“J’entends un… mot… sur… deux”, imite Katell De Gouvello. Depuis la mi-mars, cette étudiante en première année de droit et de science politique à la Sorbonne suit difficilement ses cours en visioconférence.
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“Je n’ai pas de box mais un forfait Internet illimité sur mon smartphone. Et dans mon immeuble, on capte mal”, explique l’étudiante, qui a vécu confinée seule pendant près de deux mois dans son 15 m² parisien. Alors des examens à distance pour ce second semestre, ce n’est pas envisageable pour elle.
Pas en dessous de 10/20 aux partiels
La crise sanitaire oblige les universités à adapter leurs partiels, qui clôturent un semestre d’études à la fac. À Paris 1, il a été décidé qu’aucun étudiant ne pourrait avoir en dessous de 10 à l’issue des partiels de ce semestre.
Des devoirs maison seront proposés selon les formations et les notes en dessous de 10 ne seront pas comptées. Une mention “dispensé” de la matière remplacera la note sur le bulletin. Ce système de notation permet de ne pas pénaliser les étudiants défavorisés par la situation sanitaire, selon Katell.
Les élus étudiants ont fait adopter leur projet au sein de la commission compétente à l’université pour fixer les conditions d’examens. Cependant, la présidence de l’université était favorable à l’organisation de partiels à distance, avec des notes de 0 à 20.
“La présidence nous a négligés, affirme Katell. Il y a tellement de cas par cas que les partiels en ligne creusent les inégalités.” Contacté, le président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Des partiels en télésurveillance ?
À l’Université d’Aix-Marseille, les élus étudiants ont obtenu de la présidence des mesures proches de celles de Paris 1. “Mais il y a une chose sur laquelle on n’est pas satisfaits…”, admet Valentin Gourmet-Sanchez, président de l’UNEF Aix-Marseille. Son université a prévu de télésurveiller les examens de certains étudiants en sciences qui suivent leur cursus d’études à distance. Plus simplement, jusqu’à potentiellement 800 étudiants seront filmés via leur webcam durant leurs épreuves.
“Le recours à cette télésurveillance était déjà prévu avant la crise sanitaire”, explique Sophie De Cacqueray, vice-présidente déléguée à la formation initiale de l’université. “C’est un public particulier, qui a choisi de suivre une scolarité à distance. On ne les voit jamais en fait. Comment être sûr que c’est bien la bonne personne qui passe son examen ?”, s’interroge la vice-présidente déléguée pour justifier la télésurveillance.
Aix-Marseille Université précise ne pas être satisfait par ce dispositif de télésurveillance privé, et chercherait à développer ses propres applications de télésurveillance.
“C’est complètement inutile”
Ladislas* va justement passer six examens sous l’objectif de sa caméra. Son université et l’entreprise Managexam, chargée de la télésurveillance, l’ont rassuré sur la collecte de ses données personnelles.
“On sait que les serveurs sont en France principalement. J’ai un minimum confiance dans le système de protection des données en Europe et en France”, explique l’étudiant, qui suit ses cours à distance au CNED.
Pour autant, Ladislas ne comprend pas cette décision. Car, dans le même temps, “on nous autorise à passer des épreuves importantes en devoirs maison non surveillés. C’est complètement inutile. D’autant plus que le président de l’université nous a dit qu’il considère qu’on a accès à tous nos documents le jour de l’examen”.
“Une diapo sans explications, c’est impossible à comprendre“
“La majorité des cours qu’on a eus à distance, ce sont des PowerPoint. Parfois, sans explications des professeurs”, lance Ramy Hammoud, en quatrième année de pharmacie à l’université d’Angers.
Ses partiels auront bientôt lieu à distance, mais il estime ne pas avoir eu les moyens pour bien comprendre les cours sur lesquels il sera interrogé. “Imaginez : une diapo sans explications, c’est impossible à comprendre. Mais peut-être aussi que certains professeurs travaillent au CHU et n’ont pas eu le temps vu la situation”, nuance Ramy.
L’étudiant angevin aurait préféré avoir des devoirs maison à rendre, avec un délai. “Comme on a le cours avec nous, ça aurait été mieux pour consolider nos connaissances, explique-t-il. Faire un examen à distance, OK. Mais il faut que ça soit cohérent avec la situation.”
Et dans les autres facs ?
Aux universités Rennes 1, Lyon 2 et de Lille, les partiels sont aussi prévus à distance et à durée limitée pour certaines épreuves. Il en est de même à l’Université de Lorraine, à une exception près. Les étudiants en droit et économie bénéficieront eux d’un autre système de notation avantageux.
Les partiels seront à distance aussi pour les étudiants des université Lyon 3, de Toulouse-Jean Jaurès et de Nantes. Mais ces établissements vont privilégier les examens du type devoir maison, qui offrent un délai à l’étudiant pour rendre son devoir.
L’université Bordeaux-Montaigne a elle fait le choix d’une évaluation uniquement en contrôle continu. Les rattrapages se feront cependant à distance. Enfin, à l’université de Picardie, chaque filière a choisi ses propres modalités d’examens.
*Le prénom a été changé. L’étudiant n’a pas souhaité communiquer le nom de son établissement, ni de sa formation.