Dimanche, un chasseur MiG-29 a décollé sur ordre personnel du président biélorusse Alexandre Loukachenko pour intercepter un vol Ryanair effectuant la liaison Athènes-Vilnius, qui se trouvait à ce moment-là dans l’espace aérien biélorusse. Selon les autorités biélorusses, une alerte à la bombe, qui s’est révélée être mensongère, est à l’origine de l’interception de l’appareil. Après un atterrissage à l’aéroport de Minsk et le contrôle de l’appareil, l’avion est reparti pour la Lituanie.
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Mais entretemps, la police biélorusse a arrêté l’opposant Roman Protassevitch, et sa petite amie Sofia Sapéga, qui se trouvaient à bord. De nombreux responsables occidentaux estiment que l’ensemble de l’incident a été orchestré. L’opposant biélorusse de 26 ans est l’ancien rédacteur en chef de l’influent média d’opposition Nexta, censuré par le pouvoir biélorusse. Selon Svetlana Tikhanovskaïa, figure de l’opposition en exil en Lituanie, il risque la “peine de mort”, que la Biélorussie est le dernier pays en Europe à appliquer.
Depuis l’été 2020, la Biélorussie est confrontée à d’énormes manifestations regroupant des dizaines de milliers de personnes, une mobilisation énorme pour un pays d’à peine 9,5 millions d’habitants. Mais la protestation s’est progressivement essoufflée face à des arrestations massives, des violences policières ayant fait au moins quatre morts et de lourdes peines de prison contre des militants et des journalistes.
Un atterrissage pris “sans ingérence” selon Minsk
L’équipage du vol de Ryanair Athènes-Vilnius a décidé d’atterrir dimanche à Minsk “sans ingérence” après avoir été informé d’une alerte à la bombe, ont affirmé lundi les autorités biélorusses, se défendant d’avoir forcé l’appareil à se poser pour arrêter un opposant. “La décision a été prise par le commandant de l’équipage sans ingérence extérieure” d’atterrir à Minsk, a indiqué Igor Goloub, commandant de l’armée de l’air de l’ex-république soviétique. Selon lui, le pilote aurait pu “partir vers l’Ukraine, en fonction de la météo et de sa réserve de carburant, ou vers la Pologne”.
Au lendemain de l’incident, la Biélorusse a affirmé avoir reçu une menace dans un email se proclamant de l’organisation palestinienne Hamas. Le directeur du transport aérien au ministère bélarusse des Transports, Artem Sikorski, a affirmé lui que l’aéroport avait reçu une menace crédible visant le vol dans un courriel en anglais, dont il a lu la traduction en russe. “Nous, soldats du Hamas, réclamons qu’Israël cesse le feu sur le secteur de Gaza. Nous réclamons que l’Union européenne cesse son soutien à Israël […] si nos revendications ne sont pas satisfaites une bombe explosera (à bord de l’avion de Ryanair) au-dessus de Vilnius”, a-t-il dit.
Une implication russe est également soupçonnée du côté européen. Le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab a affirmé lundi qu’il était “difficile de croire” que Moscou n’ait pas donné son accord au détournement du vol de Ryanair vers Minsk. “Les détails dont nous disposons ne sont pas clairs à ce sujet mais il est très difficile de croire que ce genre d’action ait pu avoir lieu sans au moins l’acquiescement des autorités à Moscou”, qui constituent le principal soutien du régime d’Alexandre Loukachenko, a déclaré M. Raab au Parlement.
L’Union européenne promet des sanctions
De nombreux pays européens, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suède ont demandé à leurs compagnies aériennes d’éviter l’espace aérien biélorusse avant que l’affaire ait été tirée au clair. La Lituanie a décidé d’interdire dès mardi tout “tout vol vers ou depuis les aéroports lituaniens via l’espace aérien biélorusse”, a annoncé le ministre des Transports Marius Skuodis. Les ambassadeurs biélorusses ont été convoqués dans ces différents pays afin d’obtenir des explications sur le détournement du vol, à mesure que la polémique augmente. La France et la Lituanie ont suggéré une “interdiction de l’espace aérien” de la Biélorussie. Le président Emmanuel Macron va rencontrer en bilatéral la chancelière Angela Merkel et son homologue lituanien Gitanas Nausėda avant le dîner, a-t-on indiqué de source diplomatique.
Les dirigeants de l’UE vont proposer de nouvelles sanctions contre des responsables biélorusses et discuter de mesures économiques pour riposter au détournement de l’avion. Les dirigeants européens “ne veulent pas laisser passer” le détournement sur Minsk d’un avion reliant Athènes à Vilnius, qualifié d’acte de “terrorisme d’État” par plusieurs capitales. “L’incident ne restera pas sans conséquences”, a averti dès dimanche le président du Conseil, Charles Michel.
Cette position a été signifiée lundi à l’ambassadeur de la Biélorussie à Bruxelles, convoqué par le service diplomatique européen et par la ministre belge des Affaires étrangères Sophie Wilmès. Les accusations européennes ont été rejetées comme “sans fondement” par la Biélorussie. Minsk soutient avoir agi dans la légalité en interceptant ce vol commercial après une alerte à la bombe finalement mensongère. Malgré les sanctions européennes et américaines visant le président bélarusse et de hauts responsables, Loukachenko n’a donné aucun signe de compromis face au mouvement de contestation et a renforcé la répression.
Konbini News avec AFP