Le conservateur Yoon Suk-yeol, un ancien procureur novice en politique, a été élu jeudi 10 mars président de Corée du Sud, battant de justesse le candidat du parti de centre gauche au pouvoir et promettant de mener une politique plus agressive à l’égard de la Corée du Nord.
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Yoon Suk-yeol, le candidat du Parti du pouvoir au peuple (PPP), la principale formation de l’opposition de droite, l’a emporté avec 48,56 % des voix contre 47,83 % pour son rival du Parti démocratique Lee Jae-myung, selon des résultats définitifs publiés par la commission électorale. L’élection présidentielle sud-coréenne, qui s’est tenue mercredi, ne comporte qu’un seul tour.
“Ceci est la victoire du grand peuple sud-coréen”, a lancé Yoon Suk-yeol devant ses partisans en liesse, rassemblés jeudi à l’aube dans l’Assemblée nationale.
Le retour au pouvoir du PPP semble annoncer une politique étrangère plus musclée pour la dixième économie mondiale, après cinq années de politique en faveur de la paix avec la Corée du Nord sous le président sortant Moon Jae-in.
M. Yoon, qui prendra ses fonctions en mai, sera très vite confronté à un régime nord-coréen de plus en plus agressif, qui a débuté en janvier une série record de tirs d’essai, dont un quelques jours avant l’élection.
Le nouvel homme fort de Séoul s’est engagé jeudi à “traiter sévèrement” la menace que représente le régime de Kim Jong-un.
“Mais la porte du dialogue est toujours ouverte”, a-t-il déclaré à ses partisans après avoir visité le cimetière national de Séoul.
Yoon Suk-yeol a aussi appelé à une relation plus solide avec l’allié Washington, et s’est entretenu avec le président américain Joe Biden tôt jeudi, s’engageant à maintenir une “coordination étroite” sur la Corée du Nord.
Le taux de participation s’est élevé à 77,1 %, confirmant le vif intérêt des électeurs, malgré une campagne marquée par les scandales, les agressions verbales et la pauvreté du débat d’idées entre les deux favoris aussi impopulaires l’un que l’autre.
“Avec un électorat divisé ayant produit un gouvernement divisé, Séoul pourrait avoir du mal à engager des politiques de réforme plutôt que des politiques de rétribution”, a déclaré Leif-Eric Easley, professeur d’études internationales à l’université Ewha Womans de Séoul.
Le Parlement, largement dominé par le Parti démocratique, pourrait empêcher Yoon Suk-yeol de mettre en œuvre ses promesses.
“Son manque d’expérience dans l’élaboration d’une véritable politique est très préoccupant”, a déclaré à l’AFP Karl Friedhoff, du Chicago Council on Global Affairs.
La victoire sur le fil de Yoon Suk-yeol, 61 ans, marque un retour en grâce spectaculaire pour le PPP, durement affecté en 2017 par la destitution puis l’incarcération pour abus de pouvoir de la présidente Park Geung-hye, qui appartenait à cette formation.
“Cycle de la vengeance”
Selon les analystes, le résultat de la présidentielle pourrait relancer ce que les médias ont baptisé le “cycle de la vengeance”, une caractéristique de l’extrême polarisation de la vie politique dans ce pays de 52 millions d’habitants : tous les ex-présidents sud-coréens encore en vie ont fait de la prison pour corruption au terme de leur mandat.
Yoon Suk-yeol succédera pour cinq ans au président sortant Moon Jae-in, qui ne pouvait pas se représenter. Il a promis d’ordonner une enquête sur son prédécesseur – qui l’avait nommé procureur général au début de son mandat – sans préciser pour quels motifs.
Mais dans son discours de victoire, il s’est montré plus conciliant, affirmant que “tout le monde doit désormais faire des efforts pour ne faire qu’un”.
Le candidat de gauche, Lee Jae-myung, a reconnu sa défaite, affirmant devant ses partisans ne pas avoir “été à la hauteur des attentes”.
Selon les sondages publiés à la sortie des urnes, le résultat reflète un net clivage entre les sexes chez les électeurs âgés de moins de 30 ans, résultat d’une campagne marquée par des déclarations jugées sexistes de Yoon Suk-yeol.
Dans cette tranche d’âge, 58,7 % des hommes ont voté pour le candidat de droite et seulement 36,3 % pour M. Lee. À l’inverse, les femmes du même âge ont voté à 58 % pour M. Lee et seulement à 33,8 % pour Yoon Suk-yeol.
“J’ai le cœur lourd et désespéré”, a reconnu Kim Ju-hee, une militante féministe pour qui la victoire de Yoon Suk-yeol “crée un précédent où un président élu peut ouvertement se moquer des femmes”.
Un point de vue partagé par Keung Yoon-bae, une universitaire pour qui “le soutien massif dont bénéficie Yoon Suk-yeol chez les jeunes hommes est terrifiant pour une femme”.
La proposition de Yoon Suk-yeol qui a le plus retenu l’attention vise à supprimer le ministère de l’Égalité hommes-femmes, au motif que, malgré les données prouvant le contraire, les Sud-Coréennes ne souffrent pas de “discrimination systémique entre les sexes”, selon lui.
Yoon Suk-yeol, complètement novice en politique, a fait campagne en proposant un assouplissement du droit du travail, visant notamment le salaire minimum et le temps de travail maximum.