Le nouveau chef d’État a battu Fernando Haddad, le successeur de l’ancien président Lula.
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La jeune démocratie brésilienne a basculé lundi 29 octobre dans une grande inconnue avec son premier président d’extrême droite plus de 30 ans après la fin de la dictature, une élection qui a jeté une lumière crue sur les fractures du Brésil.
Jair Bolsonaro, qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2019, a reçu dimanche un mandat clair avec plus de 55 % des voix, devant le candidat de gauche Fernando Haddad (45 %) à l’issue d’une campagne qui a coupé en deux le plus grand pays latino-américain.
Une fois installé dans le palais du Planalto à Brasilia, l’ancien capitaine, qui a souhaité après sa victoire un Brésil qui soit “une grande nation, pour nous tous”, aura fort à faire, après la campagne qu’il a menée au lance-flammes, pour recoller les morceaux d’un pays qui s’est fracturé profondément.
Bolsonaro va succéder, pour quatre ans, au conservateur Michel Temer, qui se retire sur un taux d’impopularité historique et va lui laisser un pays mal en point et en plein doute.
Jair Bolsonaro devrait se rendre à Brasilia dès mardi pour s’entretenir avec M. Temer, ainsi que le président de la Cour suprême Dias Toffoli et le chef d’état-major des armées, le général Eduardo Villas Bôas.
Ce député, qui n’a fait voter que deux lois en 27 ans dans l’hémicycle et n’était guère connu que pour ses gesticulations guerrières, arrive à la tête d’un pays de 208 millions d’habitants sans aucune expérience du pouvoir, comme ses futurs ministres.
La liste est longue des Brésiliens qui ont de quoi être inquiets de l’avenir après les déclarations agressives du candidat Bolsonaro qui avait dit vouloir gouverner “pour la majorité, pas pour la minorité”.
Dans sa ligne de mire, on retrouve pêle-mêle : les Noirs, les femmes, les membres de la communauté LGBT, mais aussi les militants de gauche, les Indiens, les membres du Mouvement paysan des sans-terre (MST) et d’ONG, les défenseurs de l’environnement et les journalistes.
“Fortes pressions”
Les plus optimistes pensent que cet admirateur de la dictature militaire, qui dura de 1964 à 1985, abandonnera sa rhétorique de campagne à l’épreuve du pouvoir. Mais d’autres le voient gouverner d’une manière bien plus idéologique que pragmatique, faisant prendre un virage inquiétant au Brésil.
“Il y a toujours des risques. Il est clair qu’avec ses antécédents et ses déclarations polémiques, il a attiré l’attention”, note Leandro Gabiati, directeur du cabinet de consultants Dominium, à Brasila.
“Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le Brésil a une des démocraties les plus solides d’Amérique latine”, ajoute-t-il. Mais le Brésil de Bolsonaro sera sous surveillance de la communauté internationale.
Inconnue également est la direction que prendra la 8e économie mondiale sous la baguette d’un président qui avoue sa totale incompétence en la matière. Avec son “Chicago boy” Paulo Guedes, il “devra remettre l’économie en mouvement le plus rapidement possible, car il n’aura une marge que de six mois, ou un an”, dit M. Gabiati.
Gaspard Estrada, spécialiste de l’Amérique latine à Sciences Po, estime lui aussi que Bolsonaro “aura de très fortes pressions pour donner des résultats très rapidement, puisqu’il s’est basé sur une plateforme très radicale”. “Sur le plan économique, des privatisations, il y aura des pressions des électeurs mais aussi des marchés financiers” qui attendront beaucoup, et vite.
Certains craignent des dérapages “dès le début”
Bolsonaro aura-t-il les moyens de mettre en œuvre sa politique ? C’est une autre grande inconnue. “Il sera face au Congrès le plus fragmenté de l’Histoire”, relève M. Estrada.
Le futur président “sera tenté de prendre des mesures très dures, sans passer par le Parlement”, où il aura beaucoup de mal à former une majorité. “Il sera confronté à des exigences très vite”, dit M. Estrada, qui “craint des dérapages dès le début de son mandat”.
Jair Bolsonaro a dit par exemple qu’il déclarerait “terroristes” les militants du MST, mais on peut redouter également “une multiplication d’actes violents avec la permission, par omission, du gouvernement Bolsonaro”.
Pendant la campagne, le candidat n’a jamais condamné les violences, dont au moins un meurtre, contre des militants de gauche, se disant “non responsable” des actes de ses sympathisants. Beaucoup craignent que la victoire, combinée au discours belliqueux de leur leader, qu’ils appellent “Le Mythe”, ne décomplexe et déchaîne les franges les plus extrémistes et primaires de son électorat.
À Brasilia, Luisa Rodrigues Santana, étudiante, a voté Haddad dimanche, craignant qu’une élection de Bolsonaro puisse “libérer toute cette haine accumulée chez tout le monde”. “En tant que femme noire, de la communauté LGBT, j’ai peur”, a-t-elle confié.
Konbini news avec AFP