Ce lundi 2 novembre à 11 heures, un hommage était rendu à Samuel Paty dans les établissements scolaires français. À cette occasion, les professeurs et enseignants devaient lire la “Lettre aux instituteurs et institutrices” écrite par Jean Jaurès en 1888, avant d’observer une minute de silence en hommage au professeur d’histoire-géographie sauvagement assassiné par un terroriste islamiste, le 16 octobre dernier, à Conflans-Sainte-Honorine.
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Seulement voilà, comme l’a noté Libération la veille de cet hommage, le texte tel que proposé aux enseignants a fait l’objet de quelques “tripatouillages”.
Tout d’abord, la lettre est tronquée. Jusqu’ici rien de dérangeant. Publié, dans La Dépêche en janvier 1888, le texte original est long. Aussi le ministère de l’Éducation en propose-t-il deux versions : une courte pour les plus jeunes et une “longue” pour les élèves plus âgés. Pour autant, les passages dont elle a été amputée n’ont pas été choisis au hasard, selon de nombreux observateurs.
Pour le syndicat SUD éducation, ces “oublis“ ont un sens politique. Il cite ce passage où Jean Jaurès s’en prend au système des examens et que voici :
“J’en veux mortellement à ce certificat d’études primaires qui exagère encore ce vice secret des programmes. Quel système déplorable nous avons en France avec ces examens à tous les degrés qui suppriment l’initiative du maître et aussi la bonne foi de l’enseignement en sacrifiant la réalité à l’apparence ! Mon inspection serait bientôt faite dans une école. Je ferais lire les écoliers, et c’est là-dessus seulement que je jugerais le maître.”
“Fermeté” plutôt que “fierté”
“Cette phrase résonne singulièrement avec le projet d’école de Blanquer : des évaluations nationales imposées aux élèves et personnels, réforme du baccalauréat et du lycée, épreuves de contrôle continu dans le déni des besoins des élèves, des familles et personnels, Parcoursup”, écrit SUD éducation, qui dénonce un “caviardage” et liste un certain nombre d’autres oublis dans un communiqué daté du 30 octobre dernier.
Le second grief qui est fait à la lettre, c’est sa modification dans une version envoyée à plusieurs rectorats, rapporte Libération. Le mot “fierté” devient “fermeté” dans la phrase “la fierté alliée à la tendresse”, mentionnée originellement par Jean Jaurès pour expliquer la “grandeur”de l’enseignant. Selon le quotidien national, c’est d’ailleurs cette version qu’a lue Emmanuel Macron lors de l’hommage national rendu à Samuel Paty, le 21 octobre dernier, à la Sorbonne.
Interrogé lundi 2 novembre sur France Inter, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a défendu le bien-fondé de ces coupes :
“Comme c’est une lettre très longue, il y a des paragraphes que [mes services] ont enlevés. Bien entendu que ces paragraphes n’ont rien de tabou. C’est pourquoi d’ailleurs on publie aussi la lettre complète, et si des gens ont envie de lire la lettre complète, ils le peuvent tout à fait.”
L’intégralité de la lettre originale est à retrouver à la fin du communiqué de SUD éducation.