Un nouveau délit pour lutter contre un fléau qui empoisonne la vie des élèves et des familles : ce mercredi, les députés s’emparent d’une proposition de loi contre le harcèlement scolaire, un phénomène contre lequel les pouvoirs publics entendent muscler leur réponse.
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Un peu plus de trois semaines après un train de mesures annoncées par Emmanuel Macron, l’Assemblée nationale va tenter d’apporter sa pierre au combat contre le harcèlement scolaire à travers un texte cosigné par les trois groupes de la majorité LREM, Modem et Agir.
Près d’un élève sur dix serait concerné chaque année par un harcèlement scolaire qui peut pousser la victime à mettre fin à ses jours, comme en témoignent plusieurs drames récents qui ont ému l’opinion tel le suicide de la jeune Dinah dans le Haut-Rhin en octobre.
Ce phénomène est ancien mais a été nettement aggravé par le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, passant souvent sous le radar des parents et des adultes.
Volet pénal pour “valeur pédagogique”
Alors qu’un certain nombre d’initiatives ont été menées ces dernières années dont la création de numéros d’aide d’urgence, Emmanuel Macron a annoncé la création d’une application d’aide aux victimes de cyberharcèlement, le renforcement du contrôle parental ou la multiplication des lieux d’écoute des jeunes.
La proposition de loi aborde, elle, les questions de la prévention, de la formation initiale ou continue des adultes pour prévenir et faire face aux cas de harcèlement. Mais c’est le volet pénal du texte qui retiendra l’attention avec sa mesure phare : la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire – celui-ci était jusqu’alors sanctionnable sous d’autres chefs dont le harcèlement moral.
Le harcèlement scolaire sera punissable de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsqu’il causera une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours, voire s’il n’a pas entraîné d’ITT. La mesure est durcie si l’ITT excède 8 jours, et pourra même atteindre dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque les faits auront conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire.
L’auteur du texte, Erwan Balanant du MoDem, met en avant la “valeur pédagogique” du nouveau délit et se défend “de faire du répressif”. “L’idée est d’engager toute la société”, justifie-t-il.
“Loi d’émotion”
La disposition pourrait toutefois empêcher un vote unanime dans l’hémicycle, où 130 amendements sont au menu – le député breton aurait souhaité un consensus. Las, le Parti socialiste notamment a mis en garde contre une loi “d’émotion”. “Nous ne sommes pas favorables à une criminalisation des mineurs et à une augmentation de la répression”, a déploré l’élue PS Michèle Victory lors de l’examen en commission.
“On aurait pu créer une circonstance aggravante” au délit de harcèlement moral, reconnaît Erwan Balanant. Mais la nouvelle “qualification pénale précise” permettra aussi, selon lui, de contraindre les plateformes numériques à intégrer l’obligation de modération des contenus de harcèlement scolaire.
Le député, qui avait déjà amendé le projet de loi sur “l’école de la confiance” en 2019 pour y intégrer la problématique du harcèlement, élargit aussi avec son texte le droit à une “scolarité sans harcèlement scolaire” aux établissements du privé et à l’enseignement supérieur.
La proposition de loi reconnaît “le fait que le harcèlement scolaire n’est pas qu’entre élèves” mais peut être également, même si c’est plus rare, le fait d’un adulte, relève Erwan Balanant.
Les députés LR applaudissent quant à eux des deux mains une proposition de loi qui “représente une évolution attendue”, selon Emmanuelle Anthoine.
La députée communiste Elsa Faucillon a pour sa part plaidé pour que la proposition de loi permette de rembourser les coûts liés à l’accompagnement médical et psychologique des victimes et des responsables de harcèlement.
Konbini news avec AFP