Un gigantesque dôme rempli de déchets nucléaires se fissure sur une île du Pacifique

Un gigantesque dôme rempli de déchets nucléaires se fissure sur une île du Pacifique

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© GIFF JOHNSON / US DEFENCE NUCLEAR AGENCY / AFP

Construit par les États-Unis dans les années 70 pour enfouir des déchets nucléaires, il menace aujourd'hui l'archipel. Et pas que.

Les Îles Marshall désignent un archipel perdu au milieu de l’océan Pacifique. Vu du ciel, ce paysage de carte postale est gâché par une gigantesque construction de forme circulaire. Aux Marshall, on surnomme ce dôme de 8 mètres de haut “la Tombe” (“the Tumb”, en anglais).

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Et pour cause. Sous cet énorme capuchon, il y a suffisamment de déchets radioactifs pour remplir 35 piscines olympiques. Dans les années 1950 et 1960, les États-Unis ont effectué des tests nucléaires dans cet archipel situé à mi-chemin entre l’Australie et Hawaï, au beau milieu de l’océan Pacifique.

Ils ont produit des dizaines d’essais nucléaires sur cet État composé de quelque 1 100 îles et îlots. Rien qu’entre 1946 et 1958, ils ont fait exploser 67 bombes sur les atolls de Bikini et d’Enewetak. Pour rappel, un atoll désigne un récif corallien.

À titre d’exemple, l’énergie développée par les 25 essais nucléaires atmosphériques réalisés sur Bikini, équivaut à 5 000 bombes Hiroshima, précise RFI qui a consacré un article au passé nucléaire de ces îles du Pacifique. 

Photo datée de juillet 1946 montrant le champignon en train de se former après l’explosion d’une bombe atomique lors des essais nucléaires effectués par l’armée américaine sur l’atoll de Bikini, dans l’océan Pacifique. (Photo by STF/AFP)

Le dôme qui inquiète aujourd’hui les habitants a été construit à l’endroit où les États-Unis ont fait exploser la bombe Cactus. C’était en 1958 sur l’île de Runit dans l’atoll d’Enewetak.

Dans la cavité creusée par la déflagration, ils ont enfoui les éléments les plus contaminés par la radioactivité. Ils ont également importé 130 tonnes de terre contaminée par les essais nucléaires qu’ils ont réalisés dans le désert du Nevada, rapporte le Los Angeles Times.

20 ans plus tard, en 1979, ils ont refermé ce réservoir de fortune avec un énorme capuchon de béton de 115 mètres de diamètre et 45 centimètres d’épaisseur. Sous le dôme gisent près de 88 000 m³ de déchets radioactifs.

Des risques de tremblements de terre

Aujourd’hui, la sûreté de cette solution de stockage qui se voulait temporaire, est menacée, ajoute le L.A. Times. Depuis plusieurs années, des fissures apparaissent. 

Les scientifiques s’inquiètent également du réchauffement climatique qui fait monter le niveau de l’eau. Comme le rappelle RFI, l’archipel des Marshall est constitué d’îles et d’atolls bas. Pour donner un ordre d’idée, le plus haut sommet culmine à 10 m d’altitude. Le risque de submersion est donc bien réel. 

Mais ce n’est pas le pire. Pour des raisons de coût le fond du cratère n’a pas été isolé avec une couche de béton. Les quelque 88 000 m³ de déchets radioactifs sont donc directement en contact avec le sol. On vous laisse imaginer si l’eau venait à s’infiltrer dans le sol sous le dôme.

Enfin l’île de Runit sur laquelle se trouve le fameux cratère, est située dans une zone vulnérable aux tsunamis et aux tremblements de terre. 

© STR / AFP

En juin dernier, le secrétaire général des Nations unis Antonio Guterres alertait la communauté internationale sur la sûreté du dôme, qu’il a décrit comme “un genre de cercueil”.

Désespéré, le gouvernement des Îles Marshall a demandé de l’aide aux États-Unis. Après tout, ce sont leurs déchets nucléaires et c’est bien eux qui ont construit ce dôme, alors que l’archipel était sous tutelle américaine. Les États-Unis opposent une fin de non-recevoir au motif que le dôme est sur le territoire des Îles Marshall.

Les États-Unis refusent d’intervenir

“Comment le dôme pourrait-il être à nous ?”, s’est interrogée Hilda Heine, la présidente de la République de l’archipel dans une interview en septembre dernier. “On n’en veut pas. On ne l’a pas construit. Les déchets qu’il contient ne sont pas à nous mais à eux”.

(© STEPHANIE KEITH / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Le sujet est épidermique dans le petit pays de 70 000 habitants. Ces essais nucléaires ont forcé des centaines d’habitants à déménager. Certains ne pourront probablement jamais rentrer chez eux, à cause de la contamination qu’ils ont laissée. 

Au terme d’un accord, les États-Unis ont versé plusieurs millions de dollars aux Îles Marshall – une somme dérisoire quant à l’enveloppe nécessaire à la rénovation du dôme.

En plus de cette épée de Damoclès qui menace la planète entière, l’archipel n’est toujours pas remis des dommages causés par ces essais nucléaires.

Certaines zones affichent des taux de radiation mille fois supérieurs à ceux mesurés à Tchernobyl ou Fukushima, selon une étude réalisée par des scientifiques de l’Université de Columbia en juillet dernier. 

En 2013 déjà, une inspection ordonnée par le gouvernement américain avait laissé entendre que les retombées radioactives dans les sédiments d’un lagon étaient déjà si élevées qu’une rupture du dôme n’impliquerait pas nécessairement une hausse de l’exposition aux radiations pour les habitants, précise l’AFP.

La situation est critique. La surface du sarco­phage menace de déver­ser ses tonnes de déchets haute­ment radio­ac­tifs dans l’océan Paci­fique.