Alors que le XV de France n’est qu’à quelques jours de débuter sa Coupe du monde à la maison, ce vendredi contre la Nouvelle-Zélande, la sélection de Bastien Chalureau, appelé pour suppléer l’absence sur blessure de Paul Willemse, secoue le rugby français et l’opinion publique. Si vous n’avez pas tout suivi, on vous résume tout de “l’affaire” Chalureau.
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Qu’est-ce qu’on reproche à Bastien Chalureau ?
En 2020, Bastien Chalureau a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse à six mois de prison avec sursis pour des “faits de violence avec la circonstance que ces derniers ont été commis en raison de la race ou de l’ethnie de la victime”. Il a fait appel de ce jugement.
Chalureau est accusé par deux anciens joueurs de rugby de les avoir agressés après une soirée à Toulouse fin janvier 2020. “J’ai entendu une personne qui criait ‘Ça va les bougnoules ?’ Je me suis retourné et j’ai aperçu un gars costaud […] Il continuait sans cesse ses insultes racistes. J’ai voulu me retourner et il m’a décroché un coup de poing de toutes ses forces dans la mâchoire”, avait raconté l’un d’eux, Yannick Larguet, dans le quotidien régional La Dépêche du Midi.
“Une incisive m’a perforé la lèvre, j’ai quatre dents qui bougent et une entorse aux cervicales. Le dimanche, j’ai dû être hospitalisé”, a indiqué à l’époque la victime dans les colonnes du journal.
À la suite de cette rixe, Bastien Chalureau avait été mis à pied par le Stade toulousain puis recruté par Montpellier, où il a confirmé les espoirs placés en lui en conquérant son premier titre, le Challenge européen, en juin 2021, puis celui de champion de France en 2022.
Benoît Chalureau, en larmes, se défend de tout racisme
“Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai avoué mes erreurs, que j’ai payé mes dettes et que je nie tout propos raciste. Je ne suis pas raciste”, a affirmé lundi à la presse le deuxième ligne de Montpellier, âgé de 31 ans, à Rueil-Malmaison où est basée l’équipe de France, dans une tentative de défense des faits qui lui sont reprochés.
“On a discuté avec le staff de l’équipe de France : ils savaient depuis le début, la procédure est ancienne et connue par beaucoup de personnes”, a-t-il souligné, visiblement ému, évoquant aussi sa famille. “Ça ne touche pas que moi”, a-t-il ajouté avant de fondre en larmes.
“Il y a la justice qui fait sa procédure, je m’en réfère à la justice”, a-t-il dit lundi, rappelant qu’il réfutait les accusations “depuis le premier jour”. David Mendel, l’avocat de Chalureau, a précisé lundi à l’AFP que l’audience en appel aurait lieu en novembre à Toulouse, sans autre commentaire.
La communication de Fabien Galthié et Emmanuel Macron
Face à l’ampleur de la polémique, Bastien Chalureau a été vivement invité à s’exprimer sur l’affaire, comme l’a indiqué le sélectionneur Fabien Galthié dans un échange avec Emmanuel Macron capté par les médias. “[Il] va parler, il va dire les choses. S’il doit pleurer, il doit pleurer”, a-t-il soufflé à l’oreille du président de la République.
De son côté, le chef de l’État a voulu prendre ses distances avec l’affaire tout en s’exprimant dessus. “C’est le sélectionneur, le coach qui choisit ses joueurs et c’est d’ailleurs très bien comme ça, donc je ne vais pas commenter ses choix. Il les fait en conscience, en responsabilité. Ce sont par définition les bons”, a-t-il d’abord déclaré à RMC Sport.
“Je pense que c’est important — je sais que Bastien va le faire — qu’il s’exprime là aussi avec son cœur, qu’il dise sa vérité. En aucun cas, ça ne doit venir troubler la préparation et le déroulé. C’est une équipe, il faut lui laisser son unité. Je veux qu’ils ne pensent qu’à une chose : le rugby, le jeu et la gagne”, a ensuite enchaîné Emmanuel Macron, qui se refuse à “commenter une procédure judiciaire quand elle est en cours”.
Présomption d’innocence pour la ministre des Sports et réactions de l’opposition
Face à la polémique, le patron de World Rugby, Alan Gilpin, a affirmé que le racisme n’avait “pas sa place dans le rugby”, tout en rappelant le principe de la présomption d’innocence. La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra avait également appelé au “respect de la présomption d’innocence“.
“Dans l’attente de la décision de justice définitive, chacun doit laisser la justice faire sereinement son travail”, a-t-elle dit dans un communiqué. Les internationaux français représentent “les valeurs républicaines d’égalité et de fraternité” et doivent “combattre toutes les formes de violences et de discriminations”, a souligné la ministre.
Depuis sa sélection, le passé judiciaire du deuxième ligne a été remis sur le devant de la scène par plusieurs personnalités de gauche. Dans un courrier à Amélie Oudéa-Castéra, deux députés LFI, François Piquemal et Thomas Portes, ont estimé “qu’à ce stade de l’instruction judiciaire, convoquer le joueur n’était pas pertinent pour l’équipe de France et sa cohésion”. Ces élus ont aussi rappelé que “trois autres internationaux français (Romain Taofifénua, Sekou Macalou et Sipili Falatea) avaient été en mars dernier victimes de commentaires racistes sur leur présence en équipe de France de la part d’internautes”.
Les joueurs étaient au courant, mais préfèrent se concentrer sur le terrain
Dans les rangs de l’équipe de France, on assure que le groupe n’avait pas été affecté par la polémique, préférant se concentrer sur le match d’ouverture de la Coupe du monde contre les All Blacks vendredi.
“Ça s’est passé il y a plus de deux ans”, a rappelé le demi de mêlée Maxime Lucu. “Avec nous, il a toujours été exemplaire, il n’y a jamais eu de problème avec ça. Il a toujours répondu présent sur le terrain.” “Ce qui se passe en dehors, on n’est pas là pour y répondre : on est des joueurs de rugby et on laisse faire les instances. On est concentrés sur le match de vendredi”, a-t-il ajouté.
Antoine Dupont, la star de l’équipe, s’est aussi exprimé sur “l’affaire”. Il a rappelé que le groupe “était déjà au courant de cette affaire qui est toujours en instruction”. “Avec Bastien, ça se passe très bien”, a-t-il enchaîné. “Depuis qu’il est arrivé avec nous, il a toujours eu une attitude exemplaire, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Et, pour nous, c’est ça le principal aujourd’hui. Le plus important, c’est le terrain, la performance, et Bastien remplit son rôle.”