”, le Koh-Lanta des cités, a secoué la classe politique et l’opinion publique. Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, revient sur cette polémique qu’elle trouve “minable” et “lamentable”.
Elle résume cette journée d’épreuves, organisée par Djibril Dramé et en accord avec la direction pénitentiaire de Fresnes : “Il y avait de la culture générale, un quiz, des jeux d’eau, et ensuite, oh horreur, deux détenus ont participé à une course de karts dans la cour”, rappelle-t-elle ironiquement. Elle insiste sur une ambiance “bon enfant”, qui a permis de “recréer du lien entre détenus et surveillants”.
“Le contribuable n’a rien payé du tout”
La contrôleuse générale tient à rappeler que la boîte de production a pris tout le financement en charge et “qu’un détenu, lui, coûte 110 euros par jour au contribuable, contrairement à l’épreuve ‘Kohlantess’, et ça fait très cher pour fabriquer de la récidive, et ça fait très cher pour être incarcéré ‘au Club Med'”.
Dominique Simonnot réfute l’idée que la prison puisse être une “colonie de vacances” pour les détenus et énumère les conditions carcérales et l’insalubrité de la prison de Fresnes : “C’est dommage qu’il n’y ait pas eu l’épreuve où il faut manger des vermines pour survivre comme dans Koh-Lanta. Ça, les détenus ont l’habitude, ils en ont plein leurs cellules”, lâche-t-elle pleine d’ironie, avant de continuer :
“Il faut savoir que Fresnes, c’est environ 1 900 détenus, c’est surpeuplé à 144 %, il y a un détenu qui dort au sol quand ils sont trois dans la cellule. […] Quand on dort au sol, avec la poussière, on aspire des bébés cafards, qui grouillent partout. Et je ne parle pas des punaises de lit. Je ne parle pas du temps qu’il faut pour accéder aux soins, des mois. Il y a des gens qui se percent leurs abcès dentaires tout seuls. Pour vous dire, tellement ils ne voient pas le dentiste. Fresnes, c’est vraiment une des pires prisons de France. Dans ces cellules où ils sont entassés, les détenus vivent 22 heures sur 24.”
Dominique Simonnot n’arrive pas à s’imaginer que l’on puisse s’indigner de ces épreuves. “[Avec] ce petit moment de gaieté, je ne comprends même pas où est le scandale”, s’offusque-t-elle. Elle dénonce un débat lancé sur les réseaux sociaux par des gens “de mauvaise foi”, qui “connaissent la prison” et qui “font croire à nos concitoyens que la prison, c’est le Club Med. Je crois que ce que je viens de vous décrire, ce n’est pas vraiment le Club Med”.
Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, qui avait demandé l’ouverture d’une enquête au moment de la polémique, a expliqué que s’il avait été au courant de cette épreuve de karting, il ne l’aurait jamais autorisée.
Les vidéos des épreuves supprimées des réseaux sociaux
La production qui suivait les différentes épreuves avait tout filmé afin de proposer aux internautes une version longue de l’épisode sur YouTube. Konbini news était également sur place pour filmer cet événement hors du commun. Les épreuves avaient été étudiées et validées en amont avec la direction pénitentiaire, et une règle importante devait être appliquée pour le bon déroulement de l’événement : aucun détenu avec une lourde peine ne devait participer aux épreuves. Plus précisément, la production avait demandé que les détenus participants n’aient écopé “d’aucune peine résultant d’une atteinte à l’intégrité physique et/ou morale d’une personne”.
Pour autant, selon L’Opinion, une personne condamnée pour viol a bel et bien participé à cette journée. La production a directement supprimé la vidéo des réseaux sociaux. L’organisateur de l’événement y a ensuite publié un communiqué :
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“Dans ce communiqué, l’équipe de ‘Kohlantess’ affirme que leur condition, à savoir qu’aucun détenu avec une lourde peine ne devait participer, ‘était une condition sine qua non à la réalisation de la vidéo au sein de la prison de Fresnes. Si à un seul moment nous avions eu connaissance du profil du détenu sélectionné par l’administration pénitentiaire, la vidéo n’aurait jamais été tournée et encore moins diffusée. À plusieurs reprises et à tous les niveaux administratifs, et surtout, tout au long de la réalisation du projet, il nous a toujours été confirmé que nos conditions sur le choix des détenus avaient été formellement respectées. Ainsi, par respect des victimes, nous supprimons immédiatement la vidéo !'”
Konbini news a également choisi de supprimer le reportage des réseaux sociaux puisque, dans notre vidéo, Djibril précisait que tous les détenus étaient incarcérés pour de courtes peines.